Play all audios:
Après des années de modernisation de son économie, la Pologne s'impose aujourd'hui comme l'un des pays les plus dynamiques d'Europe. En vingt ans, le PIB par habitant y a
doublé pour se rapprocher des niveaux des pays développés. Le pays pâtit néanmoins de sa démographie déclinante, de sa dépendance au charbon et de la situation de ses finances publiques. Un
revers pour le chef du gouvernement Donald Tusk. Vainqueur d'une courte tête, le nationaliste Karol Nawrocki a remporté dimanche l'élection présidentielle en Pologne. Avec cette
élection, le Premier ministre pro-européen risque de devoir renoncer à certaines réformes, le président polonais ayant le pouvoir de bloquer des projets de loi. Ce que l'actuel
président Andrzej Duda n'a d'ailleurs pas hésité à faire ces derniers mois. De quoi donner un coup de frein au spectaculaire dynamisme économique polonais? Pas vraiment à en croire
les prévisions qui tablent sur une croissance de 3,7% en Pologne cette année (après 2,8% en 2024), de 2,9% en 2026 et de 2,3% en 2027. Des niveaux rares en Europe qui ne font que confirmer
le "miracle économique polonais" observé depuis une vingtaine d'années. UN PIB PAR HABITANT QUI A DOUBLÉ EN 20 ANS Au cours des deux dernières décennies, l'économie
polonaise a doublé de taille, "progressant plus vite que celle des pays voisins d'Europe centrale et deux fois plus vite que la moyenne de l'OCDE", observe
l'organisation des pays développés. Et ce alors même que la population baisse dans le pays depuis 1999. Résultat, le PIB par habitant y a doublé depuis 2005. Si bien qu'il est en
passe de dépasser celui du Japon (55.190 dollars contre 54.680 attendus en 2025) en parité de pouvoir d'achat, selon les chiffres du FMI et tend à se rapprocher de celui de la France
(65.630 dollars). "L'information en elle-même est assez impressionnante", expliquait sur BFM Business Alexis Karklins-Marchay, directeur général délégué d'Eight Advisory.
Et de poursuivre: "La Pologne, c'est une fabuleuse histoire de croissance depuis le début du siècle. Il n'y a pas eu une année de récession en dehors de l'année
Covid" depuis 2000. La sixième économie européenne est ainsi le seul pays du continent à avoir connu une croissance continue sur la période. Et Donald Tusk espère bien que la dynamique
se poursuive: "Jusqu'à présent, nous rêvions de rattraper les pays les plus développés, de rattraper les sociétés les plus prospères. Aujourd'hui, nous pouvons dire qu'il
est possible, ici en Pologne, de dépasser ceux qui, il n'y a pas si longtemps, nous regardaient d'en haut", avait-il déclaré en février. UNE MAIN-D'OEUVRE QUALIFIÉE ET
COMPÉTITIVE QUI ATTIRE LES INVESTISSEMENTS ÉTRANGERS Dans son étude, l'OCDE confirme que "le niveau de vie en Pologne a considérablement augmenté au cours des deux dernières
décennies" alors qu'elle comptait parmi les pays les plus pauvres d'Europe dans les années 1990. Une performance qu'elle doit en partie à un "marché domestique
important" avec une population de près de 40 millions d'habitants et "une position géographique assez idéale", indique Alexis Karklins-Marchay. La population polonaise
est par ailleurs instruite, bien formée et le coût du travail y est bien moindre que dans les pays d'Europe de l'ouest. Ce qui en fait un pays compétitif attirant de nombreux
investisseurs étrangers et des entreprises innovantes: "C'est aussi un environnement tech et ça on le sait moins mais la Pologne est un grand pays de tech aujourd'hui en
Europe", rappelle encore Alexis Karklins-Marchay. Et contrairement à beaucoup d'autres de ses voisins, la Pologne a réussi à se réindustrialiser. Elle dispose aujourd'hui
d'une industrie diversifiée et s'impose parmi les leaders européens voire mondiaux dans de nombreux domaines comme l'automobile, l'électroménager où les batteries
électriques qu'elle exporte massivement. Pour en arriver là, le pays a dû subir une "thérapie de choc" avec de lourdes réformes à la suite de la chute du mur de Berlin.
"Le pays a choisi l'économie de marché et l'a adoptée très rapidement. Cela a été dur avec dans les premières années de l'inflation et des disparitions d'emplois car
il y avait beaucoup d'emplois qui étaient complètement obsolètes dans l'ancienne économie communiste, relève Alexis Karklins-Marchay. Mais cela a produit ses effets et
aujourd'hui, il y a un climat entrepreneurial très favorable, avec une fiscalité très positive pour le business (...) et des infrastructures qui se sont modernisées". Et ce
notamment grâce à l'accompagnement de l'État qui a bénéficié d'importants fonds européens depuis l'intégration de la Pologne dans l'UE en 2004. Le monde qui bouge -
L'Interview : Le candidat nationaliste vainqueur en Pologne - 02/06 UN DÉFICIT PUBLIC DE PLUS 6% Si la Pologne est aujourd'hui l'une des économies les plus performantes
d'Europe, elle souffre aussi d'un certain nombre de handicaps. Certes son taux de chômage est très faible (environ 3%) mais il reflète surtout sa démographie déclinante qui aboutit
à des pénuries de main-d'oeuvre préoccupantes. Ce marché du travail tendu alimente de surcroît les salaires et donc l'inflation qui, bien qu'en reflux depuis le pic
post-Covid, n'est pas encore totalement maitrisée, avec un niveau supérieur à 4% sur un an. Avec une espérance de vie parmi les plus faibles de l'OCDE, la Pologne pâtit aussi du
manque d'efficacité de son système de santé en raison de dépenses historiquement faibles pour le secteur. Celles-ci augmentent néanmoins depuis quelques années et vont continuer de
progresser. Des "améliorations" saluées par l'OCDE qui regrette toutefois des résultats encore "médiocres" en la matière. Outre la santé, c'est le secteur de la
défense qui fait partie des priorités de la Pologne avec un plan d'investissement record de 155 milliards d'euros pour 2025. Ajouté à cela, le coût de la transition énergétique
alors que son mix énergétique est encore très dépendant du charbon. Autant d'investissement qui font aujourd'hui de la Pologne l'un des pays les plus dépensiers d'Europe.
Mais en a-t-il vraiment les moyens? L'OCDE prévient déjà qu'en raison d'une "forte augmentation des dépenses sociales, de santé et de défense", Varsovie aura
"besoin d'un ajustement budgétaire" alors que son déficit public est passé de 0,7% du PIB avant le Covid à plus de 6% aujourd'hui.