«Je me disais que j’allais mal finir» : ces usagers qui ont mis fin à la pratique du vélo en ville

«Je me disais que j’allais mal finir» : ces usagers qui ont mis fin à la pratique du vélo en ville

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«Je me disais que j’allais mal finir» : ces usagers qui ont mis fin à la pratique du vélo en ville Par Hortense Stock Le 16 avril 2025 Suivre Sujets Vélo accident vol Lire dans l’app Copier


le lien Lien copié Mail Facebook X Linkedin Messenger WhatsApp TÉMOIGNAGES - Pistes cyclables surchargées, voiries «insensées» et vols répétés... Après l’effervescence de la bicyclette à


l’issue du Covid-19, de plus en plus de pratiquants renoncent à leurs trajets quotidiens.


Passer la publicité Passer la publicité Publicité Coup de frein, à l’occasion du cinquième anniversaire du Covid-19. En 2024, la «fréquentation vélo» a enregistré une timide hausse de 1% à


l’échelle nationale, comme le révèle le nouveau bilan de l’association Réseau vélo et marche, publié en janvier 2025. Au regard des progressions enregistrées entre 2020 et 2022 - plus de 10%


année sur année -, le constat est indéniable : la bicyclette est en perte de vitesse.


Un «effet de mode» a en partie fait capituler Anatole. À l’issue du confinement, le jeune parisien de 31 ans constate l’essor du vélo, et observe une «espèce de transformation»... Avec son


lot d’inconvénients : «de nouveaux arrivants sans codes du partage de la voie ont engendré une anarchie assez fatigante». Pour ce cycliste de la première heure - il compte parmi les premiers


utilisateurs des «Vélibs», dès 2007 -, le changement est flagrant. Selon lui, l’atmosphère était plus agréable, il y a quinze ans. «Nous n’étions pas nombreux, il y avait une bonne


cohabitation avec les voitures». Et ce, même si le vélo n’était pas «communément admis».


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Des aménagements «insensés» Délivrés des journées confinées, les Français se tournent vers le fameux deux-roues. «Pénurie sur le marché» et «rupture de stocks»... Avec plus de 3 milliards


d’euros de chiffre d’affaires, l’année 2020 connaît une croissance de 25% par rapport à l’année précédente, d’après le bilan d’Union Sport & Cycle . Marie, cadre en finance, compte parmi les


acquéreurs de l’indispensable vélo, instrument libérateur des citadins en quête de déplacement : «la période a concordé avec la perte de mon véhicule de fonction. L’idée du vélo électrique


m’a paru bonne», témoigne la Parisienne de 48 ans. Elle passe le cap à l’issue du confinement. Pour Philippe aussi, «le Covid a fait changer la donne». Asthmatique, le retraité de


Saint-Maur-dès-Fossés délaisse son RER habituel au profit de sa bicyclette. En parcourant ses 13 kilomètres quotidiens, «qu’il fasse beau ou mauvais», il détone même par rapport à la


tendance observée par Réseau vélo et marche, selon laquelle la fréquentation des pistes cyclables diminue lors d’épisodes pluvieux.


Mais les contrecoups de l’augmentation du trafic se sont fait ressentir, et les voiries doivent s’adapter aux flux - en témoignent les «coronapistes», censées être provisoires, puis


finalement pérennisées dès 2021. Anatole déplore l’état de ces rues «tout le temps en travaux», dont la réglementation est parfois «insensée» : «il y a des rues à sens unique où les vélos


descendent, alors que les voitures montent». À un an des élections municipales, le jeune Parisien soupçonne une «politique de chiffres» de la part des élus, «pour montrer qu’ils créent des


kilomètres de pistes cyclables». 


Ces choix «incompréhensibles» font des victimes, comme Philippe : dans sa commune du Val-de-Marne, peu propice aux aménagements cyclables, les rues à sens unique sont étroites, et un


dépassement lui a été fatal : multiples fractures, cinq mois d’hôpital, un an de soins et déclaré invalide à 23%, «un handicap à vie». Le 26 février 2021, jour de son accident, il signe la


fin de ses trajets à vélo.  


«Même la police se gare sur les pistes cyclables» À Marseille, le constat est similaire : «la conception de la ville fait qu’il est impossible de faire rentrer une voie de voiture, des


trottoirs larges, une piste cyclable et deux voies de stationnement», témoigne Baptiste. Arrivé dans les Bouches-du-Rhône il y a quatre ans, le commercial de 25 ans espère intégrer le vélo


«dans son quotidien», mais subit rapidement l’irrespect des - quelques - aménagements : «le cycliste est le dernier à être respecté, même la police s’en fiche et se gare elle-même sur les


pistes cyclables». Après huit mois de résistance, ce passionné de vélo renonce à pédaler : «j’avais le sentiment de prendre plus de risques que sur une départementale, je me disais que


j’allais mal finir». Et pour cause : en 2024, 222 cyclistes ont été tués sur les routes françaises, rapporte le bilan provisoire de l’Observatoire national interministériel de la sécurité .


Également installé dans la cité phocéenne depuis trois ans, Victor déplore l’installation exclusive des vélos électriques. S’il estime ce choix compréhensible dans la ville «très pentue», le


jeune homme de 26 ans critique surtout la gestion de la batterie, remplacée manuellement par des agents : «les vélos ne sont jamais chargés». Il a opté pour le scooter, écartant l’option du


vélo personnel, «à cause des vols».


Le métro ? «On a finalement un réseau super» Ces vols à répétition ne sont pas un cas isolé : à Tours, 763 plaintes pour vols de vélos ont été enregistrées en 2024, pouvait-on lire dans les


colonnes du média ici Touraine, en janvier dernier. À Marseille, même bilan : d’après le journal La Provence, 1688 vélos ont été dérobés durant l’année 2022, «soit cinq par jour». Un groupe


Facebook rassemblant plus de 3000 membres a même été créé : sur la page «Vélo Volé Marseille», les déclarations de vols se multiplient, et les utilisateurs espèrent remettre la main sur leur


bicyclette. Ce «sport national» qu’est le vol a convaincu Anatole à mettre fin à sa pratique, fatigué de se faire dérober «une selle ou une poignée de mousse autour du guidon». Comme pour


Baptiste et Victor, c’est une décision «à regret». 


Pour d’autres, renoncement rime avec soulagement. Outre l’hypervigilance à l’égard des vols, l’utilisation de la bicyclette demandait à Marie une logistique conséquente : mettre


l’équipement, sortir le vélo, le garer en espérant ne pas se le faire voler, porter mon sac à main, mon sac d’ordinateur, mon casque et mon antivol... Je n’étais gagnante que de quelques


minutes». En 2023, la cadre en finance met un terme à sa pratique, admettant que le vélo «ne correspondait pas à mon mode de vie». Ravie d’avoir retrouvé ses trajets à pied ou en métro, «on


a finalement un réseau super», Marie a envoyé sa bicyclette par un aller simple à la campagne. Pédaleurs amateurs ou cyclistes aguerris, le constat est général : tous réservent désormais


cette activité à un cadre plus paisible.