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En prenant le pari de faire rentrer trèstôt Sergio Pérez, Red Bull a poussé Ferrari à la faute et leMexicain vers une belle victoire. Cette fois, la tactique a dominéla technique.
FERRARISE TIRE UNE BALLE DANS LE PIED
“16, rouge, pair et manque.” À la roulette du Grand Prix deMonaco, Ferrari a perdu face à Red Bull, alors qu’elle avait tousles atouts en main. En deux arrêts au stand, Charles Leclerc
estdescendu à la quatrième place, alors qu’il menait la course etétait protégé des Red Bull par Carlos Sainz. Comment cela a-t-il puse produire ?
C’est la pluie qui est venue brouiller les cartes. À caused’elle, le facteur déterminant de la course n’était plus laposition sur le circuit (comme c’est le cas sur ce tracé où
lesdépassements sont impossibles) mais le timing du changement depneu. Au jeu de la stratégie, Red Bull a damé lepion à Ferrari, dont la déroute s’explique par deux facteurs aumoins.
Premièrement, la Scuderia a attendu trop longtemps pour réagir àl’arrêt anticipé de Sergio Pérez. Alors que les leaders étaientchaussés de pneus pluie, le Mexicain s’arrêta au 16etour pour
monter des gommes intermédiaires, qui se sont avéréesbeaucoup plus rapides. Étrangement, les stratèges italiens ontsous-estimé le gain qu’apportait les gommes cerclées de vert et ontarrêté
Leclerc trop tard, au 18e passage. Alors qu’ilétait en tête, Charles recula à la troisième place à cause de cettebévue.
Mais Ferrari pouvait encore l’emporter avec Sainz. L’Espagnolmenait la course et, ayant prévu de passer directement aux slicks,ne devait plus s’arrêter qu’une seule fois, comme Pérez
derrièrelui. Ce qu’il fit au 21e passage. Malheureusement, alorsqu’il rentrait en piste, il fut doublé par la Williams de l’attardéLatifi, qu’il ne put dépasser qu’au début du tunnel. Il
perdittellement de temps (entre 1,5 et 1,7 seconde) que Red Bull choisitl’overcut en laissant en piste – pour une boucle – un Pérez trèsrapide grâce à des intermédiaires parfaitement adaptés
auxconditions. Arrêté au 22e tour, le Mexicain ressortitdevant la Ferrari et ne quitta plus le commandement.
C’est aussi cet “out lap” particulièrement lent de Sainz quiruina, par contrecoup, la course de Leclerc. Les pneus pluie del’Espagnol étant usés jusqu’à la corde, Leclerc,
chausséd’intermédiaires frais, l’a en effet rattrapé plus vite que cequ’avaient prévu les stratèges de Ferrari, qui pensaient pouvoirarrêter leurs deux voitures sans retarder la n° 16. Quand
ilscomprirent leur erreur, le mal était fait. “Reste dehors, restedehors, reste dehors” cria l’ingénieur de piste Xavier Padros,mais il était trop tard. Leclerc, troisième, se fit doubler
parVerstappen, qui ne fut pas pénalisé bien qu’il eût franchi la lignejaune.
Si Ferrari s’est emmêlée les pinceaux, il faut reconnaître àPérez une victoire méritée. Car en Principauté, il a dominé sonéquipier. La réticence de la RB18 à allumer ses pneus avant
luidonnait du sous-virage, notamment en début de tour, ce queVerstappen n’a pas apprécié mais que Pérez a su mieux gérer. Celadit, avant que celui-ci ne sorte de la piste et ne provoque
l’arrêtde la qualification, Max était plus rapide que lui (et que Sainz)dans le premier secteur de son deuxième tour chronométré.
Comme une réminiscence de 2018,Ferrari a failli sur le plan stratégique*, alors qu’elle possédaitpourtant la meilleure voiture. Par temps sec, le circuit de Monacoexacerbait en effet l’une
des qualités de la F1-75, à savoir unecapacité à s’extraire très rapidement des virages lents.
Cette caractéristique peut s’expliquer soit par un étagement deboîte plus court, soit par une meilleure capacité d’accélération,que l’on peine encore à expliquer. Certains confrères
transalpinsont suggéré que le turbo du bloc 066/7 serait plus petit que lamoyenne et offrirait dès lors une meilleure réponse pour lamême quantité d’énergie déployée (ce qui coïnciderait
avec le faitque l’ERS de la Ferrari se coupe généralement plus tôt que celui dela Red Bull, qui rattrape son retard en fin de ligne droite ou decourbe rapide). Autrement dit, le V6
transalpin ne serait pas leplus puissant au régime maximal mais offrirait plus de cavalerie àbas et moyen régimes.
Quoi qu’il en soit, la F1-75, équipée de l’aileron à fort appuiintroduit à Barcelone (image ci-dessus), accélère plus fort et metses pneus avant en température plus rapidement que la RB18.
Ce quiexplique sans doute pourquoi Leclerc avait souffert d’unedégradation plus importante en course à Imola et Miami et pourquoi,à Monaco, Pérez et Verstappen ont chaussé des slicks médiums
en finde course et non des durs comme Leclerc et Sainz.
Comment se manifestait cette supériorité en vitesse pure ?En qualification sur le Rocher, le bolide rouge prenait clairementl’avantage entre Sainte-Dévote et Mirabeau, alors que la Red
Bullpeinait à faire chauffer ses pneus avant (Verstappen et Pérezavaient besoin d’un tour de préparation supplémentaire).
Ensuite, de Mirabeau jusqu’au Portier, c’était la RB18 qui étaitla plus véloce. Sans doute parce qu’elle possède une meilleuremotricité mais probablement aussi parce que les virages ne sont
pasassez éloignés les uns des autres pour que la Ferrari tire profitde sa meilleure accélération. Toutefois, le Taureau ailé n’étaitpas assez rapide pour refaire son retard sur le Cheval
cabré. Onnotera que la monoplace frappée du Taureau ailé était équipéed’écopes de frein agrandies (voyez l’image ci-dessus), comme toutesles autres F1 à Monaco – afin de compenser le manque
d’air dû àl’absence de longue ligne droite pour refroidir les freins.
Enfin, si l’écart restait stable entre le tunnel et la chicane,il augmentait dans le dernier secteur (entre la piscine et la ligned’arrivée), vraisemblablement parce que la Red Bull
surchauffaitses pneus arrière.
Avec autant d’atouts dans son jeu, Maranello n’aurait pas dûperdre cette course.
* En réalité, Red Bull a aussi piégé Ferrari en faisant rentrerPérez dès le 16e tour, ce qui posa un dilemme auxtacticiens italiens. Fallait-il faire rentrer Leclerc enréponse ? S’ils
l’avaient fait, ils auraient exposé leMonégasque au risque que la stratégie d’opter pour des slicks soitplus rapide et que Verstappen la choisisse et le passe. Fallait-ilalors faire renter
Sainz directement ? Sans doute, mais alorsl’Espagnol, qui rechignait à rentrer, aurait perdu une place faceau Mexicain. Partagés entre des deux options, les stratèges deFerrari ont cru
qu’ils avaient le temps d’attendre un tour pour sedécider (à cause de l’avance de huit secondes que possédait Leclercsur Pérez avant les pitstops). Mais pendant ce temps-là, Pérezgalopait à
toute allure, à une cadence bizarrement sous-estimée parle Cavallino.Commenter