Le brexit pragmatique de keir starmer : pourquoi londres revient vers bruxelles

Le brexit pragmatique de keir starmer : pourquoi londres revient vers bruxelles

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La cheffe du parti conservateur Kemi Badenoch a souligné, elle, qu’_« il est aisé de signer des accords si l’on est prêt à tout donner contre des clopinettes »_. Avant d’accuser Starmer de _« vendre notre souveraineté et nos entreprises »._ Cinq ans après le Brexit, le Royaume-Uni reste bien en dehors de l’UE. Son retour n’est pas du tout à l’ordre du jour. Les deux voisins ont néanmoins resserré leurs liens militaires, politiques et économiques après plusieurs années de tension. La guerre en Ukraine a joué un rôle majeur dans ce rapprochement. Dès la victoire du parti travailliste à la tête du pays, en juillet dernier, Keir Starmer et ses ministres de la Défense et des Affaires étrangères ont été invités aux réunions de leurs homologues européens. Le nouveau partenariat en matière de défense et de sécurité permettra aux deux parties d’intégrer plus encore leurs opérations militaires. Point capital, les entreprises britanniques pourront aussi accéder au fonds européen de ré­armement militaire, une enveloppe de prêts de 150 milliards d’euros. La glace brisée, les deux voisins ont été poussés l’un vers l’autre par le président américain Donald Trump, qui a remis en cause la solidité de la relation des Etats-Unis avec ses alliés. Quelques heures après l’annonce de l’accord de commerce américano-britannique du 8 mai, la ministre de l’Economie à Londres Rachel Reeves n’avait d’ailleurs pas hésité à reconnaître que la relation commerciale avec l’UE était _« encore sans doute plus importante »_ que celle avec les Etats-Unis. Ce que confirme le montant des échanges commerciaux. Conscient de cette réalité et désireux d’être _« pragmatique »_ en suivant trois principes, _« la réduction des factures, la hausse de l’emploi et le contrôle absolu de nos frontières »,_ Keir Starmer a accepté plusieurs demandes majeures de Bruxelles. En tête, l’alignement _« dynamique »_ sur les règles sanitaires, c’est-à-dire l’adoption des normes européennes au fur et à mesure de leur évolution. Il permettra aux entreprises britanniques de se débarrasser de lourdes tâches administratives pour commercer avec l’UE, ce qui devrait réduire leurs coûts et peut-être les prix payés par les consommateurs. Signe de la force du discours des Brexiters – revigorés par leur victoire aux élections locales du 1er mai –, la plupart des journalistes britanniques ont repris leurs arguments, arguant que le Royaume-Uni était désormais pieds et poings liés par les règles européennes. Une interprétation battue en brèche par une fédération patronale, l’Association des entreprises du secteur de la viande : _« Nous devons nous conformer aux règles de nos partenaires si nous voulons exporter vers eux, tout comme les Etats-Unis doivent se conformer aux règles britanni­ques. Grâce à cet accord, le Royau­me-Uni bénéficiera d’un accès véritable et sans entrave au marché européen. Il stimulera le commerce et nous rendra plus compétitifs. »_ A l’inverse des patrons, les Brexiters ne semblent pas digérer l’obligation pour chacune des parties de faire des concessions. C’était pourtant le principe même de l’accord signé par Boris Johnson, alors Premier ministre, il y a quatre ans et demi. Et Starmer a dû lui aussi s’y plier, comme l’ont montré les discussions récentes et difficiles sur la circulation des travailleurs et des étudiants. L’UE voulait permettre aux Européens de moins de 30 ans d’étudier et travailler au Royaume-Uni comme avant le Brexit. Les Britanniques n’ont accepté que l’attribution d’un nombre limité de visas par année pour une durée de séjour maximale, sans que ces plafonds ne soient encore fixés. _« Le gouvernement voulait de son côté un accord sur la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles, sur les arts créatifs et sur les déplacements des musiciens, _explique Anand Menon, directeur du centre de réflexion UK in a Changing Europe. _Mais sa probabilité de succès était très faible, car les Européens demeurent encouragés à montrer que le Brexit ne fonctionne pas. Sans quoi, des dirigeants comme Marine Le Pen questionneraient l’intérêt d’être limités par les règles de l’UE alors que l’on peut en bénéficier tout en restant à l’extérieur. »_ Qu’importe. Pour Keir Starmer, cet accord signale _« une nouvelle ère de coopération. L’état d’esprit, l’intention et les ambitions sont aussi importants que les détails de l’accord conclu aujourd’hui. Nous regardons vers l’avant, pas en arrière. »_ Un choix soutenu par les Britanniques : 66 % d’entre eux désirent « une relation plus proche avec l’UE, sans rejoindre le marché unique ou l’union douanière », selon un sondage de l’institut YouGov. Et à peine 14 % s’y opposent. LA PÊCHE ALIMENTE LA RAGE DES BREXITERS En 2020 et 2021, le dossier de la pêche avait engendré les plus durs affrontements des négociations sur le Brexit. Avec l’expiration de l’accord à l’été 2026, le scénario aurait pu se reproduire. _« Les responsables français nous ont clairement dit qu’il n’y aurait pas d’accord global, notamment sur la sécurité, si les Britanniques n’en signaient pas un sur les quotas de pêche »,_ indique Jill Rutter, chercheuse au think tank Institute for Government. Une demande difficilement acceptable à Londres. Il y a cinq ans, Boris Johnson avait lâché beaucoup de lest sur les quotas et les zones de pêche. Londres espérait donc pouvoir améliorer la situation de ses pêcheurs. Décidé à ne pas faire capoter l’intégralité de l’accord, le Premier ministre Keir Starmer a pourtant reconduit le deal existant jusqu’en 2038. Immédiatement, l’opposition l’a pilonné. Nigel Farage, leader populiste, y a vu _« la fin de l’industrie de la pêche britannique »._ La profession est partagée : les pêcheurs estiment cet accord _« encore pire que l’horrible deal du Brexit », _car il porte sur une plus longue période, tandis que l’industrie du saumon se félicite de pouvoir désormais exporter aisément son poisson. Keir Starmer a rappelé que _« 72 % du poisson britannique est vendu dans l’Union européenne »._

La cheffe du parti conservateur Kemi Badenoch a souligné, elle, qu’_« il est aisé de signer des accords si l’on est prêt à tout donner contre des clopinettes »_. Avant d’accuser Starmer de


_« vendre notre souveraineté et nos entreprises »._ Cinq ans après le Brexit, le Royaume-Uni reste bien en dehors de l’UE. Son retour n’est pas du tout à l’ordre du jour. Les deux voisins


ont néanmoins resserré leurs liens militaires, politiques et économiques après plusieurs années de tension. La guerre en Ukraine a joué un rôle majeur dans ce rapprochement. Dès la victoire


du parti travailliste à la tête du pays, en juillet dernier, Keir Starmer et ses ministres de la Défense et des Affaires étrangères ont été invités aux réunions de leurs homologues


européens. Le nouveau partenariat en matière de défense et de sécurité permettra aux deux parties d’intégrer plus encore leurs opérations militaires. Point capital, les entreprises


britanniques pourront aussi accéder au fonds européen de ré­armement militaire, une enveloppe de prêts de 150 milliards d’euros. La glace brisée, les deux voisins ont été poussés l’un vers


l’autre par le président américain Donald Trump, qui a remis en cause la solidité de la relation des Etats-Unis avec ses alliés. Quelques heures après l’annonce de l’accord de commerce


américano-britannique du 8 mai, la ministre de l’Economie à Londres Rachel Reeves n’avait d’ailleurs pas hésité à reconnaître que la relation commerciale avec l’UE était _« encore sans doute


plus importante »_ que celle avec les Etats-Unis. Ce que confirme le montant des échanges commerciaux. Conscient de cette réalité et désireux d’être _« pragmatique »_ en suivant trois


principes, _« la réduction des factures, la hausse de l’emploi et le contrôle absolu de nos frontières »,_ Keir Starmer a accepté plusieurs demandes majeures de Bruxelles. En tête,


l’alignement _« dynamique »_ sur les règles sanitaires, c’est-à-dire l’adoption des normes européennes au fur et à mesure de leur évolution. Il permettra aux entreprises britanniques de se


débarrasser de lourdes tâches administratives pour commercer avec l’UE, ce qui devrait réduire leurs coûts et peut-être les prix payés par les consommateurs. Signe de la force du discours


des Brexiters – revigorés par leur victoire aux élections locales du 1er mai –, la plupart des journalistes britanniques ont repris leurs arguments, arguant que le Royaume-Uni était


désormais pieds et poings liés par les règles européennes. Une interprétation battue en brèche par une fédération patronale, l’Association des entreprises du secteur de la viande : _« Nous


devons nous conformer aux règles de nos partenaires si nous voulons exporter vers eux, tout comme les Etats-Unis doivent se conformer aux règles britanni­ques. Grâce à cet accord, le


Royau­me-Uni bénéficiera d’un accès véritable et sans entrave au marché européen. Il stimulera le commerce et nous rendra plus compétitifs. »_ A l’inverse des patrons, les Brexiters ne


semblent pas digérer l’obligation pour chacune des parties de faire des concessions. C’était pourtant le principe même de l’accord signé par Boris Johnson, alors Premier ministre, il y a


quatre ans et demi. Et Starmer a dû lui aussi s’y plier, comme l’ont montré les discussions récentes et difficiles sur la circulation des travailleurs et des étudiants. L’UE voulait


permettre aux Européens de moins de 30 ans d’étudier et travailler au Royaume-Uni comme avant le Brexit. Les Britanniques n’ont accepté que l’attribution d’un nombre limité de visas par


année pour une durée de séjour maximale, sans que ces plafonds ne soient encore fixés. _« Le gouvernement voulait de son côté un accord sur la reconnaissance mutuelle des qualifications


professionnelles, sur les arts créatifs et sur les déplacements des musiciens, _explique Anand Menon, directeur du centre de réflexion UK in a Changing Europe. _Mais sa probabilité de succès


était très faible, car les Européens demeurent encouragés à montrer que le Brexit ne fonctionne pas. Sans quoi, des dirigeants comme Marine Le Pen questionneraient l’intérêt d’être limités


par les règles de l’UE alors que l’on peut en bénéficier tout en restant à l’extérieur. »_ Qu’importe. Pour Keir Starmer, cet accord signale _« une nouvelle ère de coopération. L’état


d’esprit, l’intention et les ambitions sont aussi importants que les détails de l’accord conclu aujourd’hui. Nous regardons vers l’avant, pas en arrière. »_ Un choix soutenu par les


Britanniques : 66 % d’entre eux désirent « une relation plus proche avec l’UE, sans rejoindre le marché unique ou l’union douanière », selon un sondage de l’institut YouGov. Et à peine 14 %


s’y opposent. LA PÊCHE ALIMENTE LA RAGE DES BREXITERS En 2020 et 2021, le dossier de la pêche avait engendré les plus durs affrontements des négociations sur le Brexit. Avec l’expiration de


l’accord à l’été 2026, le scénario aurait pu se reproduire. _« Les responsables français nous ont clairement dit qu’il n’y aurait pas d’accord global, notamment sur la sécurité, si les


Britanniques n’en signaient pas un sur les quotas de pêche »,_ indique Jill Rutter, chercheuse au think tank Institute for Government. Une demande difficilement acceptable à Londres. Il y a


cinq ans, Boris Johnson avait lâché beaucoup de lest sur les quotas et les zones de pêche. Londres espérait donc pouvoir améliorer la situation de ses pêcheurs. Décidé à ne pas faire capoter


l’intégralité de l’accord, le Premier ministre Keir Starmer a pourtant reconduit le deal existant jusqu’en 2038. Immédiatement, l’opposition l’a pilonné. Nigel Farage, leader populiste, y a


vu _« la fin de l’industrie de la pêche britannique »._ La profession est partagée : les pêcheurs estiment cet accord _« encore pire que l’horrible deal du Brexit », _car il porte sur une


plus longue période, tandis que l’industrie du saumon se félicite de pouvoir désormais exporter aisément son poisson. Keir Starmer a rappelé que _« 72 % du poisson britannique est vendu dans


l’Union européenne »._