LE SAINT-LAURENT EN MAJESTÉ, AU FIL DES GLACES – AUX SEPT-ÎLES CHEZ LES INNUS

À Tadoussac, le _Commandant Charcot_ a débarqué le pilote (obligatoire sur la rivière Saguenay), retrouvé l'eau large et poursuivi sa route au nord-est, vers « l'extrême Occident 

». Trois-Pistoles, Les Escoumins, Rimouski : d'une rive à l'autre, le Saint-Laurent, désormais presque libre de glace, égrène ses noms les plus gracieux. Encore que Rimouski, pour

les Québécois, évoque instantanément une catastrophe : « le plus grand naufrage jamais survenu au Canada ».

drame aura finalement peu d'échos du fait de la Première Guerre mondiale, déclarée à peine trois mois plus tard. Il fallut attendre 1964 avant que l'épave de l'_Empress_ ne

soit retrouvée au large de Rimouski. Pour l'anecdote, le mécanicien William Clark, qui se trouvait à bord du navire canadien, a survécu, tout comme il avait réchappé du naufrage du

_Titanic_ deux ans auparavant !

À LIRE AUSSI À LA RECHERCHE DE JACQUES CARTIERSept-Îles, notre prochaine escale, frôle le 50e parallèle et se trouve sur le territoire de Rimouski. C'est la dernière ville importante de

la Côte-Nord : plus qu'une immense région (plus de 20 % du territoire québécois), un monde gigantesque, indocile et quasiment vide, dont la devise résume l'essentiel : « Entre

nature et démesure ». C'était jadis le lieu de prédilection des coureurs des bois, des marchands de fourrures et des pêcheurs de morue. Avant de l'atteindre, 242 milles nautiques

(450 km) et 24 heures de navigation nous attendent.

À bord du _Commandant Charcot_, la passerelle est toujours ouverte. Et les passagers ne boudent pas ce privilège, trouvant assez vite son accès au pont 8, respectueux des règles de base

(silence et discrétion) pour ne pas troubler le travail des officiers présents. La passerelle est aussi le meilleur poste d'observation pour débusquer avant tout le monde les phoques se

prélassant, admirer les « pieds-de-vent » tombés du ciel (mot acadien pour désigner les rayons de soleil filtrés par les nuages) ou le passage fugace des « vastes oiseaux des mers », pour

citer Baudelaire.

Cette navigation est pour nous l'occasion de faire connaissance, au théâtre, avec une partie de l'équipe de spécialistes embarqués, scientifiques et naturalistes. Le _Commandant

Charcot_ est en effet officiellement reconnu comme brise-glace d'intérêt scientifique, au même titre que les brise-glace allemand ou norvégien, lesquels ne sont pas des navires à

passagers, mais uniquement dédiés à la science.

Des passagers qui peuvent d'ailleurs visiter les deux laboratoires (humide et sec) aménagés dans les entrailles du _Charcot_ et profiter de conférences données par les chercheurs. Car

ce navire, dès ses plans, a été défini comme une plateforme d'opportunité pour les scientifiques. Ponant, qui va « là où les autres ne vont pas » et y retourne régulièrement, a souhaité

mettre son brise-glace au service de ses passagers en premier, mais de la science aussi.

Regardées avec suspicion au début, les expériences du _Charcot_ commencent à faire parler d'elles. Et la liste d'attente des candidats s'allonge. Le séjour est gratuit pour

les chercheurs (alors qu'une campagne scientifique est toujours longue, lourde à monter et onéreuse). Aucune contrepartie n'est exigée en échange de leur séjour, hormis

l'obligation de partager gracieusement leurs données sur les plateformes scientifiques. Les chercheurs n'ont même pas à mentionner qu'ils travaillaient à bord du _Commandant

Charcot_.

C'est un institut indépendant (Polarin, nouveau consortium de scientifiques européens) qui examine les dossiers de candidatures, confronte la pertinence de la demande avec les

itinéraires du navire, et adresse ses recommandations à Ponant. C'est ainsi que les passagers au cours de cette croisière ont pu écouter Julien Gigault, directeur de recherche et

médaillé de bronze du CNRS en 2020, spécialiste des nanoparticules, expliquer avec clarté et passion l'objet de ses recherches.

Ponant a créé son département scientifique en 2022 et recruté deux officiers science. Daniel Cron, qui a navigué pendant plus de quinze ans pour la science (dont dix ans sur _Tara_, la

goélette de Jean-Louis Étienne), est l'un d'eux : « Au début, il a fallu équiper les labos en frigos, congélateurs, “ferrybox” pour les analyses d'eau de surface, microscopes,

hotte… Auxquels nous avons ajouté depuis peu une rosette. » C'est-à-dire un équipement de près de 100 000 euros, que tout navire océanographique se doit de posséder.

« C'est la première croisière où nous l'exploitons, reprend Daniel Cron. Elle va nous permettre d'étudier tous les paramètres physico-chimiques classiques de l'eau de mer

 : salinité, température, turbidité, oxygène dissous, chlorophylle._ _ » L'officier science est en charge du maintien des équipements des labos, de la transmission des datas et du lien

avec la passerelle. Ces données sont envoyées en temps réel à terre et mises à disposition sur des plateformes en libre accès sur Internet.À LIRE AUSSI TRANSPORT AÉRIEN, LA BATAILLE DU

QUÉBECLe _Charcot_ s'est donc arrêté à plusieurs reprises (dans la rivière Saguenay ou au sortir de la baie des Sept-Îles notamment) le temps d'effectuer des prélèvements.

Récemment, les chercheurs du très réputé navire scientifique allemand _Polarstern_ sont même venus voir les labos du _Charcot_ afin d'améliorer les aménagements de leur futur

_Polarstern 2_. Une croisière transarctique (Alaska-pôle Nord-Spitzberg) a également été réalisée – une première – avec vingt scientifiques à bord. Une autre est prévue en septembre 2025,

sans compter un nouveau projet d'envergure à l'étude pour 2029 : d'année en année, le _Charcot_ fait donc la preuve de son utilité dans l'étude de ces sujets

environnementaux.

Sept-Îles a été bâtie à l'emplacement d'un magnifique port naturel, où les bateaux viennent s'abriter par gros temps. Nous y ferons connaissance avec la communauté innue –

auparavant appelée les Montagnais –, présente dans la région depuis des millénaires. Deux sites à Sept-Îles – le musée Shaputuan et le tout récent musée de la Côte-Nord – retracent le

contact privilégié de ces nomades dans l'âme, aujourd'hui sédentarisés, avec la nature sauvage. Une découverte culturelle complétée par des chants et des danses le soir sur la

scène du théâtre du _Charcot_ et même, pour un petit groupe plus aventureux, par une immersion au sein d'une famille avec une nuit passée sous un tipi… en présence d'un fort utile

maître de feu.

Le lendemain en fin de matinée, après avoir récupéré tous ses hôtes, le _Commandant Charcot_ peut quitter le quai englacé de Sept-Îles sous le soleil. 154 milles nautiques (près de 285 km)

nous séparent de Gaspé, la prochaine escale. Il nous faut pour cela emprunter le détroit venteux d'Honguedo et laisser l'île d'Anticosti à bâbord : un territoire presque aussi

vaste que la Corse qui fut un temps une réserve de pêche et de chasse appartenant au magnat français du chocolat, Henri Menier. Une île qui était aussi connue sous le nom de « cimetière des

Marins » ou « l'île des naufrages », que nous laissons dans notre sillage sans regret.À LIRE AUSSI NOTRE SÉLECTION DE DIX HÔTELS À DÉCOUVRIR EN 2025

Le Commandant Charcot : 150 m de longueur, 28 m de largeur, 10 m de tirant d'eau. 123 cabines et suites, dont 4 duplex.

Prochaines croisières « LE FLEUVE SAINT-LAURENT AU CŒUR DE L'HIVER BORÉAL »

Québec-Québec, 2 départs les 13 et 27 février 2027, 15 jours-14 nuits.

À Découvrir LE KANGOUROU DU JOUR Répondre https://www.ponant.com/catalogsearch/result/ ?q=saint + laurent & periode % 5B % 5D = 2027_02 Infos et réservations : www.ponant.com / +33 (0)4 

91 36 41 6

RETROUVEZ L'ENSEMBLE DES ÉTAPES DE NOTRE CROISIÈRE : 1. Rendez-vous à Québec 2. Dans le fjord de Saguenay 3. Aux Sept-Îles chez les Innus 4. À Gaspé dans le sillage de Jacques Cartier

5. Les îles de la Madeleine, où ça ? 6. Face à Saint-Pierre-et-Miquelon