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Il semble loin le temps de l’invention du PDF, des logiciels de montage Photoshop ou Illustrator. Le groupe californien travaille désormais avec la plupart des entreprises du S&P 500 ou
du CAC 40 et accompagne la transformation numérique de ses clients, au premier rang desquels les banques ou les géants de la grande distribution. INTÉGRATION TOUS AZIMUTS Devant le parterre
d’invités, Shantanu Narayen, PDG d’Adobe depuis 2007, n’a qu’un seul mot d’ordre : l’IA générative comme catalyseur de croissance. Le groupe américain prévoit ainsi que ses produits
alimentés par l’IA généreront plus de 250 millions de dollars de revenus supplémentaires d’ici à la fin de l’année. _« Nous construisons de nouveaux outils et de nouvelles expériences sur la
base des logiciels historiques d’Adobe »,_ précise Ely Greenfield, en charge de la technologie du groupe. Objectif : intégrer l’IA par tous les moyens, soit en adoptant des solutions
existantes, soit en en développant. _« Les clients ne se soucient pas de technologie tant qu’ils peuvent générer des revenus plus rapidement et augmenter la qualité de leur produit avec
une plus forte rentabilité », _renchérit Gil Luria, analyste chez D.A. Davidson. Le début du virage stratégique d’Adobe remonte à 2023, avec le lancement de son projet Firefly. Intégré dans
ses logiciels phares comme Photoshop, l’outil permet de générer et de modifier des images, des vidéos et du contenu graphique à partir de descriptions textuelles. Désormais, le groupe
investit autant l’univers de la création que celui du marketing et s’adosse même aux systèmes internes des entreprises. _« Il est présent dans toute la chaîne de valeur de ses clients »,_
observe Gil Luria. Ses équipes d’ingénieurs ont développé une plateforme centralisée qui orchestre les données des clients, les modèles de langage et les agents d’IA. Le tout est intégré aux
différentes applications Adobe. La solution permet ainsi aux entreprises d’automatiser leurs campagnes marketing et de produire du contenu de façon bien plus fluide. Elle a déjà séduit des
clients de renom comme Coca-Cola, Delta Air Lines ou encore Nvidia. PERSONNALISATION DES PRODUITS Et l’entreprise de Mountain View continue d’innover en développant des produits
ultrapersonnalisés grâce aux agents IA. Ainsi, tout en respectant les attributs spécifiques des marques, ses outils guident le consommateur depuis la phase d’exploration jusqu’à la prise de
décision d’achat. Côté création, la multinationale a lancé de nouveaux outils qui peuvent générer des vidéos à partir de textes ou d’images en exploitant des modèles d’IA externes comme
ChatGPT. _« L’IA peut bien sûr aider à comprendre, mais c’est une fonction d’appui, pas une fonction de décision. Elle ne va pas déterminer la stratégie à mettre en œuvre dans une campagne
publicitaire »,_ tient à rassurer Ely Greenfield. Pour étoffer son catalogue et accomplir sa transformation, Adobe s’est engagé dans une série de rachats de start-up ces dernières années :
Neolane, Allegorithmic, Fotolia… Leurs équipes sont venues en renfort du pôle de recherche de pointe dont dispose le groupe à Bâle, en Suisse. Et cette approche a aussi séduit des grandes
entreprises françaises, qui comptent largement dans le portefeuille d’Adobe, puisque l’Europe est le marché qui a connu la plus forte croissance ces dernières années. Accor a ainsi fait
appel au groupe américain pour offrir à ses clients une expérience plus personnalisée : un avatar accueille les clients dans ses hôtels, dès leur arrivée, via la télévision ou le smartphone,
en leur proposant des activités à partir de leurs données personnelles. Une immersion futuriste dans l’hôtellerie de demain. OPPOSITION FRONTALE De son côté, Danone l’utilise pour unifier
ses marques. _« Nous devions recentrer notre offre qui était trop dispersée et nous perdions notre impact, _explique Vianney Baron, en charge des contenus multimédias de Danone._ Il fallait
donc unifier nos marques pour gagner en visibilité. A la fois en termes de communication sur les réseaux sociaux et d’exploitation des ressources internes. »_ En prenant cette nouvelle
dimension, Adobe a totalement transformé son univers concurrentiel. Il doit désormais affronter la cohorte de start-up du secteur, comme Midjourney ou Sora, capables de générer des vidéos et
des images. Mais il se retrouve aussi en opposition frontale avec Salesforce, le champion mondial du logiciel de la relation clients, qui dispose de son IA propriétaire, Einstein. Intégrée
directement à l’ensemble de ses solutions et de son écosystème, elle permet une expérience unifiée et automatisée pour les équipes marketing et commerciales. A rebours de Salesforce, Adobe
choisit de travailler avec tous les acteurs du secteur comme AWS, IBM ou encore Microsoft. _« Nous ne voulons pas enfermer nos clients dans une technologie, alors nous misons sur
l’interopérabilité »,_ précise Luc Dammann, président Europe d’Adobe. Avant d’évaluer les résultats de ces dernières innovations, les analystes et les investisseurs guettent le moment où la
marque sera en mesure d’accélérer la monétisation de ses produits d’IA générative. De quoi peut-être faire l’ouverture du prochain sommet à Las Vegas. Lire aussi DES USAGES CRÉATIFS
CRITIQUÉS Le grand débat sur l’utilisation de l’IA enflamme le monde du cinéma et de la télévision. Faut-il ou non s’en emparer ? Certains ont tranché, comme les auteurs de Prompt, la série
qui la dénonce par l’absurde, en l’utilisant. Sur Arte, Jocelyn Collages et Romain Faure-Geors signent une minibombe satirique en 10 épisodes de trois minutes où l’IA devient scénariste
malgré elle. Le concept ? Une question posée à une IA – le fameux « prompt » – et une réponse visuelle complètement décalée, générée par ChatGPT, Midjourney et consorts. Exemple : _« Le
soleil me manque… Une idée de vacances ? »_ La réponse prend forme à l’écran à travers un enchaînement d’images créant un univers visuel inspiré de la science-fiction. Et surtout une voie
robotique en fond rappelant l’omniprésence de l’intelligence artificielle dans le processus créatif. Les auteurs ont retravaillé les effets pour forcer le trait et proposer une série aussi
absurde qu’ironique. Derrière l’esthétique trop soignée et le ton décalé, elle soulève de vraies questions sur la place de l’IA dans l’univers de la création et invite le spectateur à
affûter son esprit critique et à interroger ses usages.