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Ce mercredi 4 juin, l’Observatoire du long terme dévoile à l’Assemblée nationale son rapport consacré à la montée des phénomènes de désinformation en ligne et les solutions envisagées pour y
faire face.
Cyberdémocratie : le terme était en vogue dans les années 2000, lorsque Internet se faisait fort d’ouvrir la voie à une démocratie plus directe, « où les citoyens peuvent coproduire les
décisions collectives », comme le pronostiquait alors le philosophe Pierre Lévy (1). Un quart de siècle plus tard, inversion radicale : la question est désormais de sauver la démocratie des
influences néfastes des réseaux sociaux et des manipulations de masse qui s’y déroulent.
« La liberté d’expression et la liberté d’informer sont ainsi devenues des points faibles de nos démocraties alors qu’elles en étaient les points forts », constate le rapport intitulé
Manipulation et polarisation de l’opinion : réarmer la démocratie pour sortir du chaos. Publié par l’Observatoire du long terme, il est présenté ce 4 juin à l’Assemblée nationale, en
présence du président de la Commission des Affaires étrangères Bruno Fuchs.
Le fondateur de l’observatoire, Vincent Champain, polytechnicien qui a travaillé en 2008 auprès d’Eric Besson au sein du secrétariat d’Etat à l’économie numérique, se refuse en effet à
sombrer dans l’analyse nostalgique et désabusée.
Il dresse certes une généalogie précise des dérives actuelles et pose des études de cas accablantes, notamment d’ingérences étrangères : campagnes de désinformation remontant à Téhéran et
Moscou sur « l’islamophobie d’Etat » de la Suède ; allégations expliquant la propagation des punaises de lit par les embargos contre la Russie ; démultiplication par la Chine de comptes
critiquant Taïwan et les Etats-Unis. Mais il s’empresse aussitôt de multiplier les propositions pour retrouver le techno-optimisme des débuts du Web. Pour qu’Internet revigore le débat
démocratique plutôt qu’il ne le fracture.
Ces propositions vont des plus politiquement ambitieuses au plus techniquement concrètes. Sur le plan de l’information, le rapport s’engage ainsi clairement en faveur du journalisme «
traditionnel », intégré dans une notion de « médias de journalisme à code de déontologie » ou MJD. C’est-à-dire des publications armées de journaliste dont le travail consiste à recueillir,
vérifier, recouper et analyser les informations.
Pour souligner cette raison d’être, Vincent Champain propose de créer une instance de déontologie autour d’un « noyau de pays européens partageant les mêmes valeurs et souhaitant lutter
contre les ingérences étrangères ». Les MJD pourraient arborer un label distinctif.
Pas évident toutefois de créer un tel organisme, la presse étant rétive à toute idée d’instance de contrôle, fût-elle issue de ses rangs. « Aujourd’hui, la création d’un ordre professionnel
pour les journalistes, à l’image de l’ordre des médecins, est pourtant indispensable pour que la profession se distingue des « quasi-médias », qui reposent par exemple sur des influenceurs,
insiste Vincent Champain. Même si c’est un travail de longue haleine, les journalistes sont le mieux à même de poser des règles autour de leur métier. Et cette affirmation déontologique est
vitale. »
Dans la foulée, face notamment aux mastodontes américains, le rapport propose la création d’une « contre-plateforme » portée par un « consortium de médias de pays européens et encouragée par
des moyens publics » pour diffuser des informations recoupées et vérifiées. Pas un projet évident non plus à mener à terme.
En revanche, la généralisation de systèmes pour alerter les internautes lorsqu’ils font l’objet de ciblage de masse et afin de les protéger des « robots trolls » est techniquement et
politiquement envisageable. De même que la mise en place d’un outil d’intelligence artificielle (encadré par un comité éditorial) pour vérifier des contenus : ces « contextBots » seraient
embarqués sur les réseaux sociaux, en prenant la forme d’un « bouton » placé à côté des « likes » et autres « partager » au pied des publications.
Outre ce travail pour consolider la qualité de l’information, l’Observatoire du long terme propose aussi une boîte à outils pour apaiser les débats en ligne. Il suggère d’imposer une
fonctionnalité pour régler le niveau de négativité ou d’agressivité des commentaires.
Et le développement sur les réseaux d’une « nétiquette » permettrait de « promouvoir la courtoisie en ligne ». Cette idée, née aux États-Unis dans les années 1990, serait mise au goût du
jour pour indiquer les règles de bonnes conduites des émetteurs de messages. En cas de dérapage lors de débats enflammés, que pourrait repérer une intelligence artificielle, plutôt que de
bloquer les contenus, un avertissement rappelant les règles de la « nétiquette » serait adressé aux participants.
Après l’Assemblée nationale française, Vincent Champain compte porter ces analyses et ces propositions au Parlement européen, devant la Commission spéciale sur la défense de la démocratie
lancée par la macroniste Nathalie Loiseau.
(1) Cyberdémocratie, Pierre Lévy, Editions Odile Jacob, 2002.
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