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Dans leurs œuvres ces artistes et collectifs recourent à des situations théâtrales scéniques. Certaines des vidéos citent explicitement le théâtre ou intègrent la danse, d'autres
partent de "performances trouvées". Des dispositifs dramatiques activent la réflexion formelle qui caractérise toutes ces œuvres produites entre 2003 et 2010. Si les années 90 ont
célébré la liberté retrouvée (du moins, en apparence), par une expression violente et des performances radicales, de nombreux artistes utilisent aujourd’hui d’autres stratégies, incorporant
souvent des références aux événements et aux styles du passé soviétique. Filmées dans un contexte proche du documentaire, des performances accidentelles sont (re)cadrées, par Olga
Chernysheva. Son travail vidéo réflexif et poétique, évoque souvent des scènes de genre. L’artiste utilise l’imagerie archétypale et les canons visuels soviétiques des performances
collectives, telles que les manifestations et les célébrations publiques populaires. Mais sa caméra s’intéresse aux échecs des artifices d’aujourd’hui, révélant les mutations de l’ordre
symbolique tant ancien que nouveau. Dans les films de Victor Alimpiev, la tension évolue entre le titre et la visualité rigoureusement construite, toujours dirigée méticuleusement, et basée
sur le travail de danseurs/performeurs professionnels. Portant des allusions subtiles a une iconographie classique, des titres comme Fouler la glèbe, ou Faible Front Rouge sont traduits
dans des mouvements collectifs dramatisés. En interaction permanente avec la caméra, le geste le plus léger des performeurs résulte d’une tension constante et persistante de collaboration et
de coordination. Le collectif FFC met en scène des rencontres improbables et des dialogues impossibles, entre des danseurs de ballet et des chômeurs, ou entre deux générations débattant de
l’usage de l’héritage communiste. Très souvent, leurs vidéos débutent par des workshops au cours desquels les participants deviennent « acteurs ». Mises en scène pour la caméra, ces formes
permettent au groupe d’enquêter sur la résonance actuelle des mythes soviétiques. Le collectif Chto Delat crée également pour la caméra, des pièces de théâtre soulignant ainsi l’artifice de
leur production. Leurs vidéos suivent assez fidèlement la conception brechtienne du « théâtre épique» : la caméra n’autorise aucune illusion, montrant les détails de construction des décors.
Le choix de cette esthétique est dicté par la position artistique du groupe : dans leurs interprétations, les événements du passé ou du présent qu’ils évoquent ne sont ni des drames ni des
tragédies mais plutôt des Lehrstucke, pièces didactiques dont on attend un bénéfice pour le spectateur. Plutôt que d’aborder un thème particulier, l’exposition explore des pistes de
réflexion. Elle met, d’une part, en relief la conscience engagée des artistes à l’égard de traits spécifiques de l’histoire soviétique, explorant ses conflits et ses correspondances (récits,
films et images caractéristiques de la culture de l’URSS). Le spectateur est ainsi invité à éprouver des événements du passé comme s’il s’agissait d’expériences nouvelles. Le projet révèle,
d’autre part, la fascination actuelle pour le pouvoir transformateur du théâtre et sa capacité à parler du présent, parfois décrit comme "fiction du présent" ou "artifice du
présent". L'accrochage de États de l'Artifice évoluera au cours de l'exposition, en suivant une temporalité choisie par Elena Sorokina, commissaire invitée et les
artistes.