Un tribunal américain bloque les droits de douane de trump, camouflet pour le président républicain qui va faire appel

Un tribunal américain bloque les droits de douane de trump, camouflet pour le président républicain qui va faire appel

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Trois juges du tribunal de commerce international estiment que le président a outrepassé ses pouvoirs. Après avoir fait appel, la Maison-Blanche a obtenu jeudi un sursis à exécution, mais sa


position dans les négociations commerciales s’en trouve fragilisée. Publicité Revers juridique important pour Donald Trump engagé dans une guerre commerciale avec tous les partenaires des


États-Unis. Une grande partie des droits de douane punitifs imposés par le Président américain a été suspendue pour excès de pouvoir par une cour fédérale de justice spécialisée dans le


commerce international. Le jugement est exécutoire. La position de l’administration Trump dans ses négociations en cours, notamment avec l’Union européenne, s’en trouve affaiblie. Les 


surtaxes annoncées début avril, censées _«libérer l’Amérique»_  et compenser des barrières douanières et non tarifaires érigées par de multiples pays, sont de fait déclarées illégales. Même


chose pour les sanctions appliquées aux produits mexicains, canadiens et chinois, supposées obliger ces pays à combattre le trafic de drogue. En revanche, les droits de douane fondés sur les


articles d’autres lois commerciales américaines (section 232 et section 301), couvrant des secteurs spécifiques jugés victimes de pratiques déloyales, comme l’acier, l’aluminium,


l’automobile ou les semi-conducteurs, ne sont pas affectés par la décision du tribunal new-yorkais. Unanimes, les trois juges de la Court of International Trade (CIT) considèrent que la loi


de 1977, qui sert de base juridique à la déclaration d’urgence employée par le Président des États-Unis pour surtaxer les importations de dizaines de pays, ne donne pas les pleins pouvoirs à


l’exécutif pour agir à sa guise, sans limite et sans contrôle du Congrès. ÉTRANGE COALITION Le jugement intervient au moment où une vingtaine de pays, dont la Chine, le Japon, l’Inde, la


Corée, ainsi que l’Union européenne négocient des accords commerciaux sous la menace de surtaxes massives à l’importation. La cour donne dix jours au Président Trump pour éliminer les droits


de douane imposés au titre de l’International Emergency Economic Powers Act (IEEPA). Si l’on en restait là, une grande partie de la guerre commerciale déclenchée par Washington à la planète


entière serait déclarée illégale par une juridiction américaine, saisie par de multiples importateurs lésés par l’explosion de leurs coûts. Ces petites entreprises ont été soutenues dans


leur démarche par une étrange coalition de groupes de pression conservateurs, attachés au libre commerce, et d’États dirigés par des gouverneurs démocrates. LA COUR SUPRÊME AURA LE DERNIER


MOT Bien entendu, Donald Trump ne va pas baisser les bras. La Maison-Blanche a immédiatement décidé de faire appel et a obtenu un sursis à exécution, conservant temporairement les droits de


douane en attendant un autre appel sur le fond qui confirmera ou non la validité de la décision de la CIT. In fine, la Cour suprême aurait le dernier mot sur toutes ces procédures, dans la


mesure où la juridiction ultime considérerait que des points cruciaux du droit auraient été mal interprétés. Or le jugement de la CIT paraît solidement fondé. L’IEEPA ne contient même pas


les mots «droit de douane». Jamais cette loi n’avait été invoquée auparavant par un président pour lancer des mesures massives de protection couvrant virtuellement toutes les importations de


multiples pays. L’_«urgence»_ elle-même invoquée par Donald Trump n’est pas clairement fondée, estime la CIT. En quoi l’accumulation depuis des années de déficits commerciaux avec la Chine


ou l’Europe représente tout à coup une _«urgence nationale»_ ? Après tout, les États-Unis sont en période de croissance et de quasi-plein emploi. PRÉJUDICES INJUSTES Le raisonnement des


juges est contesté en tous points par la Maison-Blanche. Un porte-parole du Président Trump a vivement dénoncé la décision du tribunal new-yorkais: les pratiques commerciales déloyales _«ont


décimé des communautés américaines entières, abandonnant des travailleurs, et affaiblissant nos industries de base en matière de défense... ces faits ne sont pas contestés par la cour»_,


souligne par exemple Kush Desai, porte-parole de l’exécutif. _«Il n’appartient pas à des juges non-élus de décider correctement ce qui constitue une urgence nationale... Le Président Trump


va user de tous les leviers du pouvoir exécutif pour traiter cette crise»_, a-t-il ajouté. Il reste que l’esprit et la lettre de la constitution américaine n’impliquent pas de déléguer au


Président, sans aucun contrôle ni a priori, ni a posteriori, sans limite dans le temps, le pouvoir d’inventer des urgences pour ensuite édicter des droits de douane dans des proportions


massives, puis de les abaisser selon son bon plaisir, dans l’idée d’intimider ou d’inciter des pays à négocier. Le contentieux, qui a un impact immédiat sur l’ensemble de l’économie


mondiale, plaide aussi pour une intervention rapide de la Cour suprême pour préciser le droit. En attendant, les trois magistrats de la CIT fondent aussi une partie de leur argument sur le


fait qu’en imposant des droits de douane de 25% au Mexique, au Canada et à la Chine, l’administration Trump n’influe même pas directement sur le trafic de drogue et les importations de


fentanyl. Les biens frappés par les surtaxes douanières punitives n’ont rien à voir avec la drogue. Les préjudices causés aux importateurs et aux consommateurs américains par ces prétendus


remèdes douaniers sont donc par nature injustes. Si la procédure d’appel venait à confirmer le jugement du CIT, l’administration Trump pourrait invoquer la loi commerciale de 1974 en vue


d’instaurer des droits de douane remplaçant ceux qui sont invalidés. Les alternatives offertes par le «Trade Act» sont plus restrictives pour le Président. La Section 122 l’autorise ainsi à


imposer des surtaxes mais pas au-delà de 15% et pour seulement six mois, après quoi le Congrès doit voter pour les prolonger. Les Sections 232 et 301 autorisent aussi des sanctions, mais sur


des secteurs spécifiques, au terme de périodes d’enquêtes et de commentaires publics qui durent des mois. Ces options pourraient prolonger une guerre commerciale, entretenir une incertitude


décourageant les investissements et le commerce, même si l’intensité des sanctions serait moindre.