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Fidèle complice de Chanel, la réalisatrice vient de créer la bande-annonce du défilé Croisière 2025-2026 de la maison. Entre admiration de Coco et souvenirs de Lagerfeld, conversation dans
les jardins de la villa d’Este avec la plus italienne des Californiennes… Publicité Un parfum d’été précoce règne sur le lago di Como. Le lago di Como, ma che cos’è ? Le lac de Côme, celui
de Visconti, hier, et de George Clooney aujourd’hui, entre autres… Un miroir ceint de montagnes aux pelages verts et doux de bisons endormis. Pour quelques jours, la villa d’Este prend des
airs de fabuleux caravan sérail. Des malles Chanel jaillissent les élégantes pièces de la collection Croisière 2025-2026. Je peux sentir dans les vibrations de l’air les mânes sourcilleux de
Coco veillant à ce que le cérémonial du jour J incarne la perfection. Plus tard, à l’heure dite « _blonde_ », lorsque la lumière déclinante semble envelopper d’une mousseline tiède et
ambrée les visages et les silhouettes, arrive le moment du défilé. À quelques chaises de la mienne, une femme brune, au visage élégant qu’on dirait sorti d’un tableau de Boldini, détaille
avec intensité chaque passage et applaudit frénétiquement au final. C’est Sofia Coppola, la reine masquée de la soirée, la secrète maîtresse de cérémonie. La discrète Sofia Coppola.
N’a-t-elle pas réalisé la bande-annonce du défilé ? Les ingrédients : une jeune femme mystérieuse, un palace nommé désir, un Riva fendant les eaux tel un requin d’acajou… un scénario d’une
poignée de secondes sous le signe du Hitchcock millésime _La Main au colle_t. Du glamour, de l’amour, de l’humour. Le moment d’en savoir plus sur la solide connexion Chanel-Coppola qui se
prolonge depuis l’adolescence de la réalisatrice. Assis à l’écart des invités, nous voici réunis pour une conversation placée sous le signe de la modestie. Pas de tralala ni de bla-bla,
l’économie des mots pour aller à l’essentiel, comme si la première des politesses était de ne pas s’étaler sur soi-même. Pour qui sait lire entre les lignes, tout – ou presque – est dit dans
ses films : la fascination du vêtement (_Marie-Antoinette_), la «_ palaçophilie_ », cette attirance pour les hôtels de légende dans lesquels on attend, mais qui et quoi ? (_Somewher_e,
_Lost in Translation_), la curiosité pour les côtés sombres de la culture rock (_Priscilla_ )… > Découvrez l’intégralité de F, Art de vivre La parole est à Sofia : « _Mon premier
souvenir d’enfance au sujet de Chanel vient de Carole Bouquet, une amie de mes parents. Elle était à l’époque une égérie de __Karl Lagerfeld_ _, je la trouvais magnifique et je n’arrêtais
pas de penser à la mode, ce qui est étrange car ma mère n’était pas quelqu’un de sophistiqué dans sa façon de s’habiller. Et ma passion naissante était alors considérée dans la Napa Valley
comme quelque chose d’excentrique. À 15 ans, j’ai demandé à Carole de m’aider à trouver un stage à Paris auprès de Karl_. » Requête acceptée qui fait sens : après tout, un coppola n’est-il
pas un bonnet plat porté en Sicile et dans l’extrême sud de l’Italie ? Retour l’été suivant et naissance d’une complicité amicale tissée au fil des ans entre le Kaiser et la jeune fille
souhaitant finalement suivre les traces paternelles. «_ Karl a été une grande source d’inspiration pour moi. C’était quelqu’un de très gentil et de curieux de tout. J’ai compris à son
contact que la création ne se limitait pas à une discipline : il réalisait des films, prenait des photos et créait des vêtements. Cette idée qu’en tant que créatif, on peut faire tellement
de choses ne m’a depuis jamais quittée._ » Sofia n’est-elle pas passionnée de décoration intérieure, un art qu’elle a mis récemment en pratique en décorant une splendide maison d’hôtes en
Basilicate, dans le creux de la Botte, qu’elle a supervisée de A à Z, jusqu’aux confitures maison. « LES GENS S’EXPRIMENT AVEC LEURS VÊTEMENTS » « _Je suis fière de mes origines du Sud _»,
me confie-t-elle, alors qu’un rocker-crooner italien, chemise ouverte de latin lover du meilleur effet, se lance dans le grand salon dans un tour de chant al dente. « _J’ai une grande
admiration pour la culture et l’art de vivre de ce pays. Et regardez (son bras se tend vers le lac et les montagnes en face, comme pour les bénir), oui, regardez ! N’est-ce pas l’un des plus
beaux endroits au monde ?_ » J’approuve. «_ Je me sens très chanceuse d’être ici. J’ai été ravie lorsque la maison m’a proposé de réaliser le teaser du défilé ici, à la villa d’Este. Le lac
de Côme ne peut qu’être inspirant. _» Aurait-elle aimé rencontrer Coco et que lui aurait-elle dit ? « _Aucune idée, même si j’aurais adoré la rencontrer et l’écouter. J’aime chez elle sa
force et cette certitude que la façon de s’habiller donne confiance en soi. C’est vrai. Son attitude, sa simplicité, son intérêt pour l’art, la culture et ses créations étaient tellement en
avance sur son temps ! Comme Coco, je suis intéressée par la façon dont les gens s’expriment avec leurs vêtements. En mode comme en architecture, tout est une question de proportions et
d’équilibre entre l’apparence et la personnalité intérieure_. » Dans quelques jours, Sofia repartira pour New York, l’une de ses deux villes d’élection avec Paris où sa petite tribu possède
un appartement à Saint-Germain-des-Prés. Son mari, Thomas Mars, le chanteur – français –, du groupe Phoenix, l’attend de l’autre côté de l’Atlantique avec leurs filles, Romy et Cosima.
L’aînée suit les traces paternelles en s’essayant à la musique, la seconde est encore trop jeune pour savoir ce qu’elle fera de son existence. « _C’est sympa d’avoir des ados, car elles vous
connectent à un monde et à une génération qui ne sont pas les miens, tout change tellement vite. _» Au loin, un bateau fend l’écume gelée du lac à la consistance de plomb fondu. Sofia
observe avec application la scène, comme si elle était soudain sur un plateau de tournage. Un film en préparation ? « _Je travaille lentement, je suis sur l’écriture d’un scénario mais
j’aime aussi procrastiner, je n’écris pas tous les jours, je dirais que je suis plutôt en pleine période d’hibernation_ », me lance-t-elle en riant alors que passe près de nous un
petit-neveu de Luchino Visconti, l’ami indéfectible de Gabrielle Chanel. Tout un monde encore bien présent, ce soir magique… Sofia lit en ce moment_ Plus jamais_, de la jeune romancière
irlandaise Megan Nolan, « _l’histoire, me dit-elle, d’une passion dévastatrice _». L’amour, la grande affaire des femmes et des hommes, depuis que le monde est monde. Celle de Coco, de
Luchino hier, de Sofia aujourd’hui. Sur le lago di Como ou ailleurs. Plus que jamais.