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« Ma détermination est intacte pour affronter [Macky Sall] dans des élections qu’il essaie déjà de vous voler en espérant pouvoir choisir les candidats qui pourront l’affronter », déclarait
Karim Wade, le 15 juin, dans un communiqué au vitriol diffusé à l’occasion de la Korité. Une « détermination intacte » mais des obstacles juridiques bien réels, depuis la condamnation de
l’ancien ministre à une peine de six ans de prison pour enrichissement illicite, en mars 2015. En témoignent les déclarations du ministre de la Justice Ismaïla Madior Fall, le 10 juin, sur
les ondes de la TFM, à propos d’une candidature de Karim Wade : « La loi prévoit que si un citoyen est condamné à cinq ans d’emprisonnement au moins, il perd ses droits civils et politiques.
» En d’autres termes, la condamnation de l’intéressé par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) l’empêcherait d’être candidat. la suite après cette publicité MODIFICATION
DU CODE ÉLECTORAL Le garde des Sceaux a-t-il dit vrai ? Dans le code électoral sénégalais figure effectivement l’article L. 31, qui interdit de s’inscrire sur les listes électorales,
pendant une durée de cinq ans, toute personne condamnée « pour l’un des délits passibles d’une peine supérieure à cinq ans d’emprisonnement » – ce qui pourrait donc être le cas de Karim
Wade. Mais rien n’indique pour autant que cela empêcherait ladite personne de se porter candidat à un scrutin présidentiel. La donne a changé avec l’adoption par le Parlement, ce 18 juin,
d’un projet de loi portant modification du code électoral. Ce texte oblige en effet tout candidat à être inscrit au préalable sur les listes électorales. Une position défendue par Aymérou
Gningue, le chef du groupe parlementaire de la coalition Benno Bokk Yakaar (BBY) : « Comment pourrait-on être candidat sans être électeur ? Je suis moi-même maire d’une commune, et il me
paraît normal que l’édile y soit aussi électeur. » la suite après cette publicité Dans une vidéo diffusée le 16 avril dernier, Karim Wade avait mis en scène sa demande d’inscription sur les
listes électorales à l’ambassade du Sénégal au Koweït. Souriant, il y exhibait le récépissé signé par le président de la commission administrative. « Sa demande est actuellement examinée à
Dakar », indique à _Jeune Afrique _une source à l’ambassade de Koweït City. En l’occurrence, cet examen dépend de la Direction de l’autonomisation des fichiers, au ministère de l’Intérieur,
qui est chargée de l’actualisation du fichier électoral. [embedded content] la suite après cette publicité KARIM WADE FIGURERA-T-IL SUR LES LISTES ÉLECTORALES ? Cité par l’Agence de presse
africaine (APA), le ministre de l’Intérieur Aly Ngouille Ndiaye a fait référence à l’opposant, ce 18 juin, alors qu’il défendait devant les députés le projet de loi portant révision du code
électoral. « Quand on a sa carte d’électeur, c’est qu’on est inscrit sur les listes électorales, a-t-il déclaré. Mais Karim [Wade] ne s’est pas inscrit sur les listes. Il a juste fait la
demande pour y figurer. » Son nom y figurera-t-il ? À en croire Doudou Ndir, président de la Commission électorale nationale autonome (Cena), l’heure de vérité approche. « Les listes
électorales provisoires doivent être publiées très prochainement, peut-être début juillet, explique-t-il. Il y aura ensuite une phase contentieuse avant la consolidation et la publication de
la liste définitive. » la suite après cette publicité « DÉBUSQUER LES TRAÎTRES » Dans un communiqué diffusé le 12 juin, le Parti démocratique sénégalais (PDS, opposition) estimait quant à
lui que « rien, ni dans la Constitution ni dans aucune autre loi, n’interdit à notre candidat de se présenter à la prochaine élection présidentielle, et encore moins un jugement prononcé par
Macky Sall [celui de la CREI] qui viole l’ordre public international. » « Toute tentative de priver le peuple [du droit de choisir son prochain président] sera considérée comme une trahison
et le PDS se réservera le droit de débusquer les traîtres pour leur réserver le sort qu’ils méritent », assénait le parti d’Abdoulaye Wade. Autre difficulté en travers de la candidature du
fils de l’ancien président sénégalais, que ne manque pas de soulever le camp au pouvoir : l’amende de 138 milliards de francs CFA (soit 215 millions d’euros) infligée par la CREI dans son
jugement de mars 2015. Gracié par le président Macky Sall en juin 2016, libéré de la prison de Rebeuss et exilé depuis au Qatar, Karim Wade est cependant toujours redevable de cette somme à
l’État sénégalais. « Les sanctions financières contenues dans la décision de justice du 23 mars 2015 et la procédure de recouvrement déjà engagée demeurent », précisait ainsi le décret de
grâce signé par Macky Sall. « UNE FORME DE MARCHANDAGE » Que se passerait-il en cas de retour de Karim Wade sur le sol sénégalais ? Comme le soulignait _Jeune Afrique_ dans son numéro daté
du 11 juin, le président Macky Sall a une idée très précise quant au sort qui serait réservé au candidat déclaré du PDS. « Si Karim Wade ne paie pas son amende, on exécutera la contrainte
par corps », a-t-il ainsi affirmé à l’un de ses proches. En d’autres termes, l’opposant en sera quitte pour un nouveau séjour derrière les barreaux en cas de non paiement. Une position déjà
exprimée publiquement par Seydou Guèye, le porte-parole du gouvernement, qui assurait récemment que Karim Wade ne bénéficierait d’aucun traitement de faveur. « On pourrait résumer leur
position ainsi : si Karim Wade les laisse en paix, il n’aura pas à craindre la prison, estime Babacar Gaye, le porte-parole du PDS. Il y a une forme de marchandage de la part du pouvoir. »
QUID DE SA NATIONALITÉ FRANÇAISE ? Face au mutisme du principal intéressé, difficile de dire si Karim Wade a répudié sa nationalité française. C’est pourtant l’une des conditions de sa
participation à l’élection présidentielle au Sénégal – la Constitution dispose en effet que « tout candidat à la présidence de la République doit être exclusivement de nationalité
sénégalaise ». Pour se défaire de sa nationalité française, le demandeur doit faire jouer l’article 23-4 du Code civil français, qui permet la « libération des liens d’allégeance envers la
France ». La demande est alors transmise pour examen à la sous-direction de l’accès à la nationalité française (SDANF), qui dépend du ministère de l’Intérieur. Sur le site du ministère, une
note précise « qu’en moyenne annuelle, calculée sur la période comprise entre 2012 et 2014, 156 demandes de libération des liens d’allégeance ont été déposées et ont donné lieu, dans 90 %
des cas, à une décision favorable ». D’après un juriste au fait de ces questions, « le gouvernement, au cours de l’instruction, s’attachera à vérifier que Karim Wade manifeste une volonté
d’expatriation, ce qui peut poser problème si l’intéressé possède des propriétés et une résidence en France ». « Quoi qu’il en soit, le gouvernement dispose d’un pouvoir de décision
discrétionnaire. Mais s’il rejette la demande de perte de la nationalité française, sa décision doit être motivée », ajoute-t-il. LA MATINALE. Chaque matin, recevez les 10 informations clés
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