Le sport, un ersatz de démocratie

Le sport, un ersatz de démocratie

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Comment expliquer un tel engouement pour les jeux du stade ? JO, football, rugby, tennis… Les enceintes sportives, toujours plus gigantesques, sont prises d’assaut, les chaînes de télévision enregistrent des audiences record, les sponsors déversent des millions, les gosses du monde entier s’identifient aux champions. Désormais, le sport spectacle rythme la vie de milliards d’êtres humains. Toutes classes sociales confondues. Les dirigeants se battent pour organiser championnats, coupes et trophées. Dans le but de s’attirer la sympathie de leurs peuples, ou plus encore ? _Panem et circenses_ (du pain et des jeux), selon la formule consacrée, ces plaisirs corrupteurs censés satisfaire des besoins primaires, capter les pulsions et détourner les citoyens de la politique ? Un moyen d’aliénation des masses ? Et si c’était bien autre chose : le symptôme d’une humanité en quête d’élévation ? Dans nos sociétés désenchantées où la religion, la nation, l’armée, la famille, l’usine, tout ce qui fabriquait une transcendance collective visible, se sont diluées, le sport spectacle est un des rares événements qui fédère, soude à une communauté, favorise l’appartenance à un collectif, permet l’identification à des êtres idéalisés. Les spectateurs, et pas seulement les supporters, ressortent exaltés de ces manifestations, heureux ou en colère, mais rassasiés, avec le sentiment qu’un vide a été comblé. D’une certaine manière, les grands événements sportifs renvoient à la religion. Il est question de flamme, de liturgie, de ferveur, de cérémonies, de communauté, de dieux, de fanatiques… Il ne faut pas oublier qu’à l’origine, chez les Grecs, les jeux Olympiques étaient une fête religieuse donnée en l’honneur de Zeus, roi de l’Olympe. Un sociologue spécialiste du sport, Paul Yonnet, est allé encore plus loin dans l’explication de ce phénomène d’exaltation et d’identification. Selon lui, si le sport spectacle provoque un tel emballement dans nos sociétés modernes, c’est parce qu’il incarne un idéal démocratique. Les compétitions sont organisées entre les meilleurs égaux, et tous les participants ont leur chance. Dans le vélo, comme dans le foot, la natation, le trail ou le rugby, l’incertitude règne. Même si l’argent fausse le jeu à un certain stade de la compétition, tout le monde peut se rêver en Kylian Mbappé, en Florent Manaudou, en Tony Estanguet ou en Manon Brunet. C’est ce caractère démocratique qui rend acceptable les revenus faramineux de certains champions. Ils le méritent. Ils n’appartiennent pas à une caste, ne sont pas le produit d’un système, ne sont pas héritiers. La valeur centrale est l’égalité des chances. C’est même un des rares domaines où l’ascension méritocratique est possible, visible. Alors, peu importe si ces jeux du stade alimentent une industrie juteuse, avec des loges VIP, des transferts qui se chiffrent en dizaine de millions, des propriétaires de clubs ou d’écuries qui se déplacent d’une compétition à l’autre en jet privé. Les croyants ne s’offusquent pas de l’or des églises et des cardinaux. Cela fait partie de la grandeur. Du moment que le jeu garde sa pureté. En revanche, la triche, le dopage sont sévèrement jugés. De manière collective et inconsciente, le sport est devenu le théâtre d’un idéal démocratique.

Comment expliquer un tel engouement pour les jeux du stade ? JO, football, rugby, tennis… Les enceintes sportives, toujours plus gigantesques, sont prises d’assaut, les chaînes de télévision


enregistrent des audiences record, les sponsors déversent des millions, les gosses du monde entier s’identifient aux champions. Désormais, le sport spectacle rythme la vie de milliards


d’êtres humains. Toutes classes sociales confondues. Les dirigeants se battent pour organiser championnats, coupes et trophées. Dans le but de s’attirer la sympathie de leurs peuples, ou


plus encore ? _Panem et circenses_ (du pain et des jeux), selon la formule consacrée, ces plaisirs corrupteurs censés satisfaire des besoins primaires, capter les pulsions et détourner les


citoyens de la politique ? Un moyen d’aliénation des masses ? Et si c’était bien autre chose : le symptôme d’une humanité en quête d’élévation ? Dans nos sociétés désenchantées où la


religion, la nation, l’armée, la famille, l’usine, tout ce qui fabriquait une transcendance collective visible, se sont diluées, le sport spectacle est un des rares événements qui fédère,


soude à une communauté, favorise l’appartenance à un collectif, permet l’identification à des êtres idéalisés. Les spectateurs, et pas seulement les supporters, ressortent exaltés de ces


manifestations, heureux ou en colère, mais rassasiés, avec le sentiment qu’un vide a été comblé. D’une certaine manière, les grands événements sportifs renvoient à la religion. Il est


question de flamme, de liturgie, de ferveur, de cérémonies, de communauté, de dieux, de fanatiques… Il ne faut pas oublier qu’à l’origine, chez les Grecs, les jeux Olympiques étaient une


fête religieuse donnée en l’honneur de Zeus, roi de l’Olympe. Un sociologue spécialiste du sport, Paul Yonnet, est allé encore plus loin dans l’explication de ce phénomène d’exaltation et


d’identification. Selon lui, si le sport spectacle provoque un tel emballement dans nos sociétés modernes, c’est parce qu’il incarne un idéal démocratique. Les compétitions sont organisées


entre les meilleurs égaux, et tous les participants ont leur chance. Dans le vélo, comme dans le foot, la natation, le trail ou le rugby, l’incertitude règne. Même si l’argent fausse le jeu


à un certain stade de la compétition, tout le monde peut se rêver en Kylian Mbappé, en Florent Manaudou, en Tony Estanguet ou en Manon Brunet. C’est ce caractère démocratique qui rend


acceptable les revenus faramineux de certains champions. Ils le méritent. Ils n’appartiennent pas à une caste, ne sont pas le produit d’un système, ne sont pas héritiers. La valeur centrale


est l’égalité des chances. C’est même un des rares domaines où l’ascension méritocratique est possible, visible. Alors, peu importe si ces jeux du stade alimentent une industrie juteuse,


avec des loges VIP, des transferts qui se chiffrent en dizaine de millions, des propriétaires de clubs ou d’écuries qui se déplacent d’une compétition à l’autre en jet privé. Les croyants ne


s’offusquent pas de l’or des églises et des cardinaux. Cela fait partie de la grandeur. Du moment que le jeu garde sa pureté. En revanche, la triche, le dopage sont sévèrement jugés. De


manière collective et inconsciente, le sport est devenu le théâtre d’un idéal démocratique.