«300. 000 euros dans la valise» en liquide : sept personnes accusées de blanchiment international jugées à marseille

«300. 000 euros dans la valise» en liquide : sept personnes accusées de blanchiment international jugées à marseille

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RÉCIT - Le tribunal correctionnel de Marseille se penche cette semaine sur un vaste réseau supposé de blanchiment en bande organisée entre la France, la Suisse, la Turquie et l’Algérie, sur


fond de trafic de drogue. Les mis en cause circulaient avec des millions d’euros en espèces. Publicité Le TGV arrive à la gare Saint-Charles vers 14h30 en ce jour de février 2021. Les


passagers descendent des voitures. Sur le quai, Amine A. marche avec sa valise. Quand il passe devant les policiers, un chien renifleur s’agite. Et pour cause : le bagage d’Amine A. est


rempli de billets de banque de cinquante euros. Les billets comportent des traces de drogue, laissant penser à un lien avec les stupéfiants. La somme est astronomique : _«Presque 300.000


euros dans la valise»_, rembobine lundi la présidente du tribunal correctionnel de Marseille, Laure Humeau. Quatre ans plus tard, sept personnes sont en effet appelées à comparaître, jusqu’à


vendredi, devant le tribunal correctionnel de Marseille. Ils sont accusés de blanchiment aggravé de sommes astronomiques, acquises selon les enquêteurs grâce au trafic de drogue. À la


barre, Amine A. explique avoir obéi aux ordres de l’homme assis derrière lui sur le banc des prévenus, un certain Ibrahim B., Algérien comme lui. Amine A. a transporté trois fois de l’argent


pour lui. Il retrouvait près de la gare quelqu’un qui lui remettait de l’argent en espèces. Pour l’identifier, la méthode est assez singulière. _«J’avais la photo d’un billet de cinq euros,


avec un numéro dessus. À l’arrivée, la personne me donnait le billet et je regardais le numéro.»_ Puis Amine A. s’acheminait vers la destination fixée par Ibrahim B. et remettait les


liasses de billets selon la même méthode. À chaque convoi, Amine A. récupérait une commission entre 500 et 700 euros. PLUS D’UN MILLION D’EUROS La petite entreprise Ibrahim B. est familiale.


L’un de ses principaux convoyeurs de fonds s’appelle Fatima B.. C’est sa belle-sœur. Au total, les enquêteurs soupçonnent Fatima B. d’avoir convoyé près de 1.465.164 euros au cours de 81


voyages entre février 2021 et juin 2022. Dans cette période, Fatima B. se rend douze fois à Istanbul, la plupart du temps sous les ordres de son beau-frère. Pour le trajet aller, Fatima B.


ne part pas de France, mais de l’aéroport de Genève, ce qui lui permet de ne pas déclarer l’argent liquide. Quelqu’un lui apporte l’argent dans des enveloppes. Puis elle décolle en direction


de la Turquie, la valise chargée de billets. Là, parfois, l’argent est changé directement dans des bureaux de change. Sinon, l’argent est immédiatement dépensé, _«chez le fournisseur»_.


Dans un discours abscons, Fatima B. affirme en effet aider son beau-frère dans ses activités d’importateur entre la Turquie, l’Algérie et la France. La présidente l’interroge sur le devenir


exact de cet argent. _«Ça dépend,_ élude-t-elle. _Des fois, c’est du textile. Ibrahim a une boutique de textile pour enfants en Turquie.»_ Puis Fatima B. revient en France, une commission en


poche. À la croire, jamais elle ne s’interroge sur la provenance de ces liasses de billets qui voyagent avec elle par avion. _«Je viens d’un pays,_ _l’Algérie_ _, où quand on va acheter une


maison, on vient avec une valise remplie d’argent chez le notaire. Je ne savais pas que je faisais quelque chose d’illégal. Je ne suis pas en contact avec des trafiquants de drogue. Mon


beau-frère est importateur et il côtoie des gens dans le commerce.»_ LA MAIN DE JEAN S. _«La finalité de mon client, c’est d’une part de faire du change parallèle,_ résume l’avocat de


Ibrahim B., Me Frédéric Monneret._ Le but, c’est d’avoir de l’argent pour pouvoir acheter de la marchandise à Istanbul. Mais tout s’est fait dans la clandestinité. Il n’y a pas de facture et


pas de comptabilité»_. Une méthode qui n’est pas sans rappeler celle dite des _«saraf»_, du nom donné dans le narcotrafic aux banquiers occultes qui officient en sous-marin. À travers


l’emploi d’agents de change, les bénéfices de la vente de stupéfiants transitent entre pays en toute clandestinité, par un processus de compensation, sans qu’aucun argent physique ne change


de main. Quand elle n’est pas à l’étranger, Fatima B. transporte des liasses aux quatre coins de la France, de Strasbourg à Toulouse. _«Un jour, il m’a envoyé à Monaco avec la somme de


157.000 euros, dans une grosse enveloppe dans mon sac»_, se souvient-elle à la barre. Et pour ce transport, Fatima B. est formelle. Il y a derrière la main d’un certain Jean S., connu des


protagonistes par un nom d’emprunt, ou son surnom, _«Le Libanais»_. Seul dans le box, les cheveux grisonnants attachés en queue-de-cheval, Jean S. écoute attentivement. Il a été placé en


détention avoir été interpellé en Géorgie. Jean S. est accusé d’être la véritable tête de réseau de ce système de blanchiment, à travers l’usage de sociétés douteuses. Il a fui la France peu


après qu’un de ses convoyeurs a été arrêté. Dans une note adressée à la France, la DEA l’identifie comme étant lié à une organisation internationale de blanchiment de capitaux. Un jour de


février 2020, à l’aéroport de Zurich, Jean S. se fait remettre 225.000 dollars en espèces, par un homme accusé d’être la tête d’un réseau international qui aurait blanchi des centaines de


millions de dollars. Pour se reconnaître, les deux hommes ont utilisé la même technique qu’Amine A. à la gare Saint-Charles : un numéro de série inscrit sur un billet de banque qu’ils sont


les seuls à connaître.