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En 2018, la task force mise en place à Davos par le Forum économique mondial estimait que chaque dollar d’argent public investi attirerait au moins 2 dollars du privé. C’est rarement le cas.
Une étude du think tank londonien ODI Global a calculé qu’en 2021, chaque dollar entraînait environ 59 cents de cofinancement privé dans les pays subsahariens et 70 cents ailleurs. Chacun
sait que la meilleure façon de capter les capitaux privés consiste à sélectionner des projets faciles dans des pays sûrs. Or le besoin de développement se fait surtout sentir là où les
investisseurs ont le moins envie d’aller. Nombre de ces pays se situent en Afrique subsaharienne, où l’investissement privé dans les projets d’infrastructures a aussi fortement diminué.
Prenant acte de l’irréalisme de ses objectifs, la Banque mondiale a demandé à une équipe d’experts d’identifier les obstacles à l’investissement. Pour Philippe Valahu, du PIDG (Private
Investment Development Group), l’erreur a été de miser sur les investisseurs institutionnels des pays riches, en négligeant les gisements locaux de capitaux, comme les fonds de pension
nigérians. L’ancien conseiller présidentiel sénégalais Daouda Sembene estime, lui, que les investisseurs restent à distance parce qu’ils surestiment les risques. Sur ce plan-là, la réalité
est mitigée. Au cours des trois dernières décennies, les entreprises privées en Afrique subsaharienne étaient plus susceptibles de faire défaut sur les prêts qu’ailleurs. Mais lorsque
c’était le cas, une plus grande partie de l’encours de la dette finissait par être recouvrée. Une « foi idéologique » dans les approches basées sur le marché a empêché les politiques de
cerner leurs faiblesses. Environ 95 % des dépenses d’infrastructures sur le continent proviennent de l’argent public. Pourquoi ne pas essayer de l’utiliser de façon plus efficace, plutôt que
de courir après les moulins à vent des fonds privés ? Il y a urgence : seuls 17 % des ODD sont susceptibles d’être atteints à échéance, en 2030. A Séville, beaucoup insisteront sur le fait
que l’Afrique nécessite plus de financement privé et public. Pour l’heure, elle n’en reçoit guère.