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Son voisin fait gronder le moteur de son char modifié ou de son gros _pick-up _au petit matin. Il tond son gazon ou sa haie pendant des heures. Il fait marcher un compresseur tout
l’après-midi, parfois jusqu’en soirée, juste sous les fenêtres de la maison de Nancy. Nancy est convaincue qu’il le fait exprès. Qu’il agit délibérément pour les écœurer. Que ça ne lui fait
pas un pli de perturber la paix de leur paisible quartier résidentiel du secteur Aylmer. Le plus frustrant? Le voisin semble connaître sur le bout des doigts la réglementation municipale. Il
sait pousser la note sans jamais enfreindre la limite de bruit. Après tout, rien n’interdit de laver sa voiture en faisant marcher un compresseur tout l’après-midi, pourvu que le bruit ne
franchisse pas 65 décibels. Rien n’interdit de tailler la haie du côté de ses voisins «préférés» pendant quatre heures. Le bruit n’en est pas moins agaçant! Rien n’interdit non plus à un
citoyen de stationner son char dans son entrée, à 4 h 30 du matin, juste sous la fenêtre de la voisine, en rinçant son moteur deux ou trois fois, voire en s’y reprenant à plusieurs fois pour
garer le véhicule. > Tout ça est légal. Même si ces manœuvres ont pour effet de > réveiller la voisine qui doit se lever à 5 h 30, tous les matins, > pour aller enseigner. Le
voisin a aussi pris l’habitude de se garer dans la rue devant chez Nancy, même s’il y a de l’espace devant chez lui. Nancy et son conjoint m’ont montré des vidéos à l’appui de leurs dires.
On dirait que le voisin trouve toujours le moyen de faire du bruit pour les gosser, mais sans enfreindre aucun règlement. DEPUIS DES MOIS Cette guerre d’usure dure depuis des mois et des
mois. L’exaspération de Nancy est à son comble. Le couple songe même à déménager. Vous allez me dire: il y a toujours deux côtés à une médaille. Comment se fait-il que le voisin soit aussi
détestable? Je ne lui ai pas parlé. Je n’ai pas la compétence pour arbitrer une chicane de voisins. > Mais ce qui m’a semblé réel dans toute cette histoire, c’est > la détresse de
Nancy et de son conjoint. Leur sentiment > d’impuissance malgré tous les efforts pour régler la situation. En octobre 2023, quand le voisin a commencé à perturber le sommeil de Nancy en
garant sa voiture modifiée sous sa fenêtre à 4 h 30 du matin, elle est sortie pour lui parler. «Je lui ai demandé respectueusement de faire preuve de considération pour son entourage»,
dit-elle. Ne voyant pas d’amélioration, Nancy et son conjoint ont porté plainte à la police concernant le véhicule modifié. On leur a dit qu’une contravention a été donnée, même si le
véhicule leur semble toujours aussi bruyant. Est-ce que le voisin essaie de se venger de cette dénonciation? ALTERNATIVE OUTAOUAIS Le couple a fait appel à Alternative Outaouais, un
organisme qui offre un programme de médiation pour les chicanes de voisin. Il se nomme Résolution et fonctionne sur une base volontaire. «Les deux parties doivent accepter de se déplacer à
nos bureaux pour trouver un terrain d’entente», explique la directrice générale de l’organisme, Krystel Fournier. Dans bien des cas, les chicanes de voisin émanent d’une mauvaise
compréhension mutuelle, explique Mme Fournier. Ce n’est pas toujours de la malveillance. «On réalise souvent en médiation que le bruit n’était pas fait de façon volontaire. C’était une
mauvaise compréhension. Quand on accumule de la frustration, on peut être maladroits dans nos échanges. Et c’est là que les chicanes commencent. On en vient à avoir l’impression que l’autre
veut nous fâcher.» Comment marche le programme Résolution? «La personne qui nous contacte doit avoir les infos de l’autre partie, explique Mme Fournier. On va alors contacter celle-ci pour
voir si elle est ouverte à une médiation. À ce stade, toute la procédure est anonyme même si la seconde partie comprend souvent de qui on parle.» Si les deux parties acceptent de se
rencontrer, la consultation se fait alors de manière informelle, en présence d’un bénévole formé à la médiation citoyenne. Le processus n’est pas juridique. «On ne donne pas d’information
légale et on ne prend pas parti. On reste neutre, mais on les dirige pour aller chercher l’information», dit Mme Fournier. > Dans le cas de Nancy, la démarche auprès d’Alternative
Outaouais > a échoué. «On ne pense pas que le voisin accepterait de se > déplacer en médiation», soupire-t-elle. Alors quoi? Nancy a lu dans _Le Droit_ que la Ville de Gatineau revoit
sa réglementation antibruit qui date de 2003. Actuellement, le bruit de voisinage est permis entre 7 h et 23 h à Gatineau. D’autres villes québécoises interdisent le bruit des appareils
mécaniques aussi tôt qu’après 19 h en semaine et 17 h le week-end. Dans un sondage en ligne sur sa future réglementation antibruit, la Ville de Gatineau évoque une limite de 21 h pour le
bruit de voisinage. Bien sûr, un couvre-feu à 21 h apaiserait le bruit des tondeuses et autres appareils mécaniques, de même que les tensions entre voisins. Mais que faire contre la mauvaise
volonté, voire la malveillance d’un voisin? Je crains qu’il n’y ait aucun remède contre cela.