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QUEL BILAN DE CES DERNIERS MOIS DANS LE COMBAT CONTRE L’AUSTÉRITÉ ? La mobilisation du 13 mai appelée par cinq des huit centrales syndicales (CGT, principale organisation représentative dans
la fonction publique, l’Unsa, la FSU, Solidaires et la CFE-CGC) avait comme mots d’ordre l’augmentation des salaires, l’opposition à l’austérité imposée par le gouvernement et la
revendication d’un plan d’embauche pour combler les sous-effectifs. Effectivement, les raisons pour être en colère dans la fonction publique ne manquent pas. Le secteur est touché de plein
fouet ces derniers mois : baisse réelle des salaires à cause de l’inflation et du gel du point d’indice, attaque sur les jours de carence, austérité globale qui détruit les conditions de
travail et aggrave le problème structurel des sous-effectifs dans les services publics. Pourtant, il faut se rendre à l’évidence que la journée du 13 mai a été un échec. En tout, ce sont
près de 3,1 % d’agents qui se sont mis en grève dans la fonction publique d’État et moins de 2 % dans la fonction publique hospitalière et territoriale. Le nombre de manifestants dans les
cortèges s’évalue à quelques centaines dans les plus grandes villes de France. A Toulouse, nous étions près de 90 collègues à être en grève dans les bibliothèques et malheureusement nous
étions l’un des secteurs les plus mobilisés le 13 mai alors que le 5 décembre nous étions plusieurs milliers dans les rues toulousaines. Mais cet appel à la mobilisation raté n’est pas le
premier. L’appel du 3 avril, qui était la dernière date de la Fonction Publique, a aussi été un échec avec des chiffres comparables au 13 mai en terme de grévistes et il n’y avait quasiment
aucune manifestation prévue dans les grandes villes de l’hexagone. Le 13 mai a confirmé un changement de situation par rapport à la dynamique du mois de décembre. Coupes budgétaires dans les
ministères relevant du public, coupe de cinq milliards dans les collectivités territoriales, attaques sur les revenus, trois jours de carence en cas d’arrêt-maladie et baisse de
l’indemnisation maladie à 90% du traitement : les offensives prévues par le gouvernement Barnier avaient permis de faire faire coaguler la colère dans des secteurs très larges de la fonction
publique, suscitant un sursaut de combativité. Sur cette base, la mobilisation du 5 décembre a été l’une des plus grosses dates du secteur public avec plus de 200 000 manifestants dans les
rues. L’éducation était particulièrement mobilisée avec des niveaux de grévistes équivalent à ceux des mobilisations contre la réforme des retraites en 2023. A l’échelle locale, les annonces
austéritaires dans les collectivités territoriales avaient également donné lieu à de premières grèves importantes. C’était par exemple plusieurs milliers de travailleurs du Conseil
Départemental qui avaient lancé une mobilisation fin novembre ou encore à Nantes, ou le secteur culturel a été fortement mobilisé. DU 5 DÉCEMBRE À LA CELLULE DE CRISE AVEC LE GOUVERNEMENT
Mais que s’est-il passé ensuite ? Le gouvernement Barnier est tombé et au nom de la « stabilité du pays », aucun plan de bataille n’a été donné par les directions de nos syndicats alors que
c’était justement à ce moment-là, en plein approfondissement de la crise politique, que nous aurions pu non seulement faire reculer les attaques mais aussi obtenir des victoires. Car dans la
foulée, le gouvernement Bayrou qui a pris la relève n’a pas attendu pour attaquer les budgets des services publics, les collectivités et nos conditions de travail. Aucune perspective n’as
été donnée malgré la colère des travailleurs du public et la situation de casse sociale massive que connaissent certains secteurs du privé avec une vague de plan de licenciements qui s’est
accélérée à l’autonome. Au fil de mois, pour les directions syndicales c’est la poursuite du dialogue social qui a primé. Dans un premier temps, les directions syndicales ont joué la caution
de gauche du gouvernement Bayrou en participant à la mascarade du « conclave » sur les retraites, permettant ainsi à un gouvernement très fragile de se maintenir et de passer ses offensives
anti-sociales. Malgré l’échec du « conclave », la direction de la CGT a continué dans la voie du « dialogue social » en mettant récemment en place une « cellule de crise » avec le
gouvernement et le patronat pour suivre « la situation avec des réunions hebdomadaires à Bercy pour faire le point » sur la guerre commerciale entamée par Trump. La direction de la CGT se
propose de participer à la guerre commerciale en défendant un programme ouvertement protectionniste aux côtés des mêmes qui licencient en masse et qui appliquent une austérité brutale. De
l’autre côté, elle lance des appels à des dates de mobilisations nationales isolées à l’image de celle du 13 mai contre l’austérité ou pour les retraites le 5 juin, sans chercher à
construire un rapport de force sérieux par une construction à la base de ces mobilisations. La dimension « symbolique » de ces appels sans lendemain et le fait que les directions syndicales
se donnent comme centre de gravité « le dialogue social », permet de comprendre les échecs de ces mobilisations et d’en tirer les bilans. A notre échelle, dans les bibliothèques de Toulouse,
c’est le 5 décembre que nous avons commencé notre mobilisation qui dure maintenant depuis près de six mois. A notre niveau, nous essayons de fédérer l’ensemble des secteurs touchés par
l’austérité, notamment ceux qui subissent les coupes budgétaires annoncées par la collectivité toulousaine de la mairie ou du département. C’est à partir de février qu’on a réussi à lancer
une réelle dynamique de convergence sur la ville avec des secteurs du public au social en passant par la culture. Nous avons crée une dynamique unitaire autour de revendications communes
comme le refus des baisses de budgets et la demande de titularisation de tous les contractuels. La grève du 27 mars a été une démonstration de cela où nous étions plus de 1 000 personnes à
nous rassembler devant la mairie lors du conseil municipal, montrant qu’il est possible de faire converger différents secteurs autour de revendications communes. IL NOUS FAUT ROMPRE AVEC LE
DIALOGUE SOCIAL ET PRÉPARER LA RIPOSTE ! Cependant, c’est bien au niveau national que nous avons besoin d’un plan de bataille sérieux à l’heure où les attaques s’annoncent particulièrement
brutales. Le budget 2026 montre que pour financer le tournant guerrier du gouvernement, ce sont les services publics qui seront sacrifiés avec des coupes budgétaires et des suppressions qui
s’annoncent massives autant dans les ministères que dans les collectivités locales. A cela, va s’ajouter la mise au pas des travailleurs du public notamment dans l’éducation pour aligner
l’institution au service de l’idéologie qu’accompagne le tournant guerrier. La proposition de notre ministre de la Fonction Publique de favoriser le fait que les fonctionnaires deviennent
plus facilement réservistes pour les centres pénitentiaires ou dans l’armée donne le ton. Dans le même temps, la situation est marquée par une accélération de la casse sociale dans le
secteur privé, où les plans de licenciements continuent pour le profit des grands patrons. Face à ce qui nous attend, nous ne pouvons plus continuer à discuter avec ceux qui attaquent nos
services publics et nos emplois, tout en préparant de nouvelles offensives encore plus importante. Nous devons quitter les cadres de « dialogue social » avec le gouvernement et le patronat
pour commencer à préparer une réelle riposte autour de revendications et d’un plan de bataille qui donne aux travailleurs l’envie de se battre. Pour cela, il faut se doter d’un programme qui
répond aux problématiques des travailleurs. Il faut défendre l’augmentation générale des salaires de 400 euros et l’indexation immédiate de tous les salaires sur l’inflation, dans le public
comme le privé. Cela doit aller de pair avec l’arrêt de l’austérité et un investissement massif dans les services publics qui permettent un plan d’embauche qui corresponde aux réels besoins
des différents secteurs du public, à commencer par la titularisation de tous les travailleurs précaires. Ces mesures sont nécessaires pour combattre à la fois la question des sous-effectifs
qui détruisent nos services et nos conditions de travail mais aussi la précarisation du secteur public avec la contractualisation massive opérée par Macron depuis des années. Cependant, ces
mesures doivent nécessairement se coupler avec des mesures politiques qui touchent à la gestion elle-même des services publics. A l’heure de l’austérité et du retour du spectre de la
guerre, les services publics auront un rôle majeur pour le gouvernement autant sur le volet économique qu’idéologique. Si nous voulons vraiment avoir des services publics de qualité qui
répondent aux besoins de la population et non pas ceux du gouvernement, il faut défendre des services publics sous contrôle des travailleurs en lien avec les usagers. Ce programme doit se
combiner à un véritable plan de bataille. Il faut en finir avec les journées de grève isolées des derniers mois. Ces mobilisations symboliques sans lendemain ont montré leur inutilité et
peuvent même générer de la démoralisation chez les travailleurs. A l’inverse, il faut se fixer une date de départ en grève commune et la préparer sérieusement en amont dans tous les secteurs
par des discussions en assemblée générale afin de convaincre en profondeur nos collègues. Par cette méthode, nous pourrons poser les bases d’une mobilisation qui mobilise massivement et
s’ancre dans la durée. C’est seulement par ce travail préparatoire à la base que nous pourrons construire un rapport de force dès la rentrée capable de faire reculer Macron, Bayrou, leurs
projets réactionnaires ainsi que l’austérité et défendre nos services publics.