L’organisation du temps de travail des contrôleurs aériens dans le viseur des autorités, après «un incident grave»

L’organisation du temps de travail des contrôleurs aériens dans le viseur des autorités, après «un incident grave»

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Un rapport au vitriol du Bureau d’enquêtes et d’analyses (BEA) pour la sécurité de l’aviation civile pointe du doigt l’autogestion du temps de travail des contrôleurs aériens et demande la


mise en place d’un système automatique de contrôle de présence. Publicité Bientôt la fin de la récréation pour les contrôleurs aériens ? C’est en tout cas ce que recommande le Bureau


d’Enquêtes et d’Analyses (BEA) pour la sécurité de l’aviation civile. Dans un rapport publié fin décembre, l’autorité nationale recommande la mise en place de moyens de contrôle automatiques


de la présence des contrôleurs aérien sur leur lieu de travail. Terminé donc les petits arrangements de planning des aiguilleurs du ciel. Ceux-ci avaient en effet pris la fâcheuse habitude


d’organiser «_en dehors de tout cadre légal, un niveau d'effectif présent généralement inférieur à l’effectif théoriquement déterminé comme nécessaire_». En clair, de mettre moins de


contrôleurs en poste que nécessaire. Ce rappel à l’ordre du BEA fait en effet suite à un «_incident grave_» survenu l’année dernière. Le 31 décembre 2022, un avion de ligne de la compagnie


easyJet avait failli percuter un avion de tourisme à l’aéroport de Bordeaux-Mérignac. Les deux engins n’étaient passés qu’à une cinquantaine de mètres l’un de l’autre. Une situation


dangereuse due, selon l’enquête, a «_un nombre insuffisant de contrôleurs présents sur leur lieu de travail, et par conséquent un armement insuffisant des positions de contrôle_». Sauf qu’à


en croire les enquêteurs du BEA, il ne s’agirait pas d’un problème isolé, lié à la date ou à une organisation douteuse des contrôleurs bordelais, mais bien d’un «_consensus social, ancré


depuis de nombreuses années à la Direction des services de la Navigation aérienne (DSNA)_». 1 CONTRÔLEUR AÉRIEN SUR 10 AUX ABONNÉS ABSENTS Les contrôleurs aériens tiendraient donc moins


fermement la barre que ce que prévoient les normes de sécurité. Et ce en raison de «_la latitude implicitement laissée aux chefs de tour de gérer les effectifs_», avance le BEA. Les experts


pointent en effet du doigt un sous-effectif de personnel au moment de l’incident : trois contrôleurs dont le chef de tour, au lieu de six. Déjà en 2002, la Cour des comptes dénonçait «_une


organisation de travail décorrélée des impératifs de trafic au bénéfice d’un accroissement des temps de repos des contrôleurs_», rappelle le BEA. En 2010, les Sages de la rue Cambon


revenaient à la charge dans un nouveau rapport :«_ l'opacité persistait sur le suivi des présences, contrairement à ce qui était constaté dans les pays étrangers et que la volonté des


syndicats de les conserver avait conduit à des dispositifs qui n'étaient pas à la hauteur des exigences de sécurité qui doivent prévaloir dans le contrôle aérien _». Encore en 2021, la


Cour des comptes constatait qu’«_aucun dispositif de pointage ou de contrôle du temps de travail des contrôleurs aérien n’avait été mis en place_». Si la DSNA a par la suite bien mis en


place un outil de déclaration d’heures, dit OLAF ATCO, ce système reste déclaratif. La Direction des services de la Navigation aérienne a même effectué des contrôles de présence dans les


principaux centres français les 21 février et 4 avril 2023. Résultats ? Impossible de déterminer le nombre d’agents effectuant la totalité de leur vacation. Seuls 69% des agents effectuent


la moitié ou plus du temps de travail prévu, 12% ne se présentent pas du tout et 13% font la moitié ou moins que l’horaire prévu, dont certains moins de deux heures de présence totale. Des


taux de présence inquiétants, remis en exergue par le BEA. POINTAGE OBLIGATOIRE Alors pour être enfin en conformité avec les recommandations de l’Agence de l’Union européenne pour la


sécurité aérienne (AESA), le Bureau d’enquêtes et d’analyse recommande «_l'adoption d'un système automatique et nominatif de contrôle des présences des contrôleurs sur position_»,


comme le badge individuel par exemple. Il s’agirait du seul moyen de garantir l'accès à «_une information fiable et objective sur la présence des contrôleurs sur position et sur leur


lieu de travail_». En bref, un outil précieux pour vérifier la conformité avec les normes de sécurité. Car la situation actuelle, «_hors du cadre légal, mais connue et tolérée implicitement,


est de nature à interdire toute collecte officielle d’informations qui conduirait à identifier ces écarts y compris dans le cadre de l’analyse d’évènements de sécurité_». C’est pourquoi


«_le sujet de la réduction des présences effectives par rapport à celles prévues par le tableau de service et son impact éventuel en termes de sécurité n'est jamais abordé lors de


l'analyse d'un événement de sécurité par la DSNA, ni au niveau local ni au niveau national_». Le rapport du BEA est si édifiant que Clément Beaune lui-même s’est penché sur la


question et a adressé un courrier à Damien Cazé, le directeur général de l’aviation civile. Dans sa missive datée du 19 décembre et publiée par le site spécialisé aeroVFR, le ministre en


charge des transports insiste : «_le maintien d’un haut niveau de sécurité est un objectif prioritaire_» et qu’«_à ce titre, l’incident survenu constitue le symptôme d’une défaillance à


laquelle il faut remédier dans les meilleurs délais_». Se rangeant du côté du BEA, le ministre rappelle l’«_inéquation entre le volume du trafic et l’armement effectif des positions de


contrôle ayant directement contribué à l’incident_». C’est pourquoi Clément Beaune demande au directeur général de l’aviation civile de lui «_rendre compte sous un mois des actions déjà


entreprises depuis l’incident pour améliorer la situation et leur efficacité_». Une requête doublée d’une injonction à mettre en place avec la DSNA «_un plan d’actions assorti d’un


calendrier ambitieux visant à mettre en œuvre la recommandation du BEA_» concernant l’installation d’un système de contrôle de présence automatique. Les organisations syndicales


représentatives devront participer aux discussions, insiste Clément Beaune, qui, pour appuyer son propos, clôt sa lettre par un «_Je compte sur vous_» écrit à la main.