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Entretien« Je ne serais pas arrivé là si… » Chaque semaine, « Le Monde » interroge une personnalité sur un moment décisif de son existence. Le comédien évoque l’exil de son
arrière-grand-mère géorgienne, et la façon dont le théâtre l’a sauvé d’une mère sans tendresse et d’un père violent.
Guillaume Gallienne reçoit dans sa loge de la Comédie-Française, avec vue sur les colonnes de Buren. Dans la journée, il tourne une comédie de Rémi Bezançon avec Gilles Lellouche et Laetitia
Casta. Le soir, il endosse le costume du Bourgeois gentilhomme, de Molière. Collé sur la porte figure un petit panneau de signalisation « No Drama » offert par Valérie Lemercier. Un clin
d’œil amical pour le comédien hyperactif de 53 ans, qui a vécu une enfance compliquée, souvent douloureuse, et sait encore se mettre en colère.
… La princesse Mélita Cholokashvili, dite Babou, n’avait pas fui la Géorgie en 1922. C’était mon arrière-grand-mère. Les bolcheviques avaient envahi le pays l’année précédente. Sa sœur est
partie très vite pour Constantinople, et Babou a décidé de la suivre. Elle a obtenu un passeport pour elle et sa fille, et a attendu à Constantinople un an que son mari, un célèbre avocat
russo-ukrainien appelé Konstantin Zelensky, soit autorisé à les rejoindre. Elle mourait de faim. Sa fille, ma grand-mère, âgée de 6 ans, était un peu mieux lotie, car un monastère de
Constantinople construit par un aïeul l’avait recueillie.
La famille reconstituée, tout le monde est parti pour Rome puis Paris. Mon arrière-grand-père y est devenu chauffeur de grande remise en attendant de redevenir avocat. C’est donc en France
que ma grand-mère a grandi, qu’elle a rencontré un Russe blanc d’origine juive polonaise, qu’ils ont eu ma mère, et que je suis né bien après.
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