Mettre des noms de femmes sur la tour eiffel ? À la demande d’hidalgo, une commission s’interroge

Mettre des noms de femmes sur la tour eiffel ? À la demande d’hidalgo, une commission s’interroge

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NOUS Y ÉTIONS - La maire de Paris a demandé à une quinzaine d’élus et d’experts de réfléchir à la manière dont la dame de fer pourrait se parer de noms de femmes scientifiques. Ils


compléteraient les 72 patronymes d’ingénieurs et d’industriels, peints en 1889. Publicité Féminiser les murs de la tour Eiffel, en y inscrivant des noms d’ingénieures et de scientifiques


femmes : l’idée séduit l’association Femmes et Sciences, et emballe la maire de Paris, Anne Hidalgo. Depuis 1889, quelque 72 noms d’ingénieurs, d’industriels et de scientifiques ayant vécu


entre 1789 et 1889, figurent sur la Tour, au niveau du premier étage. La liste, établie par Gustave Eiffel, voulait mettre à l’honneur le progrès et l’aventure industrielle. Les patronymes


n’ont pas de prénoms, mais Gustave Eiffel était de son temps : il n’y a que des hommes dans ce panthéon de la Science. _« Injustice! »_ a tranché la maire de Paris, qui a chargé en mars


dernier une commission de 15 experts d’y mettre fin. Le 26 mai au soir, cette commission, coprésidée par Jean-François Martins, président de la Société d’Exploitation de la Tour Eiffel


(SETE), et Isabelle Vauglin, astrophysicienne et Vice-Présidente de l’association, s’est réuni une première fois, dans le salon Gustave Eiffel situé dans la Tour. Elle rassemblait des


scientifiques, des élus de la Mairie de Paris, des historiens, des spécialistes du patrimoine, un descendant de Gustave Eiffel. Les débats, auxquels _Le Figaro_ a pu assister, montrent


qu’au-delà du désir de tous de voir la parité s’inscrire sur le monument, une foule de questions se pose encore. Où ? Combien de personnes ? De quelle époque ? Avec quelles conséquences sur


ce monument inscrit aux monuments historiques ? Et surtout, avec quel effet escompté? En introduction, Isabelle Vauglin a tâché de donner de la profondeur au sujet. Les sciences, a-t-elle


dit, ne sont pas toujours égalitaires, et sont soumises à des stéréotypes de genre féroces. Les filles se détournent de plus en plus des études scientifiques, et _« manquent de modèles »_


auxquels elles pourraient s’identifier. On ne dit pas que des noms peints sur la tour Eiffel pourraient définitivement changer le cours des choses, mais Isabelle Vauglin y verrait un symbole


magnifique pour exprimer une mixité qu’elle appelle de ses vœux. Et rendre enfin visibles des femmes que l’on a effacées de l’Histoire. 40 EMPLACEMENTS POSSIBLES SUR LA FAÇADE DE LA TOUR


Passé les interventions des spécialistes du patrimoine - Pierre-Antoine Gatier, architecte en charge du monument, Frédéric Masviel, ABF, Marie-Hélène Didier de la Drac - qui ont notamment


mis en garde contre un éventuel poids supplémentaire pour la tour, tout le monde est entré dans le vif du sujet. Selon la Sete, 40 _« emplacements »_, au premier étage, pourraient accueillir


de nouveaux noms. Est venue ensuite l’épineuse question du profil des futures femmes qui seraient mises à l’honneur. Les scientifiques femmes entre 1789 et 1889 n’étaient pas si nombreuses


que cela. Faudrait-il aller au-delà de 1889, et puiser dans le vivier des ingénieures ou des mathématiciennes du XXe siècle ? Et dans ce cas, faudrait-il se centrer sur celles qui sont


décédées ? Faudrait-il choisir uniquement des Françaises ? Personne n’avait la réponse. _« Finalement, je me demande s’il ne faudrait pas ajouter des noms de femmes et d’hommes »,_ a suggéré


l’historien Bertrand Lemoine. _« Cela serait un message fort, porteur de modernité, comme celui de la tour en 1889. »_ Derrière cette suggestion un rien à rebours, il y avait la crainte,


partagée par tous, d’être traités de _« néo wokistes »_. _« Il y a aujourd’hui une réaction contre la remise en visibilité des femmes, on doit faire attention à la manière dont on présente


tout cela »,_ a glissé Jaqueline Bloch, physicienne et membre de l’Académie des Sciences. UN RAPPORT ATTENDU EN SEPTEMBRE En fin de réunion, Jean-François Martins a annoncé une série


d’autres réunions (en visio) pour poursuivre. Il a, au passage, douché les enthousiasmes. _« La commission est là pour préparer les modalités du choix, pas pour établir une liste de noms


précise »_ a-t-il lancé devant les experts interloqués. _« Pourquoi ne pas nous laisser faire? Nous aurions des idées »,_ a répondu Isabelle Vauglin, capable d’égrener une litanie de


scientifiques invisibilisées depuis 1789. Pourquoi, en effet ? Certains autour de la table ont compris qu’Anne Hidalgo avait réclamé d’avoir le dernier mot sur les femmes qui auront


l’honneur de figurer sur ce monument iconique - ce que Martins récuse. En tout état de cause, le rapport de la commission doit être sur le bureau de la maire en septembre prochain.