2024: vers un échec géopolitique global des occidentaux?

2024: vers un échec géopolitique global des occidentaux?

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FIGAROVOX/TRIBUNE - L'année 2024 et le report potentiel des élections ukrainiennes, la tenue des élections européennes, américaines, russes et peut-être israéliennes, vont rebattre


clairement les cartes de la politique mondiale, analyse le chercheur en relations internationales Sébastien Boussois. Publicité _Sébastien Boussois est docteur en sciences politiques,


chercheur monde arabe et géopolitique, enseignant en relations internationales à l’IHECS ( Bruxelles), collaborateur scientifique du du Cnam Paris (Équipe Sécurité Défense) et du Nordic


Center For Conflict Transformation (NCCT Stockholm)._ ------------------------- Le processus de désoccidentalisation du monde s'accélère à grande vitesse depuis plusieurs mois. Les


guerres soutenues par l'Occident ne mènent plus depuis longtemps à des victoires. L'exemple de la situation en Ukraine comme de celle entre Israël et Gaza qui monopolisent


l'attention des opinions, des politiques et des médias, sont les deux avatars à venir d'un échec géopolitique global des Américains et des Européens à imposer leur agenda. On parle


de plus en plus d'un échec de l'Ukraine et d'une impasse pour Israël et Gaza. L'année 2024 et le report potentiel des élections ukrainiennes, la tenue des élections


européennes, américaines, russes et peut-être israéliennes, vont rebattre clairement les cartes de la politique mondiale. EN OCCIDENT, LA CRITIQUE MONTE DE PLUS EN PLUS CONTRE LE SOUTIEN À


L'UKRAINE ET ISRAËL. C'est déjà le cas des États-Unis dont le soutien inconditionnel à l'Ukraine et Israël est actuellement remis en cause et sert de levier pour des affaires


de politique interne. Ce phénomène est assez récent car il y a encore quelques mois et alors que la possible réélection de Trump n'était qu'un mirage, les Américains soutenaient


encore massivement ce coût financier. Ce soutien politique et surtout financier, qui a coûté très cher à Washington et également à Bruxelles, est discuté comme jamais et même carrément remis


en cause ; ce qui n'était pas le cas depuis deux ans pour l'Ukraine ou depuis des décennies pour Israël. Désormais, les Occidentaux montrent au grand jour leur impuissance à


régler des conflits, appuyés par des Nations unies en déclin, et sont désormais largement critiqués à l'intérieur par des populations qui ne veulent plus payer pour des guerres proxy


lointaines ou des politiques qui ruinent les pays concernés. Avec les élections 2024 (américaines et européennes surtout), les opinions occidentales risquent de mettre un terme à cette


gabegie financière. Trump remettra l'Amérique et les Américains au cœur des priorités de son mandat. 2024, OU L’ANNÉE D’UN BOULEVERSEMENT ÉLECTORAL MONDIAL. Les Occidentaux sont pris au


piège de leurs élections et de l'impossibilité de mener une politique à long terme. Tous les quatre ou cinq ans, on repart à zéro. L'année 2024 fragilise les Occidentaux par le


nombre de scrutins stratégiques ou le refus pour certains des élections. Au-delà des guerres en cours ou de longue durée, notamment celle en Ukraine et celle à Gaza, plusieurs pays et


institutions occidentales vont changer de tête et changer leur stratégie. Pendant que d'autres verront leurs dirigeants déjà en place être réélus et s'enraciner dans leurs


convictions. C'est de plus en plus la faiblesse des démocraties : les politiques menées, aussi radicales et pro-occidentales soient-elles, sont limitées dans le temps et remises


régulièrement en cause pendant que face à eux, des dirigeants s'inscrivent dans le temps long et n'ont qu’à attendre que la roue tourne. Elles sont confrontées à de nombreux


régimes durables et stables. > Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche pourrait calmer le > sentiment anti-russe mais également mettre fin au soutien financier > à 


l'Ukraine. > Sébastien Boussois C'est le cas de Poutine qui sait que le changement plus que possible à la Maison-Blanche ainsi que les élections européennes vont affaiblir le


soutien à l'Ukraine. Cela l'arrange autant que la guerre à Gaza qui a détourné l'attention des Occidentaux. Le président russe vient d'annoncer sa candidature pour 2024


et souhaite gouverner jusque 2036. Un ancien député européen me l’a confirmé: c'est une force qu'a la Russie que n'ont ni les Etats-Unis ni l'Europe. Poutine veut


l'Ukraine même si cela prend dix ans. Les Européens et les Américains ne pourront plus soutenir matériellement l'Ukraine et vont devoir la pousser à la table des négociations. Le


retour de Donald Trump à la Maison-Blanche pourrait calmer le sentiment anti-russe mais également mettre fin au soutien financier à l'Ukraine. La CIA pensait déjà en janvier que Moscou


avait aidé Trump à être élu en 2017. Mike Johnson, l'actuel porte-parole de la chambre des Représentants et fidèle de Trump, est actuellement dans un bras de fer politique et menace


d'empêcher de voter les crédits à Israël et à l'Ukraine. Ce qui arrangerait la Russie qui s'est placée du côté des Palestiniens. Côté européen, les élections européennes à


venir vont renforcer la place de l'extrême droite. Comme nous le confie le même ancien député européen, ces nouveaux élus contestent les anciennes élites qu'ils qualifient souvent


de corrompues. Populistes, ces courants qui ne cessent de monter depuis vingt ans dénoncent la soumission de l'Europe aux États-Unis et sont proches des régimes aux tendances


autoritaires en Europe et ailleurs. > Les opinions commencent à se lasser du conflit ukrainien et du > coût que supportent les Américains et les Européens pour soutenir > une guerre


 dont on a voulu leur faire croire qu'elle était la leur. > Sébastien Boussois En 2024, devrait aussi se dérouler l'élection présidentielle en Ukraine. Mais Zelensky a perdu en


popularité et semble vouloir repousser l'élection à son profit. Le plus populaire des représentants ukrainiens actuels est le général Valéry Zaloujny, qui pourrait être le futur


président si l'élection se tenait et si Zelensky finissait de lasser, par son embourbement et ses mensonges, ses créanciers essentiellement occidentaux. En Israël, plus la guerre dure,


plus le mandat de Netanyahou dure. Or, il est devenu très impopulaire et traîne toujours ses affaires de corruption. Si la guerre se finit rapidement, il va sauter. Et de nouvelles élections


seront convoquées, provoquant des mois et des mois d'instabilité et fragilisant encore un peu plus l'État hébreu et son allié américain. C'est ce que craint un ancien


ambassadeur d'Israël au cœur de l'UE : la démocratie israélienne va mal et la guerre est un bon moyen d'oublier tout cela. On ne peut pas perdre la guerre, dit-il mais si on


la gagne (cela veut dire détruire le Hamas ce qui est loin d'être évident), Netanyahou ne sera pas remercié pour autant. Il est le grand responsable pour les Israéliens du drame du 7


octobre. L'UKRAINE EN GRANDE DIFFICULTÉ POURRAIT PERDRE LE SOUTIEN OCCIDENTAL. On a voulu faire croire aux Occidentaux que la guerre ukrainienne contre la Russie serait rapide. Il


n'y a à ce jour ni victoire ni effondrement du régime de Moscou. Une ancienne ambassadrice aux Etats-Unis et en Russie affirme que le tabou est enfin levé : non seulement les opinions


commencent à se lasser de ce conflit et du coût que supportent les Américains et les Européens pour soutenir une guerre dont on a voulu leur faire croire qu'elle était la leur ; mais


aujourd'hui, dans les médias et chez certains spécialistes de la Russie, on sent un possible effondrement des Ukrainiens qui sont tenus artificiellement à bout de bras par les


Occidentaux. Il y a encore trois mois, dire cela faisait passer les personnes pour des pro-Poutine. Ce n'est plus le cas. > Le cycle des retraits américains de l'Asie centrale 


et du > Moyen-Orient a été le point de départ du renforcement de la > présence de la Chine en Afghanistan notamment, et de la Russie en > Syrie. > Sébastien Boussois À partir du


moment où les Occidentaux disent stop, il n'y a plus de valeureux combat ukrainien. On peut trouver le combat louable ; on a dépensé beaucoup pour la contre-offensive ukrainienne et


elle a été un échec. On a tout essayé mais la Russie a largement résisté avec ses alliés. C'est assurément une forme de victoire du Sud Global qui se profile: l'arrogance


occidentale et la certitude d'être les plus forts ont joué contre nous. Au Moyen-Orient, la défiance à l'égard des Occidentaux et des Américains ne fait qu'augmenter. Le cycle


des retraits américains de l'Asie centrale et du Moyen-Orient a été le point de départ du renforcement de la présence de la Chine en Afghanistan notamment, et de la Russie en Syrie.


Alors que les Etats-Unis soutiennent Israël, qui tue civils à Gaza, les opinions montent contre Tel Aviv. Le Qatar, les Émirats arabes unis, la Russie et la Chine cherchent à aboutir à un


cessez-le-feu pendant que Washington oppose son veto aux Nations unies pour permettre à Israël de finir de s’en prendre aux civils à Gaza. Il y a aujourd'hui un front du refus contre


Israël et en faveur des Palestiniens qui fragilisent la position des États-Unis qui seront de plus en plus isolés à l’avenir. Pendant ce temps-là, la Russie s'enracine au Moyen-Orient


et en Syrie, grâce notamment à l'allié émirati qui a poussé à la normalisation des relations avec Bachar el-Assad et à réintroduire la Syrie dans la Ligue arabe. La visite de Poutine


dans le Golfe dernièrement est la preuve de cet enracinement. Abou Dabi n'applique pas les sanctions contre Moscou et, proche d'Israël, attend son heure pour proposer ses solutions


pour le règlement de la question israélo-palestinienne pendant que le Qatar gère comme il peut le Hamas. Moscou a poursuivi ses alliances avec un nombre croissant de pays arabes à


l'occasion de la guerre à Gaza, et les Émiratis commencent à énerver Washington à force de ne pas appliquer les sanctions ni à la Russie ni à la Syrie. Abou Dabi, allié historique des


Occidentaux, voit le monde changer et se rapprocher du Sud Global car il sait qu’à terme Israël sera en grand danger sans le soutien des États-Unis. Mohammed ben Zayed, le président émirati,


pourra alors se présenter comme médiateur lorsque les Occidentaux n'auront plus d'influence sur place.