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Certains maîtrisent la langue française, d'autres ont plus de mal à s'adapter. Point commun des 19.000 enfants ukrainiens scolarisés en France: l'incertitude quant à leur
avenir. Karina est arrivée en France en mars 2022, peu après le début de la guerre, avec ses parents, sa sœur, sa grand-mère et sa tante. Un an plus tard, l'adolescente de 13 ans est
aujourd'hui scolarisée en classe de 4e, s'exprime en français, s'est fait "beaucoup d'amis" au collège et va au judo après les cours. > "Elle essaie de
faire de son mieux pour réussir mais elle me dit > toujours que notre pays natal lui manque beaucoup et qu'elle attend > que la guerre soit finie", confie sa mère, Nvard, à
BFMTV.com. Au 1er décembre dernier, quelque 19.236 élèves ukrainiens étaient inscrits dans des établissements scolaires français, dont plus de la moitié en écoles primaires, INDIQUE LE
MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR. Si, comme Karina, certains de ces enfants sont parvenus à s'adapter à ce nouveau pays, cette nouvelle langue et ce nouveau système scolaire, pour
d'autres, c'est plus difficile. "IL NOUS A DIT QUE SON PAPA FAISAIT LA GUERRE" Julien Delzon dirige une école élémentaire à Cenon (Gironde), une commune de la métropole
bordelaise. Il compte dans ses classes six enfants ukrainiens - arrivés entre octobre 2022 et début janvier 2023 - scolarisés du CE1 au CM2. > "On a deux enfants très angoissés:
l'un d'eux nous a dit que son > papa faisait la guerre", explique-t-il. "On voit bien qu'ils dorment > mal. Quand ils arrivent le matin, ils sont très
fatigués." Ces enfants "viennent de différentes régions d'Ukraine mais ceux de Kharkiv sont beaucoup plus marqués", observe-t-il pour BFMTV.com. "On ne pose pas trop
de questions mais on sait qu'ils ont vécu les bombardements." Lors des récréations, les six enfants ont pris l'habitude de se retrouver dans la cour. "Ils forment un
petit groupe", ajoute le directeur d'école. "Ils sont très mignons et très gentils mais ça reste difficile pour eux de s'intégrer. L'apprentissage de l'alphabet
est long et difficile." "QUASIMENT TOUS VEULENT RENTRER" En mathématiques et lors des ateliers de sciences, les choses se passent plutôt bien - de nombreux enseignants ont
d'ailleurs témoigné du niveau élevé des jeunes Ukrainiens dans ces matières. Mais en histoire ou en géographie, "ils décrochent", regrette ce directeur d'école. Tous les
matins, de 9 heures à 10h30, ces enfants sont pris en charge en unité pédagogique pour élèves allophones arrivants (UPE2A) avec une enseignante spécialisée qui leur apprend la langue
française. > "Deux enfants sont vraiment motivés avec une grande capacité > d'adaptation et d'assimilation du français", assure Julien Delzon. > "Mais les
autres ont plus de mal à s'intéresser à ce qu'on leur > propose." Il faut dire que la plupart de ces familles souhaitent, à terme, rentrer en Ukraine. "Leur projet de
vie est (là-bas)", résume Julien Delzon. Mais quand pourront-ils reprendre le cours de leur vie? "Ne pas savoir quand et s'ils rentreront chez eux, s'ils retrouveront
leurs amis, leurs familles, leurs pères et leurs maisons, je crois que c'est le plus dur", estime Julien Delzon. "Quasiment tous veulent rentrer", abonde Alexandre
Morlet, le président de l'antenne de Saint-Germain-en-Laye de La Maison ukrainienne. Tous les mercredis après-midi, son association propose des cours de langue et de culture
ukrainiennes à une trentaine d'enfants âgés de 7 à 15 ans - arrivés en France entre mars et mai 2022 - scolarisés entre cette commune des Yvelines et Poissy. > "L'idée,
c'est de faire en sorte qu'ils ne perdent pas le fil et > n'aient pas trop de retard scolaire quand ils rentreront en > Ukraine", résume-t-il. Souvent, les enfants
poursuivent même en parallèle leur scolarité ukrainienne à distance, avec cours et devoirs à rendre, constate Valentyna Khairulina. Partie de Dnipro avec sa fille de 12 ans un mois après le
début de la guerre, cette professeure de français accompagne désormais des collégiens et lycéens ukrainiens dans l'Hexagone. "Ils ne veulent pas tout lâcher de
l'Ukraine", témoigne-t-elle pour BFMTV.com. À Cenon, les deux élèves de CM2 suivis par Julien Delzon sont ainsi absents quatre demi-journées par semaine pour cause de
visioconférences avec leurs enseignants ukrainiens. À Saint-Vaury, dans la Creuse, l'intégration a été relativement plus rapide pour la quinzaine d'enfants arrivés d'Ukraine
le 17 mars 2022, notamment grâce à la solidarité des habitants. "Dès le mois d'avril, ils étaient tous scolarisés", se souvient pour BFMTV.com Jacques Forgeron, co-président
de la Fédération échanges France-Ukraine et président de l'association Creuse Corrèze qui a affrété un bus depuis la Pologne pour faire venir ces familles en France. Des cours de
français ont été rapidement proposés par les bénévoles de l'association aux parents comme aux enfants. Aujourd'hui, les familles sont logées dans des appartements autonomes après
avoir été accueillies chez les habitants. Scolarisés de la maternelle au lycée - "on a aussi deux bébés en crèche" - tous les enfants participent à des activités en dehors de
l'école dans les clubs sportifs de la commune: badminton, basket, judo, gymnastique ou encore danse - activités financées par des collectes de l'association. > "Maintenant,
les enfants comprennent et parlent parfaitement > français. Leur intégration est assez exceptionnelle", se félicite > Jacques Forgeron. Enseignante dans le supérieur en Ukraine,
Oksana Zinkevych est devenue professeure de français auprès de collégiens et lycéens ukrainiens scolarisés en France. Elle-même est arrivée dans la Creuse en mars 2022 avec son fils de 13
ans - son mari est resté en Ukraine. L'adolescent parle aujourd'hui couramment français - langue qui lui était inconnue - et s'est pleinement adapté à son programme de 4e. Il
n'y a qu'en espagnol - qu'il n'avait jamais étudié - qu'il pêche encore un peu. > "La principale de son collège a dit qu'il réussissait, qu'il >
pourrait continuer à étudier comme les autres enfants français", > confie, soulagée, Oksana Zinkevych. Mais le garçon continue lui aussi d'étudier le programme ukrainien:
"il ne veut se fermer aucune porte", explique sa mère. Car même pour ceux et celles dont la situation semble stabilisée, l'avenir reste incertain. Si Valentyna Khairulina a
été embauchée par l'Éducation nationale et a trouvé un appartement à Guéret, elle n'a encore rien tranché pour son avenir et celui de sa fille. "Pour le moment, on n'a
pas de projet", résume-t-elle. "C'est compliqué. Ça va faire un an qu'on est là et on se rend compte qu'on va peut-être être encore là un moment."