Une herbe plus verte ailleurs

Une herbe plus verte ailleurs

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Rues bloquées par un enchevêtrement de voitures, braillement de klaxons…En cette douce soirée du mois de septembre, les abords du stade Bauer, niché à deux pas des Puces de Saint-Ouen (93),


affichent complet : il faut avoir les nerfs solides pour parvenir à l’entrée de l’enceinte sans s’arracher les cheveux.


Pourtant, ce n’est pas l’affiche du soir, entre les joueurs locaux du Red Star et leurs concurrents de l’US Boulogne, qui suscite cette cacophonie, mais le concert que Beyonce et Jay-Z


s’apprêtent à donner à deux pas de là, au Stade de France. Dans l’antre du Red Star, on est loin du strass et des paillettes des deux stars US.


Mais le spectacle ne manque pas pour autant d’attrait. Bien qu’ils évoluent au 3e échelon national, les « Vert et blanc » peuvent compter, comme leurs voisins américains d’un soir, sur une


tribu de fans assez actifs, qui donnent eux aussi de la voix avec un enthousiasme non feint. La plupart se retrouvent avant le match à l’Olympic Café, en face du stade.


On y devise au comptoir et jusque dans la rue, bière à la main, entre les panneaux de circulation et du mobilier urbain « stickés » de slogans « Bauer United » ou « Bauer Antifa ». Puis on


migre avec entrain vers un coin de tribune ou on agite sa glotte pendant 90 minutes. Et cela fait des décennies que cela dure.


Car malgré les galères financières et les relégations dans les divisions inférieures, le club audonien a su conserver une identité, forgée durant près de cent ans d’histoire. Avant que le


PSG ne devienne ce qu’il est aujourd’hui, l’équipe à l’étoile rouge constituait ainsi l’une des formations les plus en vue du football français : cinq coupes de France dans la première


moitié du XXe siècle et de longues années passées en 1e et 2e division nationale. De quoi bâtir une solide réputation et faire de Bauer une place forte du ballon rond. 


D’ailleurs à Saint-Ouen, cette enceinte de football, on y tient. Construite en 1909, et plusieurs fois remaniée, elle présente « le charme de l’ancien », comme aiment à le vendre les agents


immobiliers. Alors, bien sûr, on peut rater une passe ou deux, masqué par l’un des poteaux plantés au milieu des travées pour soutenir le toit métallique. Mais c’est pour mieux pouvoir


apprécier le reste : une réelle proximité avec la pelouse.


A Bauer, on hume depuis sa place l’odeur de la merguez fraîchement grillée. On entend le bruit du contact entre la chaussure et le ballon au moment de la frappe. Et les conseils hurlés par


les entraîneurs aux oreilles de leurs protégés.


Du côté de Créteil, le stade Duvauchelle ne peut se prévaloir d’une telle histoire, ni d’une même ferveur populaire : le club attire environ 2.000 spectateurs à chaque match, soit autant que


son voisin de Seine-Saint-Denis, alors qu’il évolue une division au-dessus. Ils sont pourtant une grappe de criards, torse nu, à s’égosiller en tribune pour encourager leur équipe. Le tout


donne une tonalité quelque peu décalée aux matchs des Val-de-Marnais, le reste du public, familial et vêtu (lui), se contentant d’applaudir poliment le nom des joueurs ou les jolis


mouvements collectifs.


Pour autant, les soirées cristoliennes présentent elles aussi quelques atouts. On peut par exemple admirer à Duvauchelle l’une des plus belles pelouses de Ligue 2, si l’on en croit


l’étonnant classement de la Ligue de football professionnel. Et pour ceux que le jardinage laisse indifférent, il reste, quand même, le ballon rond. Voir un match des Créteil-Lusitanos, cela


peut constituer une occasion de profiter des ultimes sprints et dribbles des stars d’hier.


Cette saison, l’attaquant Frédéric Piquionne, passé par l’Olympique lyonnais et lauréat du « Ballon de Plomb » en 2008, brille ainsi sous ses nouvelles couleurs banlieusardes. Champion du


monde en 1998, l’ailier Bernard Diomède y avait également réalisé une pige et inscrit 4 buts lors de la saison 2004-2005. « I will survive » in Val-de-Marne.