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_Alain Gerlache est journaliste à la RTBF. Chroniqueur dans de nombreuses émissions et expert des médias et des révolutions numériques, il revient pour nous sur le « silence » des médias
durant les opérations de police à Bruxelles._ _COMMENT AVEZ-VOUS ÉTÉ PRÉVENU ? QUELLES CONSIGNES VOUS A-T-ON DONNÉES ?_ ALAIN GERLACHE : Les recommandations ont été envoyées aux rédactions
et aussi sur les réseaux sociaux, à la fois de la part de la police et du centre de crise, demandant d’éviter toute information de nature à gêner l’enquête, les perquisitions et les actions
en cours. Ce qu’il faut remarquer, c’est que la demande a été faite tant aux rédactions des médias traditionnels qu’aux internautes sur les réseaux sociaux. C’est une première de cette
ampleur en Belgique. Les rédactions ont pris ensuite la décision de gérer les choses avec le plus de retenue possible. Ce n’était pas une injonction ni une interdiction, c’était une demande
de la part des autorités et les rédactions ont accepté de s’y conformer. Sur les réseaux sociaux, c’est intéressant de voir que le mot d’ordre a été globalement suivi de ne pas relayer des
informations témoins ou de propager des rumeurs. _TOUS LES MÉDIAS BELGES ONT-ILS JOUÉ LE JEU ?_ ALAIN GERLACHE : À ma connaissance, tous les médias belges ont accepté. Mais ça ne veut pas
dire le silence. On a couvert les événements. Pour le média dont je m’occupe, la RTBF, on a essayé à la télévision de faire en sorte que les lieux d’intervention ne soient pas localisables
et, à la radio, on a dit qu’il y avait des interventions en cours. À aucun moment on a censuré l’information. On n’a seulement jamais donné les lieux. > À aucun moment on a censuré
l’information _COMMENT INFORMER PENDANT CE GENRE D’ÉVÉNEMENTS ?_ ALAIN GERLACHE : Je pense que les médias ont essayé d’informer sans faire en sorte que l’information donnée nuise à l’enquête
ou mette en péril la vie de gens éventuellement concernés par la proximité des interventions. Ce qu’on a essayé de faire, c’est éviter ce qui a été reproché à certains médias français lors
des attentats du 7 janvier et les jours qui ont suivi avec la divulgation d’informations utilisables par les terroristes qui auraient pu mettre en danger la vie d’otages. C’est évidemment
une situation difficile. Cela dit, les règles du journaliste prévoient toujours un certain nombre de limitations. On floute les photos des mineurs, on ne donne jamais le nom de quelqu’un qui
a été tué dans une attaque avant que sa famille n’a été prévenue… Il y a déjà un certain nombre de limitations en fonction des circonstances. Ce n’est pas exceptionnel. La liberté de
l’information ne veut pas dire l’irresponsabilité de l’information. _ATTENDEZ-VOUS QUAND MÊME DES INFORMATIONS À VENIR CONCERNANT LES ÉVÉNEMENTS DE CE WEEKEND ?_ ALAIN GERLACHE : C’est très
important. Nous sommes dans une situation actuellement où il y a un certain nombre de décisions qui ont été prises sur la base de recommandations par l’organisme de l’évaluation de la
menace, par le gouvernement. La presse n’a actuellement pas les moyens, puisqu’on ne connaît pas la situation des enquêtes judiciaires et des actions de sécurité, de vérifier ce qu’il en
est. Mais les responsables des rédactions disent que, pour autant, ça ne veut pas dire qu’il n’y aura pas un travail d’investigation sur la réalité de la menace… Lorsqu’il y a eu la menace
de la grippe aviaire, il y a eu dans les semaines qui ont suivi un décodage a postiori. Un travail journalistique et d’investigation va être fait. Aucun média n’aurait pris la responsabilité
de suivre les conseils du centre des menaces, une structure professionnelle et non politique, sans connaître les tenants et les aboutissants de prendre une décision basée sur la confiance.
Je note que la plupart des citoyens ont fait la même chose. Cela ne veut pas dire que si ces choses devaient continuer, nos réactions seraient totalement identiques. _QU’EST-CE QUE VOUS AVEZ
PENSEZ DE LA RÉACTION DES BELGES SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX À CE MOMENT-LÀ ?_ ALAIN GERLACHE : Je ne suis qu’à moitié surpris. Il faut souligner que la plupart des internautes ont tenu compte
des demandes de service de sécurité. Finalement, la propagation des chats avec le mot-clé #BrusselsLockDown avait à la fois pour but de noyer les informations données par ceux qui n’ont pas
suivi les instructions et en même temps de maintenir le contact d’une communauté, de jouer sur la dérision. > En Belgique, le surréalisme n’est jamais très loin MÉDIAS ET TERRORISME -
ÉPISODE 1/8 Depuis les attentats contre le World Trade Center, le 11 septembre 2001, les rumeurs conspirationnistes fleurissent, relancées lors de chaque attentat en Europe. Emmanuel Taïeb,
professeur de science politique, analyse dans cet article les caractéristiques récurrentes de ces thèses complotistes.