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L'athlète française de confession musulmane est devenue l'année dernière, à 43 ans, championne nationale amateurs dans sa catégorie, pour la plus grande fierté de ses quatre
enfants. Cette mère célibataire a découvert l'haltérophilie sur le tard, à 40 ans, et en a fait sa passion. Mais ELLE CRAINT DÉSORMAIS DE NE PLUS POUVOIR CONCOURIR, alors qu'une
proposition de loi interdisant dans le sport les signes religieux, dont le voile islamique, doit être examinée à l'Assemblée nationale, après avoir été votée en février au Sénat. La
France est en pleine réflexion sur la place et l'organisation de l'islam, alors que LA POPULATION DE CONFESSION OU DE TRADITION MUSULMANE SUR SON TERRITOIRE MÉTROPOLITAIN A TRÈS
FORTEMENT AUGMENTÉ DEPUIS L'APRÈS-GUERRE, pour atteindre près de 9% DE LA POPULATION. C'est un sujet de crispation pour la société française, régulièrement alimenté par des cas
concrets comme le port du voile intégral, les créneaux réservés aux femmes dans certaines piscines ou la remise en cause de certains programmes scolaires. _"On a l'impression
vraiment qu’on veut nous restreindre à chaque fois un peu plus dans nos libertés"_, soupire Sylvie Eberena, convertie à l'islam à 19 ans. _"Tout ce qu'on veut, c'est
faire du sport"_, ajoute celle qui s'entraîne cinq jours par semaine. ATTENTATS SANGLANTS LA LAÏCITÉ EST UN DES PILIERS DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE, OÙ L'EGLISE ET L'ETAT
SONT SÉPARÉS DEPUIS 1905. En application de ce concept, souvent mal compris à l'étranger, tout signe religieux ostentatoire est interdit pour les fonctionnaires de l'Etat et à
l'école, pour les élèves également. Sont visés notamment les croix chrétiennes, les kippas juives, les turbans sikhs et le voile islamique. Mais c'est ce dernier qui cristallise
les débats, dans un pays angoissé par le "séparatisme islamiste", qui aspirerait à construire une contre-société, et frappé à plusieurs reprises par de sanglants attentats
jihadistes. Dans le sport jusqu'à présent, il revenait aux différentes fédérations de décider si le voile est ou non autorisé. Le texte proposé par le parti Les Républicains (droite)
l'interdirait désormais pendant les compétitions, y compris de sport amateur. SELON UN SONDAGE DE L'INSTITUT CSA PUBLIÉ MI-MARS, 73% DES FRANÇAIS SONT FAVORABLES À CETTE MESURE.
Ses partisans mettent en avant une incitation à la laïcité et une lutte contre le prosélytisme et l'extrémisme. Ses détracteurs jugent qu'il vise à discriminer les musulmans.
"SYMBOLE DE SOUMISSION" Le texte a semé la cacophonie au sein du gouvernement, conduisant le Premier ministre François Bayrou à réunir plusieurs ministres mi-mars pour tenter de
mettre fin aux dissonances. Le voile est _"un symbole de la soumission"_, qui n'a _"rien à faire dans les compétitions sportives_", a encore martelé la semaine
dernière le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, issu des Républicains. De son côté, le judoka et quintuple champion olympique Teddy Riner a appelé à
l'_"apaisement"_ sur le sujet, estimant que la France _"perdait son temps"_ sur ces questions et qu'il valait mieux_ "penser égalité"_ plutôt que_
"de s'acharner sur une seule et même religion"._ Actuellement, les fédérations de foot et de basket interdisent déjà en France les symboles religieux. En 2023, le Conseil
d'Etat, la plus haute juridiction administrative, a donné raison à la fédération de football, estimant qu'elle pouvait exiger de ses joueurs une _"obligation de
neutralité"._ A l'inverse, DES EXPERTS DE L'ONU ONT JUGÉ L'ANNÉE DERNIÈRE QUE CES INTERDICTIONS ÉTAIENT _"DISPROPORTIONNÉES ET DISCRIMINATOIRES"_. À VOIR AUSSI
"TRÈS TRISTE" Il est difficile d'estimer combien de femmes seraient concernées par la loi si elle est adoptée. Samia Bouljedri, joueuse de foot de 21 ans d'origine
algérienne, a cessé de jouer pour son club de Moûtiers (est) lorsqu'on lui a demandé de renoncer à son voile. _"On m'a imposé de faire un choix entre ma passion et mes
décisions spirituelles personnelles. Qu'on arrête mon bonheur comme ça juste pour un bout de tissu, j'ai été très triste"_, confie-t-elle. LA LOI DE 1905 SUR LA SÉPARATION DE
L'EGLISE ET DE L'ETAT VISAIT À _"ASSURER LA PROTECTION DE LA LIBERTÉ RELIGIEUSE ET DE CONSCIENCE, ET À PROTÉGER L'ETAT CONTRE DE POTENTIELS ABUS DE LA RELIGION"_,
mais elle a été _"instrumentalisée"_ contre les musulmans, estime la docteure en droit public Rim-Sarah Alouane, chercheuse à l'université Toulouse Capitole. Mais pour le
ministre de la Justice Gérald Darmanin, ne pas défendre la laïcité fait gagner des points à l'extrême droite. Audrey Devaux, basketteuse de 24 ans, a arrêté la compétition après sa
conversion à l'islam. Elle est devenue entraîneuse. Pendant les matchs, elle n'est pas autorisée à être sur le banc avec les joueuses à cause de son foulard et doit crier ses
instructions des gradins. _"J'ai appris à l'école que la laïcité, c'était le vivre ensemble, accepter tout le monde et laisser tout le monde pratiquer sa religion. Pour
moi, ils sont en train d'un peu changer la définition"_, estime-t-elle.