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L'Ukraine a revendiqué, tout au long du week-end, de nouveaux succès militaires dans les parties orientale et méridionale de son territoire. Dernière succès en date? L'annonce, par
le président ukrainien Volodymyr Zelensky, de la libération de la ville stratégique d'Izioum. Quelques heures plus tôt, Kiev reprenait Balaklia, 27.000 habitants, après d'intenses
combats. Une contre-offensive presque éclair dans le nord-est de l'Ukraine, qui a permis aux forces ukrainiennes de reprendre plus de 3.000 km². _"En trois jours, ils ont repris
trois fois plus que ce que les russes ont conquis en trois mois"_, résume Michel Goya, _"surpris"_ par la rapidité d'action et _"la réussite presque
inattendue"_ de cette offensive dans le nord-est. Même si, comme le souligne cet ancien colonel désormais historien militaire, plusieurs signaux étaient en faveur de l'Ukraine.
_"On s'apercevait que les Russes n'étaient plus capables de mener les opérations qu'ils faisaient jusqu'à présent"_, explique celui qui est à l'origine
depuis dix ans de nombreuses analyses de conflits. _"On fait face à un croisement de courbes."_ Il met en avant cette affaiblissement des forces russes et l'accroissement des
capacités ukrainiennes dans les raisons du succès de cette contre-offensive. UN PROBLÈME HUMAIN CÔTÉ RUSSE Pour lui, le problème côté russe est humain. _"C'était les mêmes unités
qui se retrouvaient à l'attaque. Elles ont été remplacées par des recrues récupérées un peu partout, insuffisamment formées et pas forcément motivées"._ En face, l'armée
ukrainienne,_ "qui a beaucoup souffert au début"_, est montée en puissance. _"Ils ont mobilisé une nation et ils en récoltent les fruits, avec ces milliers d'hommes
formés qui viennent renforcer les unités. Jusqu'à présent, ils étaient dans une phase défensive, avec de la réussite comme lors de la bataille de Kiev. Ils ont été capables de mener des
raids, comme sur l'île aux serpents."_ _"Là, pour la première fois de ce conflit, l'initiative à bascule côté ukrainien, par ces manœuvres stratégiques, médiatiques et
militaires"_, poursuit Cédric Mas. DES TIRS LONGUE DISTANCE DÉTERMINANTS Lui aussi historien militaire, il souligne un autre point. Matériel celui-là. _"Les frappes à longue
distance avec les lance-roquettes américains Himars ont été un vrai tournant. Les Ukrainiens ont commencé à mettre sous tension l'ensemble des dispositifs militaires russes."_ Et
pour cause. Comme le détaille Michel Goya, à l'instar des autres livraisons de canons allemands ou des Caesar français, ces pièces d'artillerie modernes sont facilement mobiles,
_"ce qui est bien pour mener plusieurs opérations en même temps"._ Surtout, elles permettent de tirer loin et précisément. _"À titre d'exemple, si vous dessinez un cercle
de 5 mètres à une distance de 80 km, vous savez qu'au moins une roquette de Himars pourra l'attendre"_. De quoi détruire des dépôts de munitions, des postes de commandement,
de frapper des ponts et autres cibles précises. Des tirs qui ont contribué à enrayer la machine de guerre russe. LE RENSEIGNEMENT COMME ARME STRATÉGIQUE Pour eux deux, enfin, le
renseignement côté ukrainien s'est révélé fondamental quand celui des Russes a dévoilé ses failles. Si cette opération dans le nord-est a réussi, c'est car ils savaient qu'il
y avait un front faible assurent-ils. "_Ce qui est extraordinaire, c’est que les Russes n’ont pas décelé cette offensive de plus de 20.000 hommes, avec ces véhicules, etc. Normalement
cela se voit"._ Il abonde_: "Les Russes ne cessent de nous étonner par leur naïveté, leur négligence, leur problèmes d’appréciation de la situation"._ L'INITIATIVE
UKRAINIENNE PEUT-ELLE PERDURER? Alors se pose cette question, jusqu'où peut aller l'Ukraine? _"Comme en politique, les courbes se croisent rarement deux fois"_, illustre
Michel Goya. _"Quand l’initiative passe à l’adversaire, il la garde. Il faudrait que l’armée russe se transforme radicalement pour pouvoir arrêter cette nouvelle armée ukrainienne à
l’offensive." _ Mais il s'avoue sceptique sur ce point. _"Si les Ukrainiens ont la capacité d’exploiter cette attaque ou de renouveler des attaques à 20.000 hommes
régulièrement, cela va être très dur pour les Russes." _ _"Autant on a crié trop vite à l’enlisement du conflit, autant on crie trop vite à la fin de la guerre"_, tempère
Cédric Mas._ "Le commandement russe est encore à l’œuvre. I__ls ont abandonné Izioum mais ils ont sauvé des unités."_