L’ouverture à la concurrence des jeux d’argent | terra nova

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L’ouverture à la concurrence des jeux d’argent Par Terra Nova le 5 mai 2008 _ Le gouvernement s’apprête à ouvrir, au moins partiellement, le marché des jeux d’argent à la concurrence._ _ Il


explique que c’est l’Europe qui l’impose. Rien n’est plus faux : le comportement des monopoles publics français pose certes un problème, et pas seulement au regard du droit européen, mais


l’Europe n’impose pas la libéralisation. Il s’agit d’un choix du gouvernement : il est éminemment contestable, tant sur le plan de ses motivations que de ses conséquences. Une autre


solution, progressiste, est possible._ 1 – LES FAITS : FACE A LA CONTESTATION EUROPEENNE DES MONOPOLES PUBLICS NATIONAUX SUR LES JEUX D’ARGENT, LE GOUVERNEMENT VEUT OUVRIR LE SECTEUR AUX


OPERATEURS PRIVES. 1.1 – LES JEUX D’ARGENT EN FRANCE : DES MONOPOLES PUBLICS Les « jeux d’argent » désignent les jeux de hasard (loto, loto sportif…), les paris, les jeux de casino. En


France, les jeux d’argent répondent à un schéma comparable : la loi (1836 pour les loteries de toute espèce, 1891 pour les paris) pose le principe d’une interdiction, principalement pour des


motifs de protection de l’ordre public et de lutte contre le jeu pathologique. La loi ouvre ensuite une dérogation au profit de monopoles publics : à la Française des Jeux pour les jeux de


hasard et les paris sportifs (depuis une loi de 1933) ; au GIE PMU pour les paris hippiques (la dérogation a été ouverte par une loi du 16 avril 1930 et le GIE a été créé en 1983). Les jeux


de casino bénéficient d’un cadre spécifique, sous forme de monopoles municipaux1. 1.2 – LE SCHEMA FRANÇAIS CONTESTE PAR L’EUROPE Depuis quelques années, les monopoles de la Française des


Jeux et du PMU sont contestés, dans les faits et en droit. Dans les faits : des sociétés basées à Gibraltar ou à Malte offrent des jeux d’argent en ligne, naturellement accessibles sur


internet depuis la France. L’exploitation de ces jeux en France est illégale mais les pouvoirs publics sont faiblement armés pour les interdire. Des procédures, pénales et administratives,


sont en cours. 1 L’autorisation d’exploitation est délivrée par le ministère de l’intérieur. Elle ne peut être accordée qu’à certaines communes (touristiques, balnéaires, climatiques et


thermales). Elle fait l’objet d’une étude spécifique, dossier par dossier. La commune bénéficiaire fonctionne le plus souvent par délégation de service public auprès d’un opérateur privé. En


droit : la Commission européenne cherche depuis quelques années à ouvrir à la concurrence ces marchés, qui sont fermés et réglementés dans de nombreux Etats. La Commission n’a pas réussi à


imposer une directive de libéralisation. Elle a fait plusieurs tentatives en ce sens, dès le début des années 1990, mais les Etats s’y sont opposés au nom des traditions très différentes


existant au sein des Etats membres : au Conseil européen d’Edimbourg (1992), puis lors de la négociation de la directive sur les services électroniques. La dernière confrontation en date a


eu lieu au Parlement européen, à propos de la directive Bolkestein, dont l’application à ces services a finalement été écartée. C’est désormais sous l’angle de la libre prestation de


services (art. 49 et 59 du Traité) que la Commission, et notamment le Commissaire irlandais Mc Creevy, lui-même ancien bookmaker, cherche à faire condamner par la Cour de justice européenne


les Etats qui n’ouvrent pas leur marché des jeux. Pas moins de douze Etats ont été visés par la Commission. En juillet 2007, un avis motivé préalable à une action en manquement devant la


Cour a été adressé à la France sur la question des paris sportifs et hippiques. 1.3 – LA REPONSE DU GOUVERNEMENT : LA LIBERALISATION PARTIELLE Dans ce contexte, le gouvernement a décidé de


devancer une éventuelle saisine de la Cour de justice européenne et a engagé une réflexion, confiée en particulier à l’ancien ministre Bruno Durieux. Son rapport, remis fin mars 2008,


envisage différents scenarios, avec comme objectif prioritaire la préservation des recettes budgétaires, même en cas d’ouverture à la concurrence. Une réunion au niveau des ministres


compétents (agriculture, économie et finances, intérieur) a eu lieu lundi 14 avril afin de préparer les arbitrages du Premier ministre. La décision devrait être prise début mai en conseil


des ministres. Le gouvernement devrait annoncer une ouverture à la concurrence des jeux d’argent articulée autour de trois principes : Une ouverture partielle : seuls les jeux d’argent en


ligne en ligne seraient concernés (pas les jeux « en dur ») ; Une ouverture retardée : elle ne serait effective qu’au second semestre 2009 ; Une ouverture encadrée : une obligation de


licence en France (avec la soumission aux prélèvements fiscaux français – 14% des mises contre 0.5% à Malte) ; la limitation à une vingtaine de licences par secteur (paris sportifs,


hippiques et jeux de hasard) ; la mise en place d’une autorité administrative de régulation ; le refus des paris à la cote2. 2 C’est un moindre mal : ce système, dans lequel l’organisateur


parie contre les joueurs – c’est la différence avec le pari mutuel où les joueurs jouent les uns contre les autres – est la porte ouverte aux fraudes et manipulations. La posture du


gouvernement est donc simple : « Bruxelles oblige la France à une ouverture à la concurrence, mais nous la limitons au maximum ». 2. ELEMENTS DE POSITIONNEMENT : LA LIBERALISATION DU SECTEUR


DES JEUX N’EST NI SOUHAITABLE, NI INEVITABLE – UNE SOLUTION PROGRESSISTE EST POSSIBLE 2.1 – LE CHOIX DU GOUVERNEMENT EST EMINEMMENT CONTESTABLE. Il est contestable dans son principe. Plus


encore que l’approche idéologique, c’est la volonté de servir des clientèles qui frappe. La Commission européenne ne réclamait pas l’ouverture des jeux de casino en ligne : le gouvernement


s’apprête à le faire. La proximité du Président de la République avec le p-dg des casinos Barrière et propriétaire du Fouquet’s, Dominique Desseigne, est connue ; on ne peut dès lors manquer


de faire le rapprochement. Le choix du gouvernement est surtout contestable dans ses conséquences, potentiellement dangereuses. L’ouverture, même partielle, même encadrée, aura des


conséquences négatives sur la santé publique. L’ouverture du marché du jeu va nécessairement entraîner une augmentation de l’offre. La mise en place d’une autorité administrative de


régulation et la limitation en nombre des licences octroyées aura sans doute un effet limitant, mais la porte sera bel et bien entr’ouverte. Cette augmentation de l’offre pèsera


mécaniquement sur la santé publique. Elle va accroître la consommation de jeux et les comportements addictifs. Elle aura des conséquences négatives sur les ménages les plus modestes, où la


consommation de jeux est la plus forte3. C’est d’autant plus vrai que l’ouverture partielle n’est pas crédible : si le gouvernement cède sur les jeux en ligne, à terme l’ensemble du secteur


basculera. La ligne de défense de la France repose sur l’idée d’un encadrement de l’offre de jeux. Une ouverture partielle, en ligne, la met à bas puisque juridiquement, au regard du


principe de libre prestations de services, aucune distinction n’existe entre les prestations en ligne et les prestations physiques. C’est bel et bien l’existence d’organismes contrôlés par


l’Etat qui est en cause. Si une brèche est ouverte sur les jeux en ligne, c’est toute la digue qui sautera, condamnant ainsi le PMU et la Française des Jeux dans leur ensemble. L’ouverture


pose aussi la question de l’ordre public. 3 Les joueurs sont pour 24% des inactifs, 19% des retraités, 15 % des ouvriers et 18 % des employés. Les professions libérales et les cadres


supérieurs ne représentent que 8% des joueurs et la proportion est à peine supérieure dans les casinos (10%).