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Pour les électeurs de la circonscription de Carleton, ce ne sera pas le choix qui manquera le 28 avril. Mardi, 91 candidats y avaient été homologués. La liste finale sera confirmée mercredi
matin. On saura alors si le record du nombre de candidats sur un seul et même bulletin de vote au Canada est battu ou égalé. Le précédent record date de 2024, lors de la partielle dans
LaSalle–Émard–Verdun à Montréal, avec 91 noms. DES CANDIDATURES LÉGITIMES _Le Droit_ a vérifié l’identité d’une grande partie de ces nouveaux candidats. Ils sont jeunes et moins jeunes,
musiciens, enseignants, étudiants, artistes ou ingénieurs, médecins ou travailleurs au salaire minimum. Tous ont le même agent officiel de campagne — Tomas Szuchewycz, du Comité du bulletin
de vote le plus long (CVBPL), le collectif derrière cette initiative. Élections Canada confirme que rien n’interdit cette manœuvre dans la Loi électorale. «Pour apporter un changement, il
faudrait que le Parlement modifie la Loi,» affirme Matthew McKenna, porte-parole d’Élections Canada. Parmi les candidats indépendants confirmés mardi, on comptait 49 «indépendants» ayant
déjà participé à une élection fédérale partielle depuis 2022, dont une dizaine à toutes les élections où le CBVPL a organisé un coup d’éclat du genre. Le reste des 33 candidats indépendants
se présentent pour la première fois. Plusieurs sont du Québec, comme Alain Lamontagne de Laval, Line Bélanger de Saguenay ou Gerrit Dogger de Québec. D’autres sont Ontariens, comme Charlie
Currie de Milton, Patrick Strzalhowski de Cambridge ou Winston Neutel de Toronto. Très peu sont résidents d’Ottawa. > En vertu de la loi électorale, les candidats n’ont pas >
l’obligation de vivre dans la circonscription où ils se > présentent. Et cela fait partie des aspects de la loi que le comité veut mettre en lumière. «Au vu des réactions virulentes à
notre initiative, je pense que la plupart des électeurs préféreraient que leur représentant vive dans leur circonscription», constate Tomas Szuchewycz. «Ces règles ne bénéficient qu’aux
partis politiques qui veulent avoir des candidats partout». Pour pouvoir être éligibles, les candidats doivent obtenir une centaine de signatures d’électeurs de la circonscription où ils se
présentent. Mais aucun des candidats n’ont pris l’avion pour frapper aux portes de Carleton et obtenir ces signatures. Ils s’en sont remis aux bénévoles mobilisés par le CBVPL. Les habitants
de Carleton rencontrés qui ont été conquis par le projet auront pour la plupart apposé leurs signatures pour tous les candidats indépendants. Ce qui est autorisé par la Loi. En novembre
dernier, le directeur général des élections (DGE), Stéphane Perrault, a proposé un amendement au ministre responsable du projet de loi C-65, modifiant la Loi électorale du Canada, pour que
les électeurs ne puissent plus signer l’acte de candidature de plus d’un candidat par élection. Mais le projet de loi est mort au feuilleton. Élections Canada confirme que tous les dossiers
déposés par les candidats homologués étaient complets et répondaient aux conditions exigées par la Loi électorale, qui n’a pas été amendée depuis 2007. POUR UNE RÉFORME ÉLECTORALE
INDÉPENDANTE S’ils n’ont pas tous les mêmes convictions ou affiliations politiques, ce qui rassemble les membres du CVBPL est une cause commune: la réforme de la loi électorale. Le comité
veut en particulier que les règles électorales soient gérées par un organisme indépendant des élus, comme c’est déjà le cas pour l’établissement des frontières des circonscriptions
fédérales. «Notre but est de pointer du doigt le conflit d’intérêts énorme qui réside dans le fait que les élus sont les personnes en charge de leurs propres règles électorales. Dans ce
contexte, ils n’ont aucun intérêt à changer les règles si ça peut défavoriser leur parti», explique Tomas Szuchewycz. En 2015, le premier ministre sortant Justin Trudeau avait fait de la
réforme électorale un des grands enjeux de sa campagne, mais la promesse n’a jamais été réalisée. Le comité veut remettre le sujet à l’avant-plan. «Derrière l’initiative, ce qui est demandé
vraiment c’est que la loi électorale soit gérée par une assemblée citoyenne non partisane», explique la candidate Jenny Cartwright, co-dirigeante du Parti Nul au Québec, et réalisatrice d’un
film sur le système électoral intitulé _Les perdants_. «Selon moi, les politiciens ne devraient pas décider des règles électorales, et c’est pour ça que je me suis impliquée avec ce
mouvement, pour mettre ça en lumière». THÉORIES DU COMPLOT Depuis le début de la semaine, de nombreuses théories du complot ont vu le jour quant au «but réel» de l’initiative. Certains
internautes accusent le PCC d’avoir organisé cela pour noyer le candidat libéral, au nom moins connu. M. Szuchewycz, ingénieur en informatique de Waterloo, est également l’objet de
nombreuses théories du complot. «Je ne suis pas un employé de la campagne de Poilievre, ou un agent de la Russie, ni rien de ce qui a été dit sur moi, je suis un citoyen canadien comme tout
le monde», répond l’homme à ces accusations. «Nous envisagions tout autant de nous présenter dans la circonscription du chef libéral, mais tout est allé très vite entre l’élection du chef de
parti, le déclenchement des élections et l’annonce de la circonscription de Mark Carney », explique M. Szuchewycz. «Nous n’avons pas réussi à récolter un nombre suffisant de signatures à
Nepean, et donc jeudi dernier, nous avons décidé de nous concentrer sur Carleton.» C’était une décision logistique plus que politique, ajoute-t-il. À LaSalle-Émard-Verdun, l’an dernier,
l’exercice avait fait couler beaucoup d’encre. Le bulletin faisait plus de un mètre de long.«On s’était beaucoup moqué de nous à l’époque», raconte le candidat Charles Lemieux de Montréal.
«Je pense c’est parce qu’on touche à quelque chose, parce qu’il y a beaucoup de gens qui ne croient plus en notre système électoral.» POIDS ADMINISTRATIF L’importante taille du bulletin a
parfois considérablement retardé le dépouillement. À Toronto–St. Paul en juin dernier (84 candidats), il a fallu attendre près de huit heures pour que le résultat de la partielle soit
finalisé. À Montréal, les électeurs ont connu les résultats définitifs cinq heures après la fermeture des urnes. Pour John Francis O’Flynn, professeur d’études sociales au secondaire en
Colombie-Britannique et candidats indépendants de Carleton, ce n’est ni l’objectif du projet ni une source de satisfaction. «J’ai déjà travaillé en tant qu’agent électoral et je sais le
travail important, long et difficile que ça représente. Je suis convaincu que dans ce cas particulier, Élections Canada veillera à avoir le personnel nécessaire pour bien s’occuper de ça et
qu’ils seront bien préparés», commente-t-il. «Je pense que le temps nécessaire dépend davantage du taux de participation des électeurs que de la taille du bulletin», ajoute M. Szuchewycz.
Élections Canada assure que des mesures seront mises en place pour répondre aux problèmes d’accessibilité et aux retards potentiels. «Il se peut que nous commencions à compter les votes par
anticipation à Carleton plus tôt le jour de l’élection, et que nous ajoutions des équipes supplémentaires pour accélérer le dépouillement», affirme Matthew McKenna, porte-parole de l’agence
électorale fédérale Au-delà des indépendants, huit candidats de partis politiques reconnus par l’agence électorale se présentent dans Carleton. Pierre Poillievre pour les conservateurs et
Bruce Fanjoy pour les libéraux. Le Nouveau Parti démocratique est représenté par Beth Prokaska, et le parti Vert par Mark Watson. Quatre autres candidats sont affiliés à des petits partis:
Karen Bourdeau pour le Parti Uni du Canada (UP), Shawn MacEachern pour le Parti avenir canadien, Danny Légaré pour le Parti Marijuana et Sébastien CoRhino pour le parti Rhinocéros.