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Un _"lancement parfait"_ et _"une nouvelle ère" _pour l'Europe, se félicite-t-on chez Arianespace. La fusée Ariane 6 a placé jeudi 6 mars 2025 en orbite un satellite
militaire embarqué pour le compte de la France, un premier vol commercial lourd d'enjeux pour la souveraineté spatiale européenne. La manoeuvre a été effectuée à l'heure prévue,
un peu plus d'une heure après le décollage réalisé depuis Kourou, en Guyane française. Après avoir vu son départ plusieurs fois repoussé, dont lundi au dernier moment, le lanceur
s'est élancé à 13h24 heure locale (16H24 GMT), sous une météo pluvieuse, avec à son bord le satellite d’observation de la Terre CSO-3. Ariane 6 a disparu dans les nuages quelques
secondes après. Le public d'officiels venus assister en direct à l'envol était bien plus clairsemé que lors de la dernière tentative, le 3 mars, de nombreuses personnes
n'ayant pu rester en Guyane. Dans la salle Jupiter, les équipes ont retenu leur souffle jusqu'à la mise en orbite. _"On ne pouvait pas rêver un meilleur scénario, ça a été un
lancement parfait"_, a commenté devant la presse David Cavaillolès, président exécutif d'Arianespace. _"On a un nouveau lanceur qui est parfaitement fiable et qui surtout, est
au service des intérêts vitaux de la France et de l'Europe. Donc c'est une nouvelle ère qui s'ouvre pour le spatial français européen"_, a-t-il ajouté. _"Être
souverain dans l'espace, avoir un accès autonome à l'espace, pour moi c'est très simple, ça veut dire qu'on doit être capable d'envoyer où on veut, quand on veut,
les satellites qu'on veut, y compris les satellites militaires les plus sensibles, sans demander l'accord de quelque autre puissance que ce soit, et aujourd'hui, c'est ce
qu'on vient de faire"_, a-t-il encore dit. LA FENÊTRE DE TIR DE CETTE MISSION ÉTAIT À LA SECONDE PRÈS Le lancement avait été avorté lundi, trente minutes avant l'heure
prévue, en raison du dysfonctionnement d'une vanne sur un des tuyaux d'avitaillement. Cette vanne est un _"dispositif lourd" _de 150 kg, avait alors expliqué M.
Cavaillolès. Les tests effectués avant le tir _"montraient qu'on avait un comportement anormal". _Par conséquent, _"la seule bonne décision était d'interrompre la
chronologie jusqu'à permettre de comprendre le dysfonctionnement et le traiter"_. Cette mission, hautement symbolique, vise à sceller la souveraineté retrouvée de l'Europe
spatiale, en plein contexte de rapprochement entre les Etats-Unis et la Russie. Lire aussi_Après le succès d'Ariane 6, "les esprits sont déjà tournés vers le deuxième
lancement"_ Le satellite CSO-3 (pour "composante spatiale optique"), qu'Ariane 6 a placé en orbite à 800 km, doit compléter la mini-constellation de surveillance de la
Terre pour le ministère français de la Défense et améliorer ses capacités de renseignement. Pour cette mission, la fenêtre de tir était à la seconde près, l'armée française souhaitant
une orbite précise pour optimiser la qualité des prises de vues. Initialement prévue en décembre, la mission avait déjà été reportée au 26 février, puis au 3 mars, une pratique courante dans
le secteur spatial. LE SATELLITE CSO-3 ATTENDAIT DEPUIS 2022 D'ÊTRE LANCÉ En Europe, seules la France et l'Italie disposent de satellites militaires, respectivement cinq avec
celui lancé jeudi et deux, alors que les Etats-Unis comme la Chine comptent_ "des centaines"_ de satellites militaires ou civils et militaires, selon Philippe Steininger, auteur du
livre "Révolutions spatiales" et consultant du Cnes, l'agence spatiale française. Lire aussi_Reportage : visite du futur pas de tir d'Ariane 6, un chantier pharaonique
à Kourou_ Le satellite CSO-3 attendait depuis 2022 d'être lancé ; ses deux prédécesseurs, CSO-1 et CSO-2, ont été envoyés en 2018 et 2020 par des vaisseaux russes Soyouz. Après le
dernier vol d'Ariane 5 en 2023, Ariane 6 a décollé pour la première fois en juillet 2024. Les Européens avaient été privés d'accès à l'espace pendant plusieurs mois
puisqu'ils n'utilisent plus de Soyouz depuis l'invasion de l'Ukraine en 2022. L'autre fusée européenne légère, Vega-C, n'a repris les vols qu'en décembre
2024, après avoir été immobilisée pendant deux ans dans la foulée d'un accident ayant entraîné la perte de satellites. Le secteur est aussi bousculé par la montée en puissance de
SpaceX, l'entreprise d'Elon Musk, qui a renforcé son influence en devenant un membre éminent de l'administration de Donald Trump. _"L'Europe doit assurer sa propre
sécurité"_, avait défendu lundi le directeur du transport spatial de l'Agence spatiale européenne, Toni Tolker-Nielsen, en insistant sur la nécessité de viser plus de lancements
annuels avec Ariane 6, jusqu'à 12, contre cinq prévus en 2025.