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Alors qu’une start-up américaine affirme avoir recréé une espèce disparue il y a 10.000 ans, les déclarations du secrétaire à l’intérieur américain inquiètent les écologistes et défenseurs
de la protection de l’environnement. Publicité Il y a quinze jours, une annonce de la start-up américaine Colossal Biosciences n’a cessé de faire débat, notamment dans le milieu
scientifique. L’entreprise assure avoir recréé le légendaire grand loup blanc ou _«dire wolf»_, soit le _«loup terrible» _en français. Bien que _Canis dirus _ait disparu il y a environ
10.000 ans, les chercheurs de Colossal Biosciences affirment être parvenus à faire naître trois louveteaux de cet ancien prédateur en modifiant la séquence génétique de l’ADN du loup gris.
L’entreprise de biotechnologie, fondée en 2021 et basée à Dallas (Texas), a pour objectif de _«ressusciter»_ des animaux disparus en utilisant des technologies avancées d’édition génétique.
Elle décrit ainsi les louveteaux qu’elle a réussi à faire naître comme les premiers cas de _«dé-extinction»_ d’une espèce vivante. De nombreux scientifiques se sont montrés sceptiques quant
à la possibilité d’intégrer ses louveteaux à une espèce disparue. Et malgré les nombreuses critiques, cet exploit scientifique semble bien arranger l’administration de Donald Trump.
«AVÈNEMENT D’UNE NOUVELLE ÈRE» Doug Burgum, secrétaire à l’intérieur, s’est empressé de déclarer que cette réussite démontre que ce ne sont pas les réglementations gouvernementales qui
sauveront les espèces, mais l’innovation scientifique. _«Il est temps de changer radicalement notre façon de concevoir la conservation des espèces. À l’avenir, nous devons célébrer les
retraits de la liste des espèces menacées, et non les ajouts»_, a-t-il écrit sur X. _«Depuis l’aube de notre nation, c’est l’innovation, et non la réglementation, qui a fait la grandeur
américaine. La renaissance du dire wolf annonce l’avènement d’une nouvelle ère passionnante de merveilles scientifiques, illustrant comment le concept de “dé-extinction” peut servir de
fondement à la conservation moderne des espèces.»_ Si la disparition d’une espèce nous angoisse, nous avons maintenant l’occasion de la faire revivre. Choisissez votre espèce préférée et
appelez Colossal. Doug Burgum, secrétaire à l’intérieur des États-Unis Le secrétaire à l’intérieur a d’ores et déjà rencontré Colossal Biosciences pour parler de l’utilisation de ses animaux
dans les efforts fédéraux de conservation, ainsi que pour la restauration potentielle des espèces. _«Si la disparition d’une espèce nous angoisse, nous avons maintenant l’occasion de la
faire revivre»_, a-t-il assuré aux employés du ministère de l’Intérieur lors d’une réunion publique retransmise en direct mercredi. _«Choisissez votre espèce préférée et appelez Colossal.»_
Or en suivant ce raisonnement, si plus aucune espèce n’est véritablement en danger d’extinction, le gouvernement américain peut lever les restrictions censées protéger les espèces menacées.
Et même avant l’annonce concernant la recréation du _«dire wolf»_, l’administration de Donald Trump avait commencé à prendre des mesures pour renverser le régime de protection, en place
depuis l’adoption de la loi sur les espèces en voie de disparition en 1973. REDÉFINIR LA NOTION DE «NUIRE» À UNE ESPÈCE Lundi, le Fish and Wildlife Service, qui dépend de Doug Burgum, a
soumis une proposition à la Maison-Blanche visant à redéfinir la notion de «nuire» à une espèce au sens de la loi. Bien qu’aucun détail n’ait été rendu public, les écologistes ont exprimé
leur inquiétude quant à la possibilité qu’une modification de la règle entraîne une destruction accrue des habitats. _«Si c’est ce qu’ils ont l’intention de faire, cela ne fera que saper
fondamentalement la loi sur les espèces en voie de disparition»_, selon Noah Greenwald de l’ONG Centre pour la diversité biologique, cité par le _Washington Post_ . Toujours d’après le
quotidien washingtonien, avec le contrôle de la Chambre des représentants et du Sénat, les républicains au Congrès espèrent aller plus loin en consolidant les changements apportés à la loi
sur les espèces en voie de disparition. Ils feraient pression afin de retirer de la liste des espèces menacées la chauve-souris nordique (qui vit dans les forêts que l’industrie du bois
souhaite exploiter), le lézard des armoises (qui habitent les régions pétrolières texanes) ainsi que le loup gris et le grizzli qui, selon les éleveurs, s’attaquent au bétail. Le jour de son
investiture, Donald Trump avait par ailleurs signé un mémorandum déclarant qu’il _«__faisait passer les gens avant les poissons_ _» _et mettait fin _«au radicalisme environnemental»_. En
février, le ministère de l’Intérieur a annulé les directives du président Joe Biden, qui demandaient à l’industrie pétrolière et gazière de ralentir la navigation dans le golfe du Mexique
afin d’éviter de heurter des baleines de Rice, l’une des espèces de mammifères marins les plus menacés de l’océan qui ne compte même pas une centaine d’individus. De nombreux autres exemples
pourraient être cités. «GOD SQUAD» Mais la mesure la plus radicale adoptée par Donald Trump à ce jour est la relance d’un comité longtemps inactif, habilité à outrepasser les protections
des espèces menacées, surnommé par les écologistes _«God Squad» _(ou l’Escadron de Dieu). Composé de Doug Burgum et de cinq autres hauts fonctionnaires, ce comité peut approuver des projets
même s’ils entraînent l’extinction d’une espèce. Officiellement appelé _«Comité des espèces menacées»_, ce groupe s’est pour le moment rarement réuni. Dans une déclaration au _Washington
Post_, la porte-parole du ministère de l’Intérieur, J. Elizabeth Peace, a déclaré que Doug Burgum _«valorise la collaboration et le dialogue avec un éventail de partenaires»_, dont Colossal
Biosciences, auquel le secrétaire à l’intérieur a rendu visite au mois de mars. _«Nous restons déterminés à explorer toutes les options scientifiques qui peuvent aider à renforcer le
rétablissement (des) espèces menacées»_, a-t-elle ajouté. Parmi les sceptiques de la _«dé-extinction»_, il existe depuis longtemps une crainte que les tentatives d’utiliser la biotechnologie
pour faire revivre des espèces disparues justifient le droit d’affaiblir les protections nécessaires aux plantes et aux animaux. Julie Meachen, paléontologue à l’Université de Des Moines
qui a participé aux recherches sur le démêlage du génome du _«dire wolf»_, craint que l’administration de Donald Trump n’utilise l’idée que les animaux peuvent être ramenés à la vie _«comme
une carte blanche pour retirer de la liste toutes les espèces menacées»._