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Plusieurs générations d’étudiants gardent un souvenir tenace des actions répressives du Président de l’Université de Bretagne Occidentale (UBO). Pascal Olivard a en effet occupé ce poste
durant deux mandats, de 2007 à 2016, puis à nouveau depuis 2023. Très investi dans l’univers entrepreneurial, celui qui fut membre du Conseil économique, social et environnemental régional
de Bretagne œuvre avec diligence pour mettre les enseignements au service du patronat local et diriger les facs comme des entreprises. Homme aux ambitions multiples, ce centriste revendiqué
a brigué sans succès le mandat de maire de Brest en 2020. DEPUIS 2007, OLIVARD MÈNE UNE RÉPRESSION SYSTÉMATIQUE DES ÉTUDIANTS BRESTOIS Fin 2007 puis début 2009, étudiants et enseignants
chercheurs se sont mobilisés massivement à travers le pays contre la loi LRU (relative aux libertés et responsabilités des universités), dite « loi Pécresse » qui mettait en concurrence les
universités et renforçait la présence des entreprises dans les Conseils d’Administration. A Brest, les étudiants durent batailler contre les méthodes autoritaires du tout récent chef de
l’UBO, Pascal Olivard, soutien de la loi. Tout comme il l’était précédemment avec la néolibérale réforme LMD (licence-master-doctorat) de 2001 destinée à harmoniser les diplômes au niveau
européen. Alors directeur de l’UFR Sciences et Techniques brestois, il narguait déjà ceux qui contestaient : _« Mais, sérieusement, à quoi, ça vous sert, aujourd’hui, un Deug ou une maîtrise
? »_. De la même manière, en 2006, lors du grand mouvement contre le CPE, il se montra inflexible face aux étudiants venus négocier des aménagements afin de pouvoir se mobiliser : _« J’ai
été très clair avec mes étudiants. Dans l’immédiat, il est hors de question de décaler les cours. Je comprends leurs inquiétudes mais c’est leur décision, c’est à eux de prendre leur
responsabilité. »_ Depuis près de vingt-cinq ans, Pascal Olivard a été le fidèle et zélé accompagnateur de toutes les lois destinées à saccager les universités en détricotant les avancées
obtenues par les étudiants en mai 68. Comme nous l’expliquions dans un article analysant ce pernicieux processus, c’est la progressive application de la stratégie de Lisbonne de 2000, dont
l’objectif est de subordonner l’éducation à l’Europe économique, qui soumet l’Enseignement Supérieur et la Recherche aux besoins du marché, provoque le désengagement progressif de l’État et
tente d’asphyxier les ardeurs revendicatives du sujet étudiant en le transformant en _« consommateur de compétences asservi au marché du travail »_. La transformation en Établissement Public
Expérimental (EPE) de l’UBO actée début 2025, ardemment menée par Pascal Olivard, a été le point culminant de sa carrière au service d’une université soumise aux besoins économiques des
entreprises. LE COMBAT CONTRE LA LOI LRU Mi-novembre 2007, les étudiants brestois entament leur mobilisation par un blocus filtrant décidé en assemblée générale et se heurtent d’emblée à
Pascal Olivard et ses propos hallucinants : _« Il ne faut pas que ce blocage dure. Quand les cheminots font grève, ils ne bloquent pas leur gare »_. En cet automne 2007, les travailleurs de
la SNCF, de la RATP et EDF-GDF se mobilisent contre la réforme des régimes spéciaux de retraite décidée par Nicolas Sarkozy. Malgré des grèves massives, illimitées et reconductibles, les
syndicats, à l’exception de SUD-Rail, capitulent rapidement et le passage à 40 ans de cotisations au lieu de 37,5 a lieu. Plusieurs étudiants brestois manifestent leur solidarité envers les
cheminots en lutte en défilant avec eux. Le président de l’UBO, quant à lui, ferme administrativement la faculté Segalen pour 48 h, méthode autoritaire destinée à entraver le blocus. Afin
d’éviter la propagation de la mobilisation, il intervient dans une AG pour défendre la LRU face aux étudiants en droit : _« Il n’est pas sale de récupérer de l’argent du privé »_, _« S’il y
avait un réel désengagement de l’État, je descendrais avec vous dans la rue »_. Des propos qui ne manquent pas de sel puisque 18 ans plus tard, quand le « désengagement de l’État » se fait
plus que ressentir, bien loin de battre le pavé avec les étudiants qui se mobilisent contre l’austérité dans les facs, Olivard envoie les CRS pour les mater. Début 2009, le mouvement reprend
suite à un projet de décret, dans la continuité de la loi LRU, destiné à modifier le statut des enseignants-chercheurs et à concentrer encore davantage le pouvoir dans les mains du
président d’université. Celui de Brest tente d’emblée d’étouffer toute velléité de contestation par une coercition financière. Par une note de service, il menace : _« toute absence en cours,
en jury ou retard dans le rendu des notes non justifiés seront considérés comme des actes de grève, et donc retenus sur [les] salaires »_. En février, il justifie son refus d’aller
expliquer ses positions face aux étudiants et enseignants manifestant devant la Présidence par un cinglant _« Vous n’êtes pas un tribunal »_. En mars, il provoque l’ire des instances de
direction en invalidant la possibilité d’un vote destiné à définir le positionnement de l’UBO au sujet des réformes. Les syndicats enseignants et étudiants fustigent ce déni de démocratie
permis par la loi LRU : _« Ce diktat est une véritable provocation »_, _« C’est un coup de poignard dans le dos ! »_. Mars 2009 sera le mois d’une grande ébullition contestataire à la fac :
AG, grève, blocages, occupations, diffusions de films, théâtre, commissions organisationnelles, débats, repas, écriture d’un _« journal du comité de grève étudiant de Brest »_.
L’effervescence entraîne l’élargissement et la radicalisation du discours politique, et le débordement de la sphère universitaire. À l’occasion de l’inauguration de la conférence des
présidents d’université (CPU), les étudiants expriment leur mécontentement, provoquant son annulation malgré l’envoi des CRS. Le lendemain, environ deux cents étudiants perturbent la CPU à
la faculté de médecine. Pascal Olivard tente un _« Laissez les présidents travailler »_ mais ils doivent abandonner les lieux et poursuivre leur colloque dans l’enceinte militaire de la
Marine nationale. Les méthodes de répression utilisées à l’époque par Pascal Olivard donnent une idée très claire de celles qu’il est capable d’utiliser aujourd’hui contre les étudiants
mobilisés pour dénoncer les coupes budgétaires dans l’enseignement supérieur. Après avoir réprimé les mobilisations en 2009 et fait passer l’UBO en un Établissement Public Expérimental, le
président de l’université continue ses attaques pour avancer l’agenda néolibéral du gouvernement. Dans un second article, nous reviendrons sur la conception principielle de l’université
selon Pascal Olivard : une fabrique à salariés, à employés disciplinés. Le volontarisme qu’il déploie pour conclure des partenariats avec les entreprises est, à ce titre, une des clefs de
voûte de sa politique éducative. En toile de fond de son parcours, se dessine également une ambition personnelle, toujours renouvelée, de parvenir à des postes de direction, avec son lot
d’échecs, notamment en politique.