Faut-il interdire le parti d’extrême droite allemand AfD ?

Faut-il interdire le parti d’extrême droite allemand AfD ?

Play all audios:

Loading...

Interdire l'AfD pour freiner la course du parti d'extrême droite est un vieux projet en Allemagne, mais pour la première fois, jeudi, le Bundestag a débattu de cette idée. 124 


députés issus de plusieurs partis avaient déposé une motion visant à saisir la Cour constitutionnelle de Karlsruhe d'une procédure d'interdiction.


Que ce débat ait été programmé au lendemain du jour où Friedrich Merz faisait voter une motion destinée à limiter l'immigration est un pur hasard de calendrier. La simultanéité des deux


débats au Bundestag n'est cependant pas dénuée d'ironie. Le hasard voulait aussi que les députés s'attellent à cette question complexe un 30 janvier – date anniversaire de


l'arrivée de Hitler au poste de chancelier.


L'initiative a été prise par le député chrétien-démocrate Marco Wanderwitz, un élu de l'ancienne RDA où le parti, première force politique, est en train de déloger la CDU dans


certaines régions. Wanderwitz, qui n'est pas soutenu par la majorité de son parti, se bat depuis longtemps pour que la Cour examine le caractère anticonstitutionnel de l'AfD.


À LIRE AUSSI EN ALLEMAGNE, LE PARI PERDU DE FRIEDRICH MERZ SUR L'IMMIGRATION


Fondé en 2013 et entré au Bundestag en 2017, le parti d'extrême droite n'a cessé de se radicaliser dans cette Allemagne traumatisée par le nazisme. Né de l'opposition à


l'euro, il est devenu au fil des années un parti franchement xénophobe. On ne compte plus les tabous brisés. Depuis son père fondateur Alexander Gauland qui compare les douze années du


national-socialisme à « une fiente d'oiseau dans l'histoire de l'Allemagne » jusqu'à Björn Höcke, chef de file de l'aile la plus dure, qui se sert dans un de ses


meetings du slogan des SA _« Alles für Deutschland »_. C'est à ce même slogan que fait allusion sans vergogne le mot d'ordre de campagne du parti pour les législatives _« Alles für


Alice ! »_ – entendez Alice Weidel, sa candidate dans la course à la chancellerie.


Voilà une fois de plus la question de l'interdiction qui est remise sur le tapis. En novembre 2023, la question avait déjà été soulevée, mais elle n'avait jamais été débattue au


Parlement. À l'époque, c'est la rencontre secrète qui s'était tenue dans un hôtel de Potsdam qui avait déclenché le débat, tandis que des centaines de milliers de manifestants


défilaient dans les rues des villes pour défendre la démocratie. Le média d'investigation _Correctiv _avait révélé que plusieurs membres influents de l'AfD étaient présents à


cette réunion organisée par des leaders néonazis autour de l'idéologue autrichien Martin Sellner. Thème de la soirée : la « remigration », c'est-à-dire la déportation par la force


de millions d'immigrés et même de certains étrangers en situation légale ou également détenteurs de la nationalité allemande « qui ne respectent pas les valeurs de notre pays » vers un


« État modèle » crée à cet effet en Afrique du Nord. Marine Le Pen avait pris ses distances. Un an plus tard le mot « remigration » est inscrit dans le programme officiel du parti et Alice


Weidel n'hésite plus à l'employer en public.


À LIRE AUSSI ALICE WEIDEL, STAR CONTROVERSÉE DE L'AFD, COURTISÉE PAR ELON MUSK


À Découvrir LE KANGOUROU DU JOUR Répondre L'interdiction d'un parti est une procédure longue et extrêmement complexe. Il appartient au renseignement intérieur de fournir les


preuves de la légitimité d'une telle requête. La demande d'interdiction est ensuite transmise au tribunal constitutionnel de Karlsruhe. À deux reprises déjà, une tentative


d'interdiction du petit parti néonazi NPD a échoué. En outre, une interdiction pourrait profiter à l'AfD qui compare déjà l'Office de protection de la Constitution à la Stasi,


la police secrète est-allemande. Loin de lui nuire, son bannissement pourrait paradoxalement lui profiter en mobilisant encore davantage ses troupes offusquées. L'AfD pourrait alors


faire figure de martyr et attirer des électeurs encore indécis. Dans un pays où le parti récolte quelque 20 % des voix au niveau national et plus de 30 % dans les Länder de l'ancienne


RDA, cette initiative n'est donc pas sans danger. L'AfD n'est plus un groupuscule rassemblant les mécontents, mais un parti avec 78 députés qui pèse lourd dans la politique


allemande.


Jugée trop risquée, la motion de Marco Wanderwitz qui n'était soutenue par aucun parti n'a pas réussi à réunir de majorité.