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Souvent remis en cause, le droit du sol est à nouveau au cœur des débats politiques en ce début 2025. Inscrit dans le Code civil, c'est l'une des manières d'accéder à la
nationalité française, si toutes les conditions sont réunies. C'est un débat qui ressurgit régulièrement dans la vie politique française: doit-on durcir le droit du sol? Cette tradition
médiévale, réhabilitée au 19e siècle, a fluctué au cours de son histoire, et a souvent été contestée notamment par la droite et l'extrême droite. En ce début d'année 2025, la
nouvelle équipe gouvernementale de Français Bayrou est divisée sur la question, entre ceux qui veulent durcir les conditions d'accès au droit du sol comme Gérald Darmanin (Justice) et
Bruno Retailleau (Intérieur) et ceux qui jugent le débat inutile, à l'instar d'Éric Lombard (Économie). UN PRINCIPE QUI REMONTE AU MOYEN-ÂGE Mais que prévoit exactement le droit du
sol, et qui peut y accéder? Un retour historique s'impose. Comme les États-Unis et une trentaine d'autres États, la France est un pays où la nationalité repose en réalité sur une
combinaison du droit du sol ("jus soli" en latin) et du droit du sang ("jus sanguinis"). Au Moyen-Âge, l'individu appartient au propriétaire de sa terre de
naissance: c'est l'application du "jus soli". À la Révolution française, les sujets du roi deviennent des citoyens avec des droits et des devoirs. Le mot nationalité
n'existe pas, mais être "Français" est défini. Dès 1803, le Code civil impose la notion moderne de "nationalité française", désormais transmise par le père et
indépendante de la résidence. La France consacre alors le droit du sang comme premier critère d'attribution de la nationalité. Mais le droit du sol n'est pas écarté: tout étranger
né en France peut, à sa demande, acquérir la nationalité à 21 ans. UN DÉBAT QUI DURE DEPUIS 50 ANS Dès la moitié du 19e siècle, les conditions d'acquisition de la nationalité
s'assouplissent pour augmenter la population. En 1889, au nom de l'universalisme, le droit du sol est consacré. Un enfant né en France, même de parents étrangers, devient
automatiquement Français à sa majorité. Après la Première Guerre mondiale, en 1927, pour attirer la main d'oeuvre étrangère, la loi étend le droit du sol aux étrangers y résidant depuis
au moins trois ans et la nationalité aux enfants nés d'une Française et d'un étranger. Sous le régime de Vichy, 15.000 naturalisations sont abolies, ciblant notamment des citoyens
juifs. Le général de Gaulle abolira ces lois. Après le choc pétrolier, l'émergence du Front national cristallise les débats sur ces questions. En 1993, la loi dite Pasqua introduit la
"manifestation de volonté": les enfants nés de parents étrangers doivent réclamer la nationalité française entre 16 et 21 ans. Une disposition supprimée dès 1998:
l'automaticité est rétablie mais à 18 ans. LE DROIT DU SOL À LA NAISSANCE OU À LA MAJORITÉ Quid de 2025? Il existe cinq manières de devenir Français: le droit du sang, le droit du sol,
la naturalisation, le mariage ou la possession d'État, comme le rappelle le site vie-publique. Pour le droit du sol, il s'acquiert soit à la naissance, soit à la majorité. Les
enfants nés en France de deux parents apatrides bénéficient du droit du sol, dès la naissance. Si l'enfant est né en France et qu'au moins l'un de ses parents est né en
France, alors il bénéficie même du double droit du sol, dès sa naissance également. Si un enfant est né en France de deux parents étrangers, il devient automatiquement Français à ses 18 ans,
sous deux conditions: il doit résider en France et doit avoir eu sa résidence en France pendant au moins 5 ans depuis l'âge de 11 ans, (les démarches peuvent être effectuées dès
l'âge de 13 ans). L'EXCEPTION DE MAYOTTE Une exception notable à souligner est la situation à Mayotte. Sur l'archipel, le droit du sol a été durci en 2018, par la loi Asile et
immigration, précisant que pour qu'un enfant né à Mayotte devienne Français, il fallait que l'un de ses parents ait, au jour de la naissance, été présent de manière régulière en
France depuis au moins trois mois. Jeudi 6 février, l'Assemblée nationale a adopté une proposition de loi visant à durcir encore davantage les restrictions au droit du sol à Mayotte. Ce
texte, porté par les Républicains (LR), prévoit de conditionner l'obtention de la nationalité française pour les enfants nés à Mayotte à la résidence régulière sur le sol français, au
moment de la naissance, des "deux parents" (et non plus d'un seul), et ce depuis trois ans (et non plus trois mois). Sur le même sujet Alors que le Rassemblement national,
Marine Le Pen en tête, veut un référendum sur le droit du sol, le chef du gouvernement François Bayrou a répété que "la question (était pour lui) beaucoup plus large" que celle du
droit du sol. Pour le Premier ministre, l'identité nationale est au cœur des débats: "Qu'est-ce que c'est d'être Français? À quels droits et, surtout, à quels
devoirs cela ouvre-t-il?". Fanny Rocher