«Être en capacité de»: ne faites plus la faute!

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«Être en capacité de»: ne faites plus la faute! Par  Dorian Grelier Le 4 mai 2023 Suivre Sujets Langue française Lire dans l’app Copier le lien Lien copié Mail Facebook X Linkedin Messenger


WhatsApp Tom Cruise dans «Cocktail» (1987) de Roger Donalson. www.bridgemanimages.com/Bridgeman Images La formule fait florès dans l’usage courant. Elle s’est substituée au verbe «pouvoir»


ainsi qu’aux expressions «être capable, avoir la capacité de». À raison?


Passer la publicité Passer la publicité Publicité Vous l’avez probablement remarqué, la mode est à l’euphémisme. Il suffit de tendre l’oreille un instant pour s’apercevoir que l’on désigne


de moins en moins les choses par leur nom. La «mort» est devenue la «disparition», l’«aveugle» un «non-voyant», de même que l’on ne parle plus de «pouvoir», mais d’«être en capacité de». Et


l’épidémie semble avoir touché tout le monde. Le 30 avril, après un entretien téléphonique avec son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, le président de la République disait avoir «fait


état de la coordination européenne en matière d’assistance militaire afin d’être en capacité de répondre aux besoins de l’Ukraine sur la durée».


Mais que reproche-t-on à ce «pouvoir», qui signifie à l’origine «avoir la force, la possibilité de»? Le fait qu’il désigne également la «puissance», l’«autorité», le «droit de commander»? Ce


terme n’est-il pas assez technocrate pour que, du bureau à l’administration, il soit remplacé par «être en capacité de»?


Anglicisme Emprunté au latin classique «capacitas» («qui peut contenir, qui contient»), le mot «capacité» naît au XIVe siècle en français. Ainsi qu’on peut le lire dans le Trésor de la


langue française , le substantif désigne d’abord la «propriété de contenir une certaine quantité de quelque chose», avant de prendre le sens de «faculté de comprendre ou de faire quelque


chose». C’est ainsi que l’emploie Henry de Montherlant, en 1924. Dans Les Olympiques, il écrit: «Vivons sur ce qui est, non sur ce qu’il serait beau qui fût. Nous savons ce que nous pouvons


demander à nos capacités dans le jeu, et ne cherchons pas à nous bluffer là-dessus.»


L’expression « in the capacity of » (« en capacité de »), forgée sur le modèle d’« in charge of » (« en charge de »), a fait son apparition dans le milieu de l’entreprise. C’est au XVe


siècle que le mot traverse la Manche. En anglais, «capacity», de même sens, devient synonyme d’«ability». On l’utilise de la même manière dans la langue de Shakespeare que dans la langue de


Molière, comme on le voit dans l’Online Etymology Dictionary . «Have a capacity for doing something» se dit autant qu’«avoir la capacité de faire quelque chose». Mais depuis plusieurs


années, l’expression «in the capacity of» («en sa capacité de»), forgée sur le modèle d’«in charge of» («en charge de»), a fait son apparition dans le milieu de l’entreprise. Et nous avons


eu la brillante idée de l’importer en français.


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Désormais «être en capacité de» se dit à tort et à travers en lieu et place d’«avoir la capacité de». Paradoxe intéressant, l’anglicisme séduit jusque dans les sphères de «pouvoir». Plutôt


que de dire «être en capacité de répondre aux besoins de l’Ukraine», il eût fallu qu’Emmanuel Macron dise «pouvoir/être capable/avoir la capacité de répondre aux besoins de l’Ukraine».