Play all audios:
Graphique 2 : part des résolutions de Climate Action 100+ soutenues en 2020 (en pourcentage des résolutions pour lesquelles les données sont disponibles) Source : Majority Action, 2020 ;
données Proxy insight 1.2.2. A la différence des Etats-Unis, la France dispose d’un droit des sociétés malthusien En Europe, et notamment, en France, des initiatives existent également mais
le droit des sociétés s’avère bien plus malthusien et accueille difficilement des résolutions d’actionnaires, dont les règles de détention de capital et le formalisme rendent le dépôt
difficile. En 2020, cela n’a pas empêché, en dépit du dépôt par Total d’une résolution sur le climat, de voir une coalition de 11 investisseurs déposer leur propre résolution, plus
exigeante, sur le même thème. La montée des préoccupations écologiques a conduit à la multiplication des actions d’engagement actionnarial, de questions écrites en assemblée générale
d’actionnaires, mais font plus rarement l’objet d’un vote. À la différence de nombreux pays, le dépôt de résolution est rendu difficile en France par l’obligation de détenir 0,5% du capital
de l’entreprise. A titre d’exemple, il faut de l’ordre de 14 millions d’actions de Total pour espérer pouvoir déposer une résolution lors de son assemblée générale. Par ailleurs, déterminer
la recevabilité des résolutions demeure du seul ressort du conseil d’administration, formant ainsi de facto un obstacle supplémentaire pour les investisseurs responsables dans l’exercice de
leur engagement. Au-delà de solutions promues par le Forum pour l’investissement responsable afin de faciliter un actionnariat actif sur les questions de durabilité, comme la possibilité
donnée à une coalition de 100 actionnaires de proposer collectivement des projets de résolutions sur des questions environnementales, sociales ou sociétales en assemblée générale, ou
l’arbitrage par l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) de la recevabilité des résolutions proposées si l’entreprise s’oppose à leur inscription à l’ordre du jour, l’organisation du dialogue
entre investisseurs et entreprises est particulièrement urgent sur les sujets climatiques. 1.2.3. Investisseurs et entreprises gagneraient à l’établissement d’un processus de délibération
transparent sur les risques environnementaux L’instauration d’un « Say on Climate » à ce stade consultatif, donc d’un vote consultatif sur la stratégie climatique des entreprises cotées,
permettrait de créer les conditions d’un dialogue permanent sur les questions environnementales. Cette transparence sur la stratégie assortie d’un vote permettrait de faire de l’alignement
climatique un enjeu de débat et pousserait les entreprises à l’action. Ce vote permettrait aux investisseurs de se prononcer sur la qualité de la stratégie, d’organiser un dialogue
constructif sur ce sujet, d’autant plus facilement qu’il aboutirait à un vote régulier. Le dépôt de résolutions externes n’aurait alors de sens que dans les cas d’échec du dialogue et de
stratégies manifestement insuffisantes. En cas de document insuffisant, les investisseurs pourront exprimer leur mécontentement ou introduire une résolution alternative, mais ils disposent
sans attendre d’un levier pour discuter sereinement avec l’entreprise de son ambition climatique et l’accompagner de manière active dans sa trajectoire. Pour les investisseurs, cette formule
permet également de répondre à leurs propres enjeux climatiques et notamment de pouvoir sélectionner des entreprises qui prennent au sérieux la transition, se dotent d’une stratégie
crédible de transformation et en respectent les jalons annoncés. La perspective de la poursuite d’un vote annuel rend d’ailleurs une stratégie de prise de contrôle défavorable au
verdissement d’autant plus risquée que le sujet sera toujours en débat. Le précédent du « Say on Pay », limité à la question de la rémunération des dirigeants, n’a d’ailleurs pas conduit à
la déstabilisation des entreprises. Lorsque la rémunération de tel mandataire social en départ, après un échec massif de sa stratégie, donne lieu au versement de montants disproportionnés
avec les conséquences sociales de ses mauvais choix, le débat en assemblée générale permet au contraire aux actionnaires d’exprimer les désaccords pour les réduire et reconstituer une
adhésion au projet collectif. C’est la raison pour laquelle le Forum pour l’investissement responsable, à l’instar d’autres comme l’ONG ShareAction, appelle à la systématisation du « Say on
Climate » en France. 2. JURIDIQUEMENT, LE « SAY ON CLIMATE » NE POSE PAS DE DIFFICULTÉ MAJEURE 2.1. LE VOTE CONSULTATIF SUR LA STRATÉGIE CLIMAT N’EST PAS EXPRESSÉMENT PRÉVU PAR LA LOI Le
recours à un vote de l’assemblée générale des actionnaires sur la stratégie « Climat » d’une entreprise cotée soulève un certain nombre d’interrogations juridiques, tenant notamment au
respect de la répartition des pouvoirs entre les différents organes sociaux de la société, qui fait l’objet d’un encadrement spécifique par la loi et d’un contrôle strict des juridictions en
cas d’empiètement. A cet égard, les assemblées générales (ci-après « AG ») des sociétés cotées sont soumises à un encadrement législatif particulier. Sans entrer dans une description
détaillée de l’organisation des AG, nous rappellerons qu’une AG ne peut se réunir que sous la forme ordinaire, extraordinaire ou spéciale, et est appelée à évoquer des « questions », des «
points » ou à se prononcer sur des projets de « résolutions » préalablement inscrits à l’ordre du jour indiqué dans la convocation (sauf en ce qui concerne la révocation des mandataires
sociaux). Une assemblée d’actionnaires ne peut ainsi être valablement réunie sans avoir été préalablement convoquée. En conséquence, les actionnaires de la société ne peuvent, de leur propre
initiative, se réunir valablement en assemblée, quand bien même la réunion serait décidée à l’unanimité des actionnaires. Le droit de convoquer une AG appartient au conseil d’administration
(Article L. 225–103 al. 1 du Code de commerce), dans le cadre d’une décision collégiale ; aucun membre du conseil d’administration, pas même le président, ne possède individuellement le
pouvoir de convoquer l’assemblée. L’ordre du jour est établi par l’auteur de la convocation. Une fois la convocation envoyée, les actionnaires ont la possibilité, sous condition de détention
d’un certain seuil du capital, de requérir l’inscription à l’ordre du jour de points et/ou de projets de résolution (Art. L. 225–105 du Code de commerce), étant précisé que seuls les
projets de résolution feront l’objet d’un vote des actionnaires lors de l’AG. Par ailleurs, le Code de commerce prévoit également la possibilité pour les actionnaires de poser des questions
écrites, sans condition de seuil capitalistique, auxquelles la société devra répondre, dans une certaine mesure et selon des modalités définies au Code de commerce. Dans ce contexte, le Code
de commerce ne prévoit pas le dispositif spécifique d’un vote simplement consultatif, et donc non contraignant, des actionnaires lors d’une AG. En conséquence, la formule du « vote
consultatif » pour le « Say on Climate » n’est à ce jour pas expressément prévue par la loi française encadrant les modalités d’organisation des AG de sociétés cotées. 2.2. CETTE ABSENCE DE
DISPOSITION LÉGISLATIVE NE FAIT PAS OBSTACLE À DES VOTES CONSULTATIFS Toutefois, cette absence de disposition législative ad hoc ne constitue pas un obstacle dirimant de nature à interdire
définitivement la possibilité de procéder à des votes consultatifs. En effet, et sous réserve de respecter l’ordre public sociétaire et le principe de hiérarchie des organes sociaux, la
doctrine considère que la liberté contractuelle devrait permettre l’organisation d’un tel vote consultatif. A cet égard, le précédent du « Say on Pay » ou encore la recommandation AMF de
2015 tendant à l’organisation d’un vote consultatif en AG en cas de projet de cession de plus de 50% des actifs significatifs d’une entreprise cotée confirment sa faisabilité juridique. En
effet, et pour ce qui concerne le « Say on Pay », la France n’a pas modifié son cadre législatif ou réglementaire pour introduire en 2013 un vote consultatif sur ce sujet, mais a fait le
choix d’une méthode régulatoire en révisant le Code de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées, publié conjointement par l’AFEP et le MEDEF. L’introduction d’un système de vote
consultatif des actionnaires sur la rémunération des dirigeants en France résulte donc initialement d’une « autorégulation » par le biais de simples recommandations figurant au Code de
gouvernement susmentionné tel que révisé en juin 2013. Dans ce cadre, était ainsi prévu un vote par les actionnaires en assemblée générale, non obligatoire et simplement consultatif, sur la
rémunération des dirigeants. De nombreuses entreprises ont en conséquence organisé dès 2014 lors de leurs AG, des votes consultatifs non contraignants sur la rémunération de leurs
dirigeants. Toutefois, si les dispositions du Code AFEP-MEDEF sont généralement suivies par les entreprises qui y adhèrent, cette réglementation relève de la « soft law », en reposant sur un
engagement volontaire limité de la part des entreprises concernées, qui peuvent ainsi valablement décider de l’ignorer à l´aide du principe « appliquer ou expliquer », conformément aux
dispositions dudit Code . Le scandale « Renault » a ainsi montré les limites de l’auto-régulation, et le législateur est finalement intervenu pour imposer, via la loi 2016–1691 du 9 décembre
2016, un vote obligatoire et contraignant en AG sur la rémunération des dirigeants, dispositif récemment modifié par l’ordonnance du 27 novembre 2019 transposant en France la Directive
2017/828/UE du 17 mai 2017. Désormais contraignant, le précédent du « Say on Pay » confirme cependant la possibilité juridique d’un vote consultatif en AG, en dehors de toute disposition
législative ad hoc et dans le cadre d’un simple engagement volontaire d’autorégulation. Cette possibilité juridique d’un vote consultatif en AG en dehors de toute disposition législative ad
hoc a été expressément confirmée par l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) en 2015, à l’occasion de sa recommandation 2015–05 sur les cessions d’actifs significatifs . Après avoir relevé
que ce sujet n’était encadré par aucune disposition législative, et que les règles du Code de bonne gouvernance AFEP-MEDEF prévoyaient seulement qu’il est « souhaitable de recueillir l’avis
de l’AG si la cession concerne une part prépondérante des actifs », tout en se satisfaisant d’une simple communication/information sans vote, l’AMF conclut dans sa recommandation précitée
que la consultation de l’assemblée générale des actionnaires devrait prendre la forme d’un vote consultatif sur une résolution présentée au vu d’un rapport du conseil d’administration. A cet
égard, l’étude d’impact de l’AMF ayant précédé cette recommandation met en lumière les avantages d’un vote simplement consultatif, en rappelant notamment qu’il permet en toute hypothèse de
respecter le principe de hiérarchie des organes sociaux, dans la mesure où il n’emporte aucun transfert de compétence d’un organe vers un autre, le vote consultatif n’ayant pas juridiquement
à être suivi d’effet. Ce faisant, l’AMF a confirmé que l’organisation d’un vote consultatif lors d’une AG d’une entreprise cotée est juridiquement possible, quand bien même les textes
législatifs et/ou les réglementations de bonne gouvernance auxquelles les sociétés concernées peuvent adhérer ne le prévoyaient pas expressément. A cet égard, et dans le prolongement de
cette recommandation AMF, le Code AFEP-MEDEF fut modifié pour inclure de manière expresse dans son article 5.4 l’organisation d’un vote consultatif des actionnaires en AG sur la base d’un
rapport présenté par le conseil d’administration. 2.3. POUR SÉCURISER JURIDIQUEMENT LE « SAY ON CLIMATE », PLUSIEURS MODALITÉS SONT POSSIBLES 2.3.1. La sécurité juridique du « Say on Climate
» n’est pas encore absolue En l’espèce, il convient de relever que l’organisation d’un vote consultatif en AG de type « Say on Climate » sur la stratégie Climat des entreprises cotées n’est
prévu expressément ni par le droit des sociétés, ni par le Code AFEP-MEDEF, et n’a à ce jour et à notre connaissance, fait l’objet d’aucune recommandation spécifique de l’AMF. Seul
l’article 4.3 du Code AFEP-MEDEF figurant au sein du chapitre 4 intitulé « Le conseil et la communication avec les actionnaires et les marchés » dispose que : « Le conseil (d’administration)
veille à ce que les actionnaires et les investisseurs reçoivent une information pertinente, équilibrée et pédagogique sur la stratégie, le modèle de développement, la prise en compte des
enjeux extra-financiers significatifs pour la société ainsi que sur ses perspectives à long terme. » Si cet article pourrait être utilement complété afin de prévoir la possibilité d’une
consultation non contraignante des actionnaires lors des AG sur la stratégie « Climat » de l’entreprise, tel n’est cependant pas encore le cas. A ce stade donc, et à la différence des
précédents susmentionnés relatifs au « Say on Pay » et à la cession d’actifs significatifs, aucune disposition légale (Code de commerce), réglementaire (recommandation AMF) ou
d’auto-engagement régulatoire (Code AFEP-MEDEF) n’est de nature à constituer un fondement juridique ad hoc à une décision du conseil d’administration d’organiser un vote consultatif des
actionnaires sur la stratégie « Climat » de l’entreprise lors d’une AG. Si cette situation ne nous semble pas dirimante, pour les raisons rappelées supra tenant à la liberté contractuelle
(sous réserve de respecter l’ordre public sociétaire et le principe de hiérarchie des organes sociaux) mais également au fait qu’il est de l’essence même d’une AG d’être un « moment
privilégié de communication de la société avec ses actionnaires » , il n’en demeure pas moins qu’une décision d’organiser un tel vote consultatif pourrait théoriquement être contestée aux
motifs qu’elle ne reposerait pas sur une base juridique spécifique. Bien que ce risque de contentieux juridique nous semble matériellement extrêmement limité, tant dans son existence que
dans ses conséquences potentielles, il ne peut, intellectuellement, être totalement écarté. Le recours, en l’état actuel du droit, de la réglementation et de l’autorégulation des sociétés
cotées, à un vote consultatif en AG de type « Say on Climate » ne peut donc être considéré comme 100% sécurisé juridiquement. 2.3.2. Toutes les sociétés peuvent sécuriser leur démarche de «
Say on climate » Bien que cette absence de totale sécurité juridique ne puisse à notre sens constituer un obstacle pertinent et légitime pour toute société souhaitant sincèrement consulter
ses actionnaires sur sa stratégie « Climat », il convient de préciser qu’une sécurité juridique absolue pourrait en tout état de cause être obtenue par toute société le souhaitant. A cet
égard, et à défaut de base juridique ad hoc résultant d’une disposition légale, réglementaire ou régulatoire, une société souhaitant organiser, en toute sécurité juridique, un vote
consultatif de ses actionnaires en AG sur sa stratégie « Climat » aurait la possibilité d’engager une modification de ses statuts afin de prévoir dans lesdits statuts un tel vote consultatif
en AG, selon des modalités qu’elle pourra librement définir. Une telle démarche permettrait ainsi de sécuriser juridiquement et légitimer vis-à-vis de ses actionnaires le recours à un vote
consultatif en AG sur la stratégie « Climat » de la société, affichant ainsi l’engagement structurel et permanent de la société pour prendre en considération ces enjeux. A cet égard, il
n’est pas anodin de relever que les sociétés les plus volontaristes en matière d’enjeux extra-financiers ont déjà eu recours à une telle démarche de modification ad hoc de leurs statuts,
pour pérenniser et sécuriser juridiquement l’existence d’un vote consultatif en AG d’actionnaires sur des sujets considérés comme fondamentaux. Ainsi, la société Nestlé S.A. a inscrit dans
ses statuts l’obligation d’organiser un vote consultatif des actionnaires en AG sur le « Rapport de rémunération » présenté par le conseil d’administration. Dans cette perspective, il peut
être considéré qu’un vote consultatif des actionnaires de type « Say on Climate » peut valablement être organisé en France, avec une sécurité juridique suffisante, sans que l’état du droit
français ne puisse être raisonnablement présenté comme un obstacle insurmontable et en dehors du contrôle des sociétés concernées, pour refuser de mettre en œuvre un tel mécanisme. 2.3.3.
Une disposition législative permettrait de déclencher un passage immédiat indispensable A la manière du « Say on Pay », si une disposition législative ne s’avère pas indispensable pour les
entreprises volontaires, le « Say on Climate » se généralisera d’autant plus vite qu’une obligation sera prévue. En attendant cette mesure d’urgence, chaque entreprise peut donc commencer
sans attendre.