Rtl bouleversée par la mort d'une auditrice

Rtl bouleversée par la mort d'une auditrice

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Sandrine, fan de RTL  © Crédits photo : Johanne Licard En principe, les animateurs de radio ne connaissent pas leurs auditeurs. Sandrine était une exception. Mathieu Deslandes Publié le 14


juin 2022 Le jour de l'Ascension, juste après le journal de 7 heures, Yves Calvi a annoncé au micro de RTL la mort de _« Sandrine, une très fidèle auditrice »_. Le dimanche suivant,


Éric Jean-Jean lui a dédié son _Stop ou encore_ : _« Je voulais juste te dire merci, merci, de m'avoir autant aimé. Et merci de nous avoir rendu_ — _nous, la famille RTL_ —_ plus


généreux, plus ouverts, plus aimables. »_ Dans sa cuisine, à La Rochelle, Josyane Tedeschi n'en est pas revenue : _« D'habitude, _dit cette retraitée, _ils font ça pour les gens


connus, pas pour les gens comme nous. »_ Des reporters, des assistants et des vedettes de la station se sont aussi fendus de quelques mots d'hommage sur les réseaux sociaux. Josyane


Tedeschi, qui en conserve les captures d'écran, secoue son impeccable carré platine : _« C'est fou. Je ne savais pas que Sandrine était amie avec Laurence Boccolini. »_ PORTE


Sandrine, sa nièce, avait 53 ans. Et qu'il vente ou qu'il pleuve, elle passait ses journées devant les locaux de RTL. _« La porte d'entrée sans Sandrine, c'était pas la


porte d'entrée »_, résume le journaliste Laurent Marsick. Elle adressait des saluts chaleureux à tous les salariés de la maison. «_ Sa voix perçait les nuages »_, a poétisé Laurence


Boccolini sur Instagram. C'était une voix très aiguë, _« limite pénible »_, traduit Anne-France Lavirotte, autre fidèle auditrice. _« Elle parlait comme une enfant »_, explique Thierry


Gardais. Régisseur et responsable de la sécurité à RTL, il a vu débarquer Sandrine dans la queue du public des émissions de Fabrice, à la fin des années 1990. _« Au début, elle a dû venir


par hasard, _pense-t-il. _Elle a constaté que les gens étaient gentils, qu'on lui disait bonjour, alors elle est revenue. » _ Mais contrairement aux autres fans, elle a très vite cessé


d'assister aux enregistrements. Elle préférait rester dehors, écouter le direct sur un transistor, et distribuer des sourires. Jamais intrusive, peu portée sur les photos — sauf quand


sa _« tata »_ lui rendait visite — elle avait instinctivement trouvé la distance qu'apprécient les célébrités, leur témoignant un amour débordant mais pas collant. STUDIOS Il lui


arrivait parfois de pousser jusqu'aux studios de télévision de Bry-sur-Marne ou de La Plaine Saint-Denis pour saluer Tex ou Patrick Sébastien, mais elle revenait vite devant le 22 rue


Bayard, papoter avec Caro, Cricri, Patrick, Monique, Muriel, Dominique, Guylaine ou Marie-Pierre, tout ce petit peuple d'habitués qui, à force de se côtoyer, a fini par se lier. Lundi


13 juin, tous se sont retrouvés en l'église Saint-Charles-de-Monceau, à Paris, où les obsèques de Sandrine étaient célébrées. Cette compagnie de fans compte un informaticien, une


hôtesse d'accueil, une décoratrice, une documentaliste, et pas mal de gens que la vie a éloignés du monde du travail… À une époque, Sandrine a été employée dans une cantine scolaire


mais elle ne parvenait pas à se plier aux horaires, et l'expérience a tourné court._ « Elle était différente »_, formule sa tante, faute de terme plus précis pour qualifier son


handicap. ALBUM Orpheline de mère à 20 ans, brouillée avec son père, Sandrine a erré de foyer en foyer avant de s'amarrer à RTL. _« Au début des années 2000, elle n'avait pas de


maison, alors elle attendait au parking de la radio que le Samu social lui offre un toit pour la nuit. Parfois, lorsqu'il ne passait pas, je lui glissais un petit billet pour


qu'elle ne dorme pas dehors »_, a confié Éric Jean-Jean à ses auditeurs. Placée sous curatelle, Sandrine a emménagé dans un appartement où elle a pu entreposer ses trésors. Dans des


sacs en plastique, elle amassait tout un fatras siglé : des casquettes, des bandanas, des tours de cous, des sweatshirts, des doudounes, et tous les goodies édités chaque saison par la


station. Elle conservait aussi, dans un vieil album, les portraits de ses animateurs préférés. Ses chouchous ultimes ? « Lolo » (Laurent Boyer) et « Riri » (Éric Jean-Jean). _« D'une


certaine manière, tous ces gens-là l'aidaient à vivre »_, estime Josyane Tedeschi. La présence de Sandrine, en retour, les rassurait : leur métier de saltimbanque avait du sens, et RTL


demeurait une radio populaire. TITI Sandrine attendait le vendredi avec impatience : ce jour-là, elle pouvait retirer 100 euros sur son compte, s'acheter pour la semaine une carte


téléphonique et trois paquets de clopes. Mais elle détestait le week-end, parce que Savy était fermé. Rue Bayard, ce bistrot faisait face à la radio. Sandrine adorait y entrer pour se


réchauffer et filer un coup de main : plier les serviettes, rincer les carafes, balayer la terrasse. _« La première fois qu'elle est venue, elle portait un blouson avec un Titi dans le


dos. Titi de Titi et Grosminet, vous voyez ? Depuis, je l'appelais Titi. Elle avait le cœur sur la main »_, témoigne Alex di Folco, l'ancien patron. Quand son neveu Fabrice a


repris l'affaire, Sandrine est restée : _« C'était pas quelqu'un avec qui on aurait pu jouer au Trivial Pursuit mais elle était contente de se rendre utile et je la gardais


avec nous pour le repas du personnel. » _ TAPIS Parfois, il fallait réfréner ses ardeurs. Comme lorsqu'elle s'était mis en tête d'expliquer à Valeria Bruni-Tedeschi


qu'elles étaient forcément de la même famille. Ou quand, opérée une première fois du cancer qui allait l'emporter, elle voulait absolument montrer sa poche intestinale et ses


cicatrices à ses animateurs chéris. Ou encore quand elle avait entrepris de rouler l'immense tapis, trois lettres blanches sur fond rouge, qui se trouvait à l'entrée de la station.


Comme s'il lui revenait de droit. C'était au printemps 2018, quand RTL a quitté le huitième arrondissement parisien pour Neuilly-sur-Seine. Les fans sont unanimes : c'était


mieux avant. À Neuilly, ceux qui veulent assister aux émissions doivent s'inscrire à l'avance. Et puis, il n'y a pas de Savy. Alors Sandrine faisait la navette entre les deux


adresses, et restait dans le cocon du bistrot jusqu'à la fermeture.