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Clap de fin ce dimanche pour le festival Sundance à Park City, dans les montagnes de l'Utah. Depuis quatre décennies, Sundance met en avant le cinéma indépendant, c'est-à-dire tout
ce qui est produit en dehors du système hollywoodien. Au fil du temps, le festival a évolué avec une industrie cinématographique américaine en perpétuelle mutation, mais il est resté un
rendez-vous incontournable du secteur et de sa communauté. Laquelle a été récemment durement touchée par les incendies de Los Angeles. Sundance est le premier événement majeur depuis cette
catastrophe, dont l'impact n'a pas épargné le festival. Ici, tout le monde connaît une victime des incendies ; certains ont même été directement affectés.
Isaiah Saxon présentait son premier film, _The Legend of Ochi_, un récit pour enfants aux influences « spielberguiennes », très réussi. Il a beaucoup hésité à venir à Park City. Il y a trois
semaines, sa maison a brûlé lors des feux d'Altadena. Malgré tout, il a choisi le cinéma pour se reconstruire. « Chaque artiste crée son propre remède. Moi, c'est mon film »,
explique-t-il. « C'est vrai que c'est complètement surréaliste d'être là après ces dernières semaines. Même si là, maintenant, à l'instant présent, je suis heureux de
partager mon film. Après, on verra. » Un autre film du festival a pris une dimension inattendue avec les feux de Los Angeles. _Rebuilding_ raconte l'histoire d'un jeune fermier du
Colorado (l'impeccable acteur britannique Josh O'Connor, qui a incarné le prince Charles dans la série_ The Crown_, et qui a également joué dans le film de Luca Guadagnino,
_Challengers_), un fermier qui a tout perdu dans un incendie de forêt. Difficile de retenir son émotion devant ce mélodrame country qui rappelle tant ces dernières semaines. Dans la grande
salle de Sundance, on imaginait les larmes couler. Josh O'Connor est bien conscient qu'il pouvait difficilement en être autrement, mais il sait que, derrière le film, se cache
aussi une leçon d'espoir, retrouvée dans la vraie vie. « Une des choses dont j'ai entendu le plus parler après les feux de Los Angeles, c'est le sentiment d'union dans la
ville, se souvient-il sur le tapis rouge de l'avant-première de _Rebuilding_ à Sundance. Ça m'inspire énormément. _Rebuilding_ parle de ça, des communautés qui s'allient pour
se soutenir. On ne peut s'en sortir seul. S'isoler, ce n'est bon pour personne. Je crois que c'est aussi une des leçons du film et ce qui est aussi en train de se mettre
en place à L.A. »
Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche va forcément générer une contre-attaque de la sphère culturelle en général et du cinéma indépendant en particulier, qui traite régulièrement des
sujets qui touchent les minorités raciales ou sexuelles. La sélection 2025 de Sundance donne un avant-goût des escarmouches à venir.
À l'avant-première de _Ricky_, drame urbain sur un jeune homme noir coincé dans un système qui le ramène toujours vers la prison, Stephan James, l'interprète de Ricky, comprend
qu'il est plus que jamais important de raconter cette histoire : « Si on ne le fait pas, nous n'irons jamais au-delà des clichés que certains n'hésitent pas à proclamer comme
réalité », constate l'acteur. « Mettre ce genre de destin sur un écran, ça permet de comprendre les jeunes hommes comme Ricky comme vous ne l'auriez jamais fait si ce film
n'existait pas. Ça permet de mettre de l'humanité dans une statistique. Souvent, ces jeunes gens sont réduits à des numéros. Leur donner une histoire, c'est essentiel. »
Pour la communauté LGBTQ, très présente dans les histoires racontées à Sundance, le décret sur la déclaration des genres, signé par Trump, a fait l'effet d'un coup de poignard.
_Jimpa_, le film d'ouverture du festival avec Olivia Colman et John Lithgow, dans lequel le comédien joue le grand-père gay d'un adolescent transgenre, résume le sentiment de
Sundance sur la question. « Ce film est parfait pour Sundance », nous déclarait-il. « Il arrive en plus à point nommé. Nous avons besoin de nous sentir exaltés et heureux en voyant des
familles qui affrontent ce sujet avec tendresse et affection, plutôt que de vouloir juste s'en débarrasser. Les êtres humains sont tous différents, mais ils sont tous des êtres humains.
C'est pour ça que fut inventé le mot “humain”. Nous devons traiter chacun d'entre nous avec une humanité sans faille. »
QUE VAUT LA NOUVELLE VERSION DU « BAISER DE LA FEMME ARAIGNÉE » ?
Quant au film phare du festival, _Kiss of the Spider Woman_, il arrivait lui aussi à point nommé. En 1985, William Hurt remportait l'oscar du meilleur acteur pour _Le Baiser de la femme
araignée_, inspiré du livre culte de l'Argentin Manuel Puig.
À Découvrir LE KANGOUROU DU JOUR Répondre Dans les années 1990, le film a été adapté en comédie musicale à grand succès pour Broadway. La version 2025 de _Kiss of the Spider Woman_ est une
adaptation de ce spectacle musical, portée par une sublime Jennifer Lopez dans le rôle-titre, aux côtés de Diego Luna et du chanteur latino Tonatiuh (récemment aperçu dans _Queer_ de Luca
Guadagnino, décidément !). Tous deux sont absolument parfaits dans les rôles des compagnons de cellule : l'un, prisonnier politique ; l'autre, incarcéré pour son homosexualité
pendant les années de plomb en Argentine. Même en musique, le film délivre un message essentiel sur l'identité : « Cette question est évidemment présente dans le film, mais il raconte
surtout comment l'amour peut transcender toutes les divisions. Ces deux personnages sont aux antipodes l'un de l'autre, et pourtant, ils se retrouvent enfermés ensemble. Peu
importe leur sexualité ou leurs opinions politiques, ce sont avant tout deux êtres humains qui, pour la première fois, osent se voir, se regarder… et tomber amoureux, raconte Jennifer Lopez.
C'est exactement le genre d'histoires dont nous avons besoin aujourd'hui. »