Le commissaire au lobbyisme appelle à plus de transparence

Le commissaire au lobbyisme appelle à plus de transparence

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C’est le Commissaire au lobbyisme, Jean-François Routhier, qui réclame une nouvelle loi, parce qu’il estime que les règles actuelles sont périmées et insuffisantes en matière de


transparence. Mais le ministre responsable, Jean-François Roberge, a refusé de dire jeudi s’il allait oui ou non déposer un projet de loi, tandis que les partis d’opposition ont manifesté


leur ouverture. «Je ne peux pas vous dire toutes les lois qu’on va déposer d’ici à la fin du mandat», a répondu laconiquement M. Roberge lors d’une mêlée de presse au parlement. «J’arrive au


bout de ce que je suis capable de faire avec le registre (des lobbyistes) en amélioration, en transparence», a pourtant soutenu le commissaire Jean-François Routhier, dans une entrevue avec


La Presse Canadienne. Il lance son appel à la réforme parce que, selon lui, M. Roberge semblait ouvert, et parce qu’il «faut juste un petit coup de pouce pour que les parlementaires


s’approprient le dossier», a-t-il ajouté. L’OPPOSITION OUVERTE «On n’est pas fermés à avoir un débat là-dessus, toute loi doit être, de temps à autre, revisitée. Il faudrait voir maintenant


ce qu’il propose», a affirmé le chef intérimaire de l’opposition officielle, Marc Tanguay, en mêlée de presse. Québec solidaire est pour sa part favorable à une loi plus musclée. Le député


Vincent Marissal veut notamment qu’on s’attaque aux «portes tournantes»: le personnel politique qui travaille pour le gouvernement et qui démissionne pour devenir lobbyiste, sans qu’il


s’écoule un délai raisonnable. «Il y a beaucoup d’huile dans cette porte-là, elle tourne pas mal, entre le gouvernement puis les gens qui vont au privé puis qui reviennent», a déploré M.


Marissal en mêlée de presse. «A priori, si ça vient du commissaire au lobbyisme, on va analyser (la demande) de très près, parce que c’est important d’encadrer cette fonction-là», a opiné le


député péquiste Joël Arseneau. La loi d’origine pour encadrer le lobbyisme date de plus de 20 ans et le commissaire avait invité à faire une «réflexion» en 2019, mais il ne s’est rien passé


par la suite. «Renforcer la démocratie, c’est le bon moment d’en parler», a fait valoir M. Routhier. A fortiori, Lobbyisme Québec, l’organisme sous l’autorité du commissaire, brandit un


sondage Léger où on apprend que 88 % des lobbyistes eux-mêmes estiment que la transparence est «essentielle à une perception positive» de leur activité par la population. L’organisme plaide


pour des règles et des exigences plus réalistes, mieux adaptées. SOUS LE RADAR Par exemple, actuellement la divulgation est obligatoire si l’activité de lobbyisme est «une partie importante»


de l’activité. Et sinon? Ça passe sous le radar et des lobbyistes d’entreprises ou d’organisations s’en tirent, échappent à la divulgation. «Alors le PDG d’une multinationale qui ne fait


pas des activités de lobbyisme pour une ‘partie importante’ de ses fonctions peut texter le premier ministre et passer sous le radar. Moi, je pense que le citoyen doit le savoir», a dit M.


Routhier. L’organisme souhaite en outre imposer aux institutions publiques une obligation de prendre les moyens nécessaires pour «garantir le respect du droit des citoyens à la


transparence», peut-on lire dans un document de Lobbyisme Québec. PERTINENCE Par ailleurs, les communications visant à influencer les décideurs publics devraient être encadrées en fonction


de leur «pertinence pour les citoyens», plutôt qu’en fonction de personnes qui les accomplissent, peut-on lire dans un document obtenu par La Presse Canadienne. Mais comment déterminer ce


qui est pertinent ou non pour le citoyen? M. Routhier répond que l’État fixe déjà des balises, dans des contextes d’adjudication des contrats par exemple, un seuil en deçà duquel il n’est


pas nécessaire de se conformer à un ensemble de règles, appel d’offres, publications, etc. Actuellement, l’encadrement du lobbyisme s’applique à tous les contrats et permis. «Est-ce qu’un


permis pour changer la couleur de la brique d’une usine ou d’un garage dans une municipalité, même si c’est une entreprise, c’est pertinent pour le citoyen? probablement pas.» Aussi, autre


exemple de resserrement possible, selon lui, une communication avec un décideur est plus pertinente si on s’adresse au premier ministre ou au cabinet d’un ministre que si on s’adresse à un


fonctionnaire. De même, si on veut changer des lois et règlements hors du processus législatif établi, il y a matière à divulguer le lobbyisme davantage qu’en d’autres circonstances et


contextes. Le commissaire estime aussi que, outre qu’on doive rapporter l’intention d’influencer, il faudrait rapporter le résultat: la rencontre ou l’échange a-t-il eu lieu? Mais il


n’exigerait pas un compte-rendu sur les échanges, comme au fédéral. Enfin, il veut élargir la portée de la loi à certains organismes sans but lucratif, comme les instituts, «think tanks»,


les fiducies, les fondations, «qui ont principalement pour objectif d’influencer». Mais les organismes communautaires, qui sont en aide ou service direct aux citoyens, demeureraient


exemptés. «Les groupes communautaires là-dedans parce qu’ils n’ont pas les moyens en ressources et ils ne travaillent pas pour leur intérêt propre», a d’ailleurs plaidé M. Marissal, de QS.


«Un groupe de défense en droit de logement, ce n’est pas la même chose qu’un lobbyiste pour une compagnie minière.» CULTURE ET FARDEAU DE RESPONSABILITÉ Enfin, M. Routhier souhaite


transférer le fardeau de la responsabilité, du lobbyiste à qui on donne un mandat vers l’entreprise qui est bénéficiaire. Ainsi on passerait de sanctions pénales à des sanctions


administratives en cas de non-respect de la loi et l’entreprise serait sous le projecteur. «Ça veut dire qu’on pourrait pénaliser l’entreprise parce qu’elle est en retard», a-t-il évoqué.


«On pourrait pénaliser l’entreprise en lui imposant de la formation pour ses employés. On pourrait pénaliser la marque, c’est-à-dire qu’il va y avoir une meilleure gouvernance à long terme


dans les entreprises, parce que, après quelques sanctions, c’est le nom de l’entreprise qui sort dans le journal.» Lobbyisme Québec veut donc à la fois étendre les sanctions possibles,


pénalités financières et disciplinaires, formation obligatoire, suspension des activités, etc. Mais aussi, l’organisme veut des pénalités plus salées que le régime actuel. M. Routhier


souhaiterait ainsi «changer carrément la culture en matière de lobbyisme». En août 2024, il y avait plus de 5500 lobbyistes inscrits, visant l’une ou l’autre des 2078 institutions


parlementaires, gouvernementales, paragouvernementales ou municipales québécoises.