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Trafic sur les Champs-Elysées / © Jean-François Gornet – Flickr Sociologue et spécialiste des questions de mobilité, Bruno Marzloff estime que l'obstination à chercher dans l'offre de
transports une solution à la congestion du trafic est vouée à l'échec et qu'il est préférable d'accompagner les nouveaux usages.
Bruno Marzloff, sociologue et spécialiste des questions de mobilité
Les images d’embouteillages routiers sont d’une désespérante banalité. Celles des transports publics ne les sont pas moins. Les congestions sont insurmontables en l’état. En 2010, Pierre
Mongin, président de la RATP, disait déjà : «Je ne peux produire que ce que je sais produire. Si les rames sont bondées, qui est responsable ? A qui la faute ?». La balle des saturations est
renvoyée aux politiques. Les acteurs publics en prennent acte après des décennies de déni. D’où l’appel à projet annoncé par le Forum Métropolitain sur le destin à 2030 du périphérique et
des axes rapides de l’Île-de-France, en appelant à une prospective imaginative des sociologues, urbanistes, auteurs de science-fiction, sans oublier les ingénieurs.
Revenons sur un diagnostic ressassé des lustres durant sans être entendu. Nous n’avons plus d’options techniques pour absorber la croissance des flux liée à une logique métropolitaine
centrifuge, à une organisation fordiste du travail et à un urbanisme fonctionnel erratique. L’obstination à chercher dans l’offre de transports une solution est vouée à l’échec. Pourquoi
faudrait-il répondre à la croissance des flux par celle systématique des tuyaux au risque d’enfler la spirale des déplacements ? Empiler des infrastructures ou les fluidifier par le
numérique consolide l’urbanisation et la croissance délétère des trafics ; un canon antinomique avec la résolution des thromboses et les attentes des citadins.
Accompagner les nouveaux usages Car le rejet de la ville tentaculaire est net. Plus de la moitié des habitants des métropoles souhaiterait résider ailleurs. Rêve impossible, ce souhait
soulève trop d’obstacles. Reste le cauchemar du «trop», de ces itérations quotidiennes insupportables et ses excès de pollution, de bruit, de temps perdu, de stress, et renvoi vers une
migration à chaque fois plus éloignée du travail et des ressources de la ville.
Que faire de ces autoroutes urbaines ? On le sait à Séoul, à Paris ou à Portland où des autoroutes urbaines ont été déclassées en coulées vertes et actives. Le choc est brutal mais un peu
court dès lors qu’il ne supprime pas la demande. Il est pourtant salutaire quand il contraint les usagers à chercher une issue. La suppression des voies routières mise sur une volatilité du
trafic automobile. Et cela se vérifie. Encore faut-il accompagner les nouveaux usages, que des alternatives existent, et les penser hors de la filière transport. Le transport public est
certes plus «productif» et vertueux ; mais largement saturé lui-même, il ne saurait absorber ce transfert. Alors mettons nous à l’écoute des métropolitains et convoquons leur génie autour de
leurs perspectives utopiques. La nature, la proximité et l’implication citoyenne, trois convictions martelées par les usagers, ouvrent d’autres règles du jeu. Comment satisfaire ces
exigences de sorte à réduire de manière drastique les mobilités subies et à retrouver le plaisir de déambuler dans la ville ? Un enjeu d’urbanisme et d’urbanité, tout simplement.
A lire : Et si Versailles incarnait la ville modèle du XXIe siècle ?