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À l’heure où il est de bon ton – en politique – de repeindre sa porte en vert, un anniversaire mérite d’être célébré. Les cinquante ans du "Message de Menton", sorte de manifeste
écologiste remis aux mains du secrétaire général des Nations Unies, U Thant, le 11 mai 1971. Après avoir été signé par 2.200 scientifiques de renommée mondiale. Pourquoi Menton? Pour la
simple raison qu’une partie des protagonistes s’est réunie dans la ville frontalière, un an auparavant, pour poser les jalons d’une mobilisation en faveur de l’environnement. C’est à
l’invitation d’une association religieuse et non-violente, le "Fellowship of reconciliation" (Mouvement international de la réconciliation), que le rendez-vous est organisé. Plus
précisément par une émanation de ce dernier, l’organisation non gouvernementale "Daï Dong" – grande unité, en vietnamien. SCIENTIFIQUES ET PACIFISTES MAIN DANS LA MAIN Le militant
contre la guerre Alfred Hassler, le moine bouddhiste Thich Nhât Hanh, la moniale (également bouddhiste) Chân Không, ainsi qu’une demi-douzaine de scientifiques répondent présent. C’est là,
aux confins de la France, que les pionniers rédigent ainsi ce qui deviendra le "Message de Menton". Il faudra néanmoins attendre un an pour que ce dernier, adressé aux _"trois
milliards et demi d’habitants de la planète Terre",_ et signé par des scientifiques de 23 pays différents, soit publié dans le _Courrier de l’Unesco_. Pour mettre en garde contre
_"le danger sans précédent"_ qui menace l’humanité. À une époque où il est encore peu question d’écologie, les liens entre la guerre, la destruction de l’environnement et la
pauvreté sont clairement établis. Le concept de vivre et d’agir au quotidien en pensant aux générations futures émerge également. Comment des personnalités aussi étonnantes ont-elles pu se
réunir autour d’un même combat? Pour le comprendre, il faut se replonger dans le contexte. En 1970-1971, la guerre du Vietnam n’est pas terminée. Les paysages, en revanche, ont été
totalement détruits par l’armée américaine – victorieuse, mais à quel prix? Dans leur message, les scientifiques et pacifistes font trois grands constats: les technologies bouleversent les
équilibres de la vie biologique. Les ressources naturelles s’épuisent peu à peu, et d’autant plus avec l’essor de l’industrie. La croissance démographique induit un cruel manque d’espace.
Refusant la fatalité, les signataires émettent des suggestions pour ralentir la catastrophe annoncée: _"différer l’application des innovations technologiques dont nous ne sommes pas en
mesure de prévoir les effets"_, _"appliquer les techniques existantes de contrôle de la pollution à la production d’énergie et à l’industrie en général"_, _"trouver un
moyen d’abolir la guerre"_. Ils souhaitent notamment que les sommes astronomiques dépensées pour l’armement ou la conquête spatiale soient réorientées en faveur de la recherche pour la
survie de l’humanité. _"C’est avec une profonde gratitude que j’accepte ce document, connu comme la déclaration de Menton. Votre message urgent à tous les habitants de notre petite
planète Terre doit être entendu - et entériné - sans tarder (...) Les scientifiques ont émis un grave avertissement: notre monde peut être irrémédiablement endommagé, à moins qu’un effort
mondial concerté ne soit fait pour préserver l’intégrité de l’environnement humain. Il est important que cet effort soit fait simultanément au niveau individuel, national et
international"_, leur répond le patron de l’ONU. Cinquante ans après, le message reste étonnamment d’actualité. Preuve que ses signataires étaient très en avance sur leur temps, ou que
les décideurs tardent à agir concrètement sur le plan de l’environnement.