Corée du sud : quelles marges de manœuvre pour le nouveau président?

Corée du sud : quelles marges de manœuvre pour le nouveau président?

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Quel Lee Jae-Myung la Corée du Sud a-t-il choisi ? Mardi soir, après la fermeture des bureaux de vote dans la 13e économie du monde, le leader de la gauche sud-coréenne était donné largement


gagnant par les instituts de sondage locaux (52 %). Une confirmation plus qu’une surprise tant ce candidat, déjà présent au second tour lors de la dernière élection en 2022, a fait la


course en tête au cours de la campagne électorale. Et pour cause : il y a six mois, le président en titre, Yoon Suk-Yeol, lançait contre toute attente un « auto-coup d’État » en tentant de


subjuguer par la force la chambre des députés, aux mains de l’opposition. Une aventure tuée dans l’œuf en six heures, déclenchant sa destitution, sa mise en examen… et un regain de


popularité de son opposant Lee. Mais au soir de son élection, l’électorat, et les chancelleries alentour, se demandent comment gouvernera « ce » président Lee à un moment critique pour la


Corée du Sud et cette région du monde. C’est un nouveau virage en épingle à cheveu pour la démocratie sud-coréenne. Depuis l’instauration du suffrage universel direct en 1987, les électeurs


ont voté six fois pour l’alternance. Mais ce dernier tournant est particulièrement abrupt tant les deux camps politiques paraissent antagonistes et irréconciliables. Le président Yoon


Suk-Yeol incarnait le courant conservateur, économiquement libéral et proche des États-Unis, mais inscrit dans la tradition du régime dictatorial qui mena le pays à la baguette jusqu’en


1980. Bref l’antithèse de Lee Jae-Myung, élu mardi mais candidat dès la précédente élection présidentielle en 2022, issu de la pugnace gauche sud-coréenne, partisan d’un revenu universel de


base et d’une politique étrangère accommodante avec la Corée du Nord et la Chine. Les Sud-Coréens eux-mêmes, qui se sont déplacés en masse pour voter (78 % de taux de participation) ne


savent plus à quel saint se vouer : il y a trois ans, lors de la précédente présidentielle, la marge qui séparait le perdant du vainqueur a atteint… 0,78 %. Signe de la montée des tensions


entre les deux camps, Lee Jae-Myung a failli succomber à une tentative d’assassinat l’an dernier, poignardé à la gorge en pleine rue par un fanatique. Il a tenu ses meetings derrière une


vitre pare-balles, vêtu d’un gilet pare-balles. Comment gouvernera Lee Jae-Myung ? Durant la campagne, le candidat a mis beaucoup d’eau dans son vin progressiste. Ainsi n’a-t-il pas remis en


cause la réconciliation avec le Japon portée à bout de bras par son prédécesseur, qu’il écartait pourtant jadis. Economiquement, il a une faible marge de manœuvre. Les prévisions d’une


croissance quasi nulle (+ 0,8 %) cette année par la banque centrale font craindre une très mauvaise année. D’autant qu’il arrive dans un contexte épineux. Non seulement les relations entre


la Chine et les Etats-Unis ne cessent de se tendre, mais celles entre la Corée du Sud et la Corée du Nord aussi. Le rêve d’une unification à l’allemande, traditionnellement portée par le


camp de Lee, s’éloigne rapidement au vu des rodomontades du leader nord-coréen Kim Jong-un. Pire : la jeune génération sud-coréenne ne voit plus la réconciliation comme un idéal, préférant


les sirènes américaines à celles, d’alarme, du régime criminel de leur voisin. La politique étrangère de Lee sera par conséquent _« plus pragmatique et moins doctrinaire, même si cette


nouvelle administration est issue d’une génération d’activistes politiques »_, prédit Darcie Draudt-Véjares, de l’institut Carnegie. La variable « Donald Trump » rend l’équation de la Corée


du Sud compliquée. La mise en place de droits de douane punitifs sur l’automobile (+ 25 %), l’électronique et l’aluminium par son administration sont d’énormes boulets aux pieds du nouveau


président de cette nation dépendante des exportations - notamment vers l’Amérique. Sa dépendance militaire à l’Amérique aussi, qui l’enrôle dans le conflit Etats-Unis/Chine, même malgré


elle. Jusqu’à une confrontation pour Taïwan ? La Corée du Sud a toujours été farouchement hostile à l’idée d’être impliquée dans ce conflit en germe, et affirme ne maintenir un contingent de


28 500 soldats américains uniquement pour se garder de la Corée du Nord. Mais il se peut que les événements ne lui laissent pas le choix…