"en live, c’est aussi le moment où on peut faire vivre les sous-textes": artiste à la voix hors norme, sandra nkaké en concert à nice jeudi

"en live, c’est aussi le moment où on peut faire vivre les sous-textes": artiste à la voix hors norme, sandra nkaké en concert à nice jeudi

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Son quatrième album solo, rangé dans sa discographie en compagnie d’une douzaine d’autres disques où elle apparaît avec les Troublemakers, le Varois Stéphane Belmondo ou encore Grand Corps


Malade, se nomme "Scars". Soit "Cicatrices" en français. À 50 ans, la Franco-Camerounaise a la peau marquée. Par des histoires de déracinement, de violences familiales,


d’inceste aussi, comme elle a fini par le confier il y a deux ans. Et puis quand on est une femme, noire, portant des combats anticapitalistes, féministes et qu’on affiche son soutien à SOS


Méditerranée, on prend forcément quelques coups en plus. À travers sa musique, publiée sur le label indépendant et associatif Riot, créé en 2016 avec Jî Drû, flûtiste avec qui elle partage


la scène et sa vie, l’autrice-compositrice-interprète panse ses plaies, fait naître d’autres perspectives, d’autres émotions. En concert, sa puissance et son sens du partage jaillissent


encore plus fort. Il y a du jazz dans l’air, et peut-être plus encore d’accents soul ou rock. Et, malgré les cicatrices, une forme de joie intense qui nous embarque. On pourra en profiter le


19 décembre à Nice, pour la dernière date de l’année au Stockfish. Ou en visionnant, sur Arte TV, la captation de sa performance à Jazz à Porquerolles en juillet dernier, pour Arte Concert


(1). COMMENT TRANSFIGUREZ-VOUS VOS MORCEAUX POUR LE LIVE? Sur scène, on voit l’interaction entre les musiciens et les musiciennes. Nous, on s’aime, on est tellement heureux d’être ensemble.


Ça transpire et ça fait tellement du bien! Il y a aussi quelque chose d’une énergie un peu plus rock. Et puis le live, c’est aussi le moment où on peut faire vivre les sous-textes, préciser


des propos sur la sororité, le féminisme, l’écologie ou la lutte antilibérale. CELA SEMBLE SORTIR DU CADRE DES PERFORMANCES AUXQUELLES ON PEUT ASSISTER DANS DES FESTIVALS, DE JAZZ


NOTAMMENT... Ce qui m’importe, c’est que les choses soient incarnées, que ce soit vibrant. J’ai fait de la musique qui me ressemble, mais j’espère ne pas avoir une posture intellectualiste,


ou donneuse de leçons. J’ai envie que ça aille directement aux gens. Je veux aussi valoriser la douceur, la lenteur, la fragilité. Ainsi que les ressources que l’on peut trouver dans


l’amitié et l’amour. DE QUELLE MANIÈRE OBSERVEZ-VOUS LES DOUZE ANS QUI ONT SÉPARÉ VOTRE VICTOIRE DU JAZZ DANS LA CATÉGORIE ‘‘RÉVÉLATION’’ ET CELLE OBTENUE RÉCEMMENT DANS LA CATÉGORIE


‘‘ARTISTE VOCALE DE L’ANNÉE’’? Durant ces douze ans, j’ai sorti deux disques sous mon nom, on a construit un label, on a produit deux disques de Jî Drû et celui d’une formation qui s’appelle


Tribe From The Ashes. À chaque fois, il y a eu une tournée d’un an, voire deux. Pendant le Covid, on a même monté le trio Elles avec Jî Drû et Paul Colomb. Donc en douze ans, j’ai appris


plein de choses sur la production et la réalisation. Le fait d’avoir appris à jouer de la guitare m’a aussi ouvert d’autres chemins d’écriture et de composition. Plus ça va, plus j’ai envie,


plus j’ai besoin d’investir l’espace et mon corps différemment. J’ai l’impression d’être au début de mon geste. Même si on me disait que j’étais sans doute trop vieille quand j’ai commencé,


à 33 ans. POURQUOI CHANTER EN ANGLAIS ÉTAIT BIEN PLUS SIMPLE POUR VOUS QU’EN FRANÇAIS JUSQU’ALORS? Jusqu’à présent, j’avais une grande facilité à chanter les textes en français écrits par


d’autres. Mais les miens, j’avais du mal à les partager avec le monde. Il m’a fallu du temps pour comprendre pourquoi. C’est parce qu’en fait, ils étaient vraiment directement liés aux


traumas. Et moi, je n’ai pas envie de provoquer de la douleur quand je chante. L’écriture de ‘‘Scars’’ m’a permis de guérir beaucoup de blessures et d’entamer ce chemin de partage. ÉTAIT-CE


LE BON MOMENT POUR TOURNER LE CLIP DE ‘‘TERRE ROUGE’’ DANS LE VILLAGE DE VOTRE GRAND-PÈRE AU CAMEROUN? Sans doute, parce que sur cet album, j’évoque les ressources qui m’ont permis d’aller


mieux. Ce pays qui m’a vu naître et grandir, mais que j’ai dû quitter de manière précipitée et assez violente, en fait partie. Retourner à l’endroit où tout a commencé, franchement, c’était


tellurique. Je suis née à Yaoundé, je n’étais jamais allée à Fiko. J’ai été accueillie comme si j’avais toujours été là. C’est extraordinaire de se sentir autant chez soi dans un endroit


qu’on ne connaît pas. Et puis une tante m’a appris une chose que j’ignorais: mon grand-père, qui est décédé depuis longtemps, rêvait que je devienne chanteuse de jazz. Il ne me l’avait


jamais dit. 1. Vidéo du concert de Sandra Nkaké à Porquerolles sur www.arte.tv, rubrique Arte Concert, Jazz. > En live jeudi 19 décembre, à 20h au Stockfish à Nice. De 25,85 à 28,85


euros. Rens. stockfish.nice.fr QUAND ELLE OUVRAIT POUR AL JARREAU À NICE "Une voix et quelle voix ! Sandra Nkaké a hypnotisé son public. L'artiste a assuré au Palais Nikaïa, en


première partie du concert d'Al Jarreau. On a aimé: sa version soul de ‘’La Mauvaise Réputation’’ de Brassens, sa présence et son humour. Une véritable révélation qu'on a envie de


revoir, très vite, sur une scène azuréenne." Voilà ce qu’écrivait Nice-Matin au sujet de la performance de la chanteuse en avril 2009. Un vœu exaucé rapidement, puisque la chanteuse


s’était produite l’année suivante aux Nuits Carrées d’Antibes. Sandra Nkaké garde un excellent souvenir de cette ouverture pour l’Américain disparu en 2017, malgré quelques péripéties. «


C’était ma première tournée, j’étais seule et j’avais oublié mon looper [un outil qui permet de créer des boucles instrumentales ou vocales, pour les superposer, ndlr]. J’avais dû faire un


aller-retour express pour le récupérer, c’était ubuesque. Je suis arrivée super stressée, Al Jarreau et son équipe avaient été d’une bienveillance et d’une gentillesse incroyables. Ils


avaient écouté tout mon concert et ils étaient venus discuter avec moi après. Des moments comme ça, vous font encore plus aimer le live. »