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Les termes utilisés diffèrent, mais plusieurs similitudes demeurent. C’est ce que le commandant Robert Piché et le _coach_ Jocelyn Rioux ont voulu démontrer à la communauté d’affaires de
Québec, réunie jeudi dernier à l’hôtel Le Bonne Entente. Cette conférence, intitulée _Leadership en haute altitude_, était une initiative de la Chambre de commerce et d’industrie de Québec
(CCIQ). D’abord, d’où est venue l’idée de présenter ce genre de conférence? «J’ai dit, en passant, il y a un rapport qui sort de l’IATA [l’Association du transport aérien international] qui
est basée à Montréal, qui dit qu’il faudrait que tu prennes un avion pendant 103 329 années tous les jours avant que l’avion tombe», illustre M. Rioux, qui est président de Plan B, société
de coaching. «Alors qu’au Canada, on démarre 100 000 PME par année, il y en a 96 000 qui ferment. Moi, ça m’a interpellé et je me suis dit: “Qu’est-ce qu’on peut apprendre de l’aviation?”
J’ai commencé à avoir ces discussions-là avec Robert», ajoute-t-il. DÉCIDER ET COMMUNIQUER On sait tous que les avions de ligne doivent déposer un plan de vol avant le décollage. En
affaires, ce plan de vol devient le plan stratégique. «Je dois vous dire que tout est bien pensé [dans un plan de vol]», enchaîne Robert Piché. > «Tout est bien calculé. Tout est bien
pensé en fonction qu’on > va arriver à 100 %. Moi, quand je partais avec l’avion, > j’étais sûr à 100 % que j’arriverais à notre destination.» > — Le commandant Robert Piché Quand
il dit: «J’étais sûr à 100 % que j’arriverais à notre destination», le pilote retraité fait référence au fameux vol Air Transat 236, décollé de Toronto le 24 août 2001 en direction de
Lisbonne. On se rappelle qu’il a dû atterrir d’urgence l’avion Airbus A330 qu’il pilotait sur la piste de la base aérienne de Lajes, aux Açores. L’appareil avait connu une fuite de carburant
faisant en sorte qu’il ne pouvait plus se rendre à destination. En décidant de se poser aux Açores après un vol plané de 21 minutes sur 120 kilomètres, il a alors sauvé la vie de 305
personnes — ou 306 en incluant la sienne. Pour une entreprise, le manque de carburant équivaut à un manque de liquidités. Ce qui peut survenir en tout temps à la suite d’une situation
imprévue dans le plan de vol ou le plan stratégique. «N’oubliez pas, par le temps que tu es en train de calculer [ou de penser à un plan B], l’avion continue d’avancer à 800 km/h», explique
le pilote. «Ce n’est pas le temps de se stationner sur un nuage et de dire qu’on va y penser 15 minutes et on fera ce qu’on va en faire après.» Il enchaîne en affirmant que le pilote doit
toujours être en avant de sa machine. «Et je pense que dans les PME ou dans les entreprises, c’est un peu pareil pour un dirigeant», lance-t-il. «Il n’y a rien de plus stressant qu’une crise
de liquidité pour un dirigeant d’entreprise», renchérit Jocelyn Rioux. > «Le _cash flow_, c’est le nerf de la guerre. C’est un peu le > fioul comparativement à toi. Et ce que je
m’aperçois, c’est > que les dirigeants font des plans stratégiques, mais ils ne les > modélisent pas financièrement!» > — Jocelyn Rioux, président de Plan B, société de coaching
Aussi, la communication est la clé, selon le duo de conférenciers. Ils maintiennent qu’il faut savoir bien communiquer avec son entourage lorsque survient une situation d’urgence ou
inhabituelle. «Admettons qu’il y a un feu qui se déclare dans une des toilettes. L’agent de bord a une procédure à faire, il est obligé de la faire», raconte Robert Piché. «Il nous appelle
en avant et on communique le problème, ce qu’on va faire avec ça, est-ce qu’il faut atterrir le plus vite possible, etc.» C’est la même chose avec une entreprise. Le dirigeant doit
communiquer avec son équipe, la plupart du temps, son conseil d’administration ou les cadres sous lui. En aviation, plusieurs simulations de situations d’urgence sont faites, autant pour les
pilotes que pour les autres membres d’équipage. Ce serait de mise également pour les entrepreneurs de simuler les scénarios advenant un revers inattendu, selon Jocelyn Rioux. LES BONNES
PERSONNES AU BON ENDROIT Autant dans un cockpit que dans une équipe de direction, il est important d’avoir les bonnes personnes au bon endroit. M. Piché affirme que ça prend une dose
d’expérience, mélangée avec une autre d’humilité. «Pour commencer à voler sur un gros porteur, ça prend une certaine expérience de base acquise dans les petites compagnies aériennes. Le
type, quand il arrive, disons qu’il était un petit coq dans sa petite compagnie, il arrive en petit coq à l’autre endroit et il pense que c’est facile», raconte M. Piché. > «Lui, il pense
qu’en six mois il va être capable d’être > commandant. Ça prend un ego pour te rendre là, soit de commander > un gros porteur de 375 passagers, qui pèse 230 tonnes au > décollage
et qui a 200 pieds d’envergure d’ailes. Mais quand > tu arrives dans le cockpit, il faut que tu laisses l’ego de > côté. Il faut que tu sois capable de faire la démarcation entre >
les deux.» > — Le commandant Robert Piché Jocelyn Rioux donne en exemple un responsable des comptes client dans une entreprise. «J’ai fait un jeu de rôles avec. Je lui ai dit: “Je te
dois 100 000 $, collecte-moi!” Il a répondu: “Je suis gêné…” Il a fermé les yeux et il est parti. J’ai dit: “Merci de vous être prêté au jeu.” Le président, je pense, à un moment, il a
pleuré», relate-t-il. Il venait de faire comprendre au dirigeant pourquoi son entreprise ne parvenait pas à recevoir les sommes qui lui étaient dues. C’est la même chose pour l’aviation.
«J’ai vu des premiers officiers qui étaient très bons comme premiers officiers, avec un gros potentiel de devenir commandant. Une fois qu’ils arrivent dans le simulateur comme commandant,
ils ne sont pas capables de le faire. Ils restent copilotes à vie, parce que quand c’est le temps de prendre une décision, ils perdent leurs moyens. Je pense que dans le monde du paiement,
c’est similaire», conclut Robert Piché.