Le défenseur des droits : un ombudsman en trompe-l’œil | terra nova

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Plus de deux ans et demi après l’adoption de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui l’a créée, l’institution du Défenseur des droits connaît sa dernière phase législative. Le 11 janvier prochain, l’Assemblée Nationale examinera le texte voté en première lecture par le Sénat en juin dernier. Préconisée par le comité Balladur, qui avait alors imaginé une institution à l’image du Defensor del Pueblo espagnol, LA RÉFORME VISE À CONSTITUTIONNALISER UNE FONCTION SPÉCIFIQUE DESTINÉE À VEILLER AU RESPECT DES DROITS ET LIBERTÉS FONDAMENTALES. Si le modèle de l’Ombudsman fait aujourd’hui consensus – le PS avait déposé en 2007 une proposition de loi en ce sens -, LA RÉFORME PRÉPARÉE PAR LE GOUVERNEMENT, ET AMENDÉE PAR LE SÉNAT, SUSCITE QUANT À ELLE DE NOMBREUSES PROTESTATIONS. Le gouvernement a pris ses distances avec les préconisations du comité. Surtout, au delà d’une modernisation de la fonction de Médiateur de la République, qui s’avérait nécessaire, la réforme envisage le regroupement au sein de cette institution d’un grand nombre d’autorités administratives indépendantes, dont la plupart ont pour dénominateur commun d’avoir déplu au Prince… Certes, le projet du gouvernement s’était contenté de limiter le périmètre du Défenseur des droits au Médiateur de la République, au Défenseur des enfants et à la Commission nationale de déontologie de la sécurité. Cependant, très vite, de nouvelles intégrations allaient être envisagées, celle de la Halde d’abord par l’Assemblée nationale, puis celle du Contrôleur des lieux de privation de libertés proposée dernièrement par la commission des Lois de l’Assemblée nationale.  La CNIL, la CADA et le CSA étaient écartées en raison de leur technicité. ON PEUT DONC AUJOURD’HUI SE DEMANDER QUELLE EST LA COHÉRENCE DE TOUT CE PROJET. Si l’ambition de la réforme était de créer un véritable « ombudsman », pourquoi alors ne pas y regrouper toutes les autorités administratives indépendantes, chargées de près ou de loin de défendre les libertés ? Mais, au delà de cette fusion-absorption, C’EST L’INDÉPENDANCE ELLE-MÊME DU DÉFENSEUR DES DROITS QUI FAIT QUESTION.  Certes, le texte adopté par l’Assemblée nationale énonce que le Défenseur des droits, autorité indépendante, « ne reçoit aucune instruction ». En réalité, le projet gouvernemental n’a pas retenu le modèle espagnol préconisé par le comité constitutionnel dans lequel le Defensor del Pueblo est élu par le Parlement à la majorité des 3/5e. Le Défenseur des droits devient l’homme du Président, désigné par lui, sous réserve du respect des dispositions de l’article 13 de la Constitution prévoyant un veto par 3/5e des voix au sein de la Commission permanente de chaque Assemblée, ce qui s’assimile à un leurre. POURTANT, UN DÉFENSEUR DES DROITS INDÉPENDANT, DÉMOCRATIQUE ET PERFORMANT RESTE POSSIBLE. Il suffirait qu’un certain nombre d’exigences d’ordre démocratique soient posées.  Pour cela, il faudrait CRÉER DE VRAIS ADJOINTS AVEC DE VRAIES DÉLÉGATIONS DE COMPÉTENCES, ORGANISER DES COLLÈGES PLURALISTES ET PROFESSIONNALISÉS, AVEC CONSULTATION  OBLIGATOIRE ET AVIS CONFORME. Il faudrait ainsi envisager ces collèges comme des sections indépendantes dans le processus d’élaboration des avis, dans un schéma administratif géré par le Défenseur des droits, et avec une formation plénière qui permettrait d’assurer la cohérence des décisions, avec une organisation qui s’apparenterait à celle du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation. Il faudrait aussi veiller à DONNER AU DÉFENSEUR DES DROITS LES POUVOIRS NÉCESSAIRES POUR ASSURER SA MISSION, limiter les possibilités d’opposition sur les demandes de communication de pièces et sur les vérifications sur place. Enfin, la cohérence de l’institution suppose nécessairement que le regroupement de toutes les autorités administratives indépendantes se fasse le même jour. Le respect de telles exigences démocratiques pourrait être le gage d’une réelle garantie de protection des droits et libertés. Création originale de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, le Défenseur des droits est-il en passe de devenir l’institution la plus contestée de la Ve République ? C’est en effet dans un climat de fortes tensions politiques que le Sénat a examiné le 2 juin 2010 en première lecture le projet de loi organique définissant les attributions et les conditions d’intervention du Défenseur des droits. Il s’en est suivi un élargissement du périmètre de l’institution étendu au Défenseur des enfants et à la Halde. Le projet adopté, à la suite d’une intervention du gouvernement visant à mettre au pas certains sénateurs de la majorité, va être soumis à l’Assemblée nationale le 11 janvier prochain, la commission des Lois ayant déjà proposé d’aller encore plus loin en intégrant également au dispositif le Contrôleur général des lieux de privation des libertés, jusqu’à présent épargné.  L’article 71–1 de la Constitution ayant prévu que la définition des attributions et des conditions d’intervention de cette nouvelle institution devait être confiée au législateur organique, on attendait depuis longtemps ce texte sans lequel la fonction ne pouvait exister. Le gouvernement sur cette question a fait preuve d’une incroyable lenteur, sans précédent dans l’histoire de la Constitution de la Ve République. Plus de deux années et demi se sont déjà écoulées depuis l’adoption du texte constitutionnel.   Pourtant, l’idée de constitutionnaliser une fonction spécifique destinée à veiller au respect des droits et libertés fondamentales fait aujourd’hui consensus. Le modèle scandinave de l’Ombudsman s’est universellement développé : il existe actuellement plus de 120 institutions de ce type dans le monde. Le Médiateur de la République, créé en 1973, est devenu un modèle très éloigné des institutions existantes dans les pays de l’Union européenne. Prenant en compte ces évolutions, le comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République présidé par Edouard Balladur a proposé, sur le modèle du Defensor del pueblo espagnol, la création du Défenseur des droits fondamentaux. Conçu comme un réel « human rights ombudsman », l’institution nouvelle, constitutionnalisée, répondait à deux objectifs : la revalorisation du Médiateur de la République et l’effectivité des droits fondamentaux. Le comité s’est ainsi fondé sur un socle solidement garant d’une réelle indépendance : la désignation du Défenseur des droits par le Parlement à la majorité des 3/5e (I). L’intention même peu précise a été dénaturée par le projet du gouvernement. Loin de ressembler à ce modèle issu de l’Espagne après-franquiste, le Défenseur des droits devient un agent de l’exécutif. Or, cette dénaturation ne sera pas sans incidence pour l’avenir, ce d’autant que le projet vise par ailleurs à regrouper au sein de l’institution un certain nombre d’autorités administratives indépendantes dont les décisions ne sont pas du goût du Prince… (II) Cette institution constitutionnelle, démocratiquement nécessaire, mais dénaturée dans sa conception, doit être remise sur les bons rails, en deuxième lecture à l’Assemblée nationale (III).   1 – Le Défenseur des droits : une institution nécessaire dans une démocratie moderne Le défenseur du peuple ou défenseur des droits de l’Homme n’est pas absent de la tradition politique française. Sous la Révolution française, _Le Tribun du peuple_, journal de Gracchus Babeuf, fait renaître la tradition romaine du tribun de la plèbe: représentant de la plèbe, le tribun la défend contre les pouvoirs des consuls. La fonction tribunicienne s’inscrit donc dans une tradition de gauche, démocratique et d’opposition . Ce n’est donc sans doute pas un hasard si, avant le début des travaux du comité Balladur, le 12 juillet 2007, le groupe socialiste avait déposé à l’Assemblée nationale une proposition de révision constitutionnelle préconisant la création d’un Défenseur du peuple. En réalité, une telle proposition trouvait de nombreuses justifications au delà de la tradition socialiste. Le consensus, pensait-on, pouvait se faire. En effet, le constat était déjà clair à l’époque : l’institution du Médiateur de la République était considérée comme à bout de souffle. Créée en 1973, elle apparaissait de plus en plus éloignée de ses voisins européens, bien que déjà rénovée par une loi du 12 avril 2000. Si le bilan de ses années d’existence était présenté comme largement positif, le Médiateur de la République ne s’en trouvait pas moins sous-doté par rapport aux autorités spécialisées créées au cours des années 2000, et disposant du pouvoir de vérification sur place. Par ailleurs, le mode de saisine, imposant un filtre parlementaire, se révélait peu pratique et peu adapté aux évolutions actuelles. Il apparaissait donc nécessaire de renforcer l’autorité et la place de cette institution.  Soucieux de rénover cette institution mais également de répondre à l’objectif de rendre plus effectifs les droits fondamentaux, le comité Balladur propose une réforme simple et claire: la création par voie constitutionnelle d’un Défenseur des droits fondamentaux à l’image du Défenseur du Peuple espagnol, élu par l’Assemblée nationale à la majorité des 3/5e. Une telle majorité qualifiée le mettrait ainsi à l’abri des clivages partisans et ferait de lui une autorité fortement indépendante, qui ne devrait sa désignation à aucune majorité politique, et plus précisément à celle détentrice du pouvoir en place. Fidèle à une transposition claire du modèle du Defensor del pueblo créé en Espagne en 1978, le rapport  prévoit que le Défenseur des droits peut saisir le Conseil constitutionnel de l’inconstitutionnalité d’une loi non promulguée. Il s’agit en effet de remédier à l’absence de saisine du Conseil  pour certains textes « en raison d’arrangements politiques » .   Cependant, le gouvernement prend très tôt une certaine distance avec les préconisations du comité. La procédure d’élection par le Parlement n’est pas retenue : c’est le Président de la République qui nommera cette autorité. Autre déception : la possibilité de saisine du Conseil constitutionnel disparaît. Malgré l’introduction dans notre droit de la question de constitutionnalité, il restait sans doute une place dans le contrôle de constitutionnalité entre la saisine politique et la saisine juridictionnelle subordonnée à l’existence d’un litige et soumise au filtre du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation. Enfin, la création du Défenseur des droits devient l’occasion de se débarrasser d’un certain nombre d’autorités administratives indépendantes qui, par leurs décisions, viennent gêner le pouvoir en place. 2 – LE DÉFENSEUR DES DROITS : HISTOIRE D’UNE DÉNATURATION 2.1 – L’OEUVRE DU CONSTITUANT Le « Défenseur des droits des citoyens » conçu par le projet gouvernemental – la formulation a changé – ne ressemble plus à l’institution préconisée par le comité Balladur. Il n’est plus doté de la capacité de saisir le Conseil constitutionnel de l’inconstitutionnalité d’une loi. Mais plus grave encore, le Défenseur des droits des citoyens devient l’homme du Président. De l’élection par l’Assemblée nationale à la majorité qualifiée des 3/5e, qui garantissait compétence et indépendance, le projet glisse vers la nomination par le Président de la République. Certes, la procédure utilisée sera celle du nouvel article 13 de la Constitution : le Président de la République doit solliciter l’avis de la commission permanente de chaque Assemblée qui peut opposer son veto à condition que l’avis négatif recueille 3/5edes suffrages exprimés. Mais, pour la quasi-unanimité de la doctrine, ce veto n’est « qu’une hypothèse d’école ». Enfin, alors que le rapport du comité Balladur avait préconisé que cette constitutionnalisation du Médiateur de la République se double d’un regroupement des autorités administratives indépendantes veillant aux respects des droits fondamentaux, le gouvernement était attendu sur la question du périmètre de la nouvelle institution. Et là, face à un étonnement général, voilà qu’un vide constitutionnel apparaît : c’est une « coquille vide » que livre le projet gouvernemental. Les attributions du Défenseur des droits des citoyens seront définies par la loi organique. Les débats mettent en évidence « le peu de clarté de l’institution » . Le texte adopté par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui deviendra l’article 71–1 de la Constitution, crée ainsi un « Défenseur des droits » – la dénomination est à nouveau changée -, autorité chargée de veiller au respect des droits et libertés par les administrations de l’Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d’une mission de service public ou à l’égard duquel la loi organique attribue des compétences. Nommé par le Président de la République pour un mandat de six ans non renouvelable après application de la procédure de l’article 13 de la Constitution, le Défenseur des droits peut être saisi par toute personne s’estimant lésée par le fonctionnement d’un service public ou d’un organisme visé par le texte. Il peut également se saisir d’office. Le texte laisse ensuite au législateur organique le soin, d’une part, de définir les attributions et les  modalités d’intervention du Défenseur des droits, d’autre part, de déterminer les conditions dans lesquelles il peut être assisté par un collège pour l’exercice de ses attributions. La question de savoir quelles étaient les autorités administratives indépendantes qui allaient être absorbées est ainsi remise à plus tard, sans doute pour éviter les difficultés liées à la majorité qualifiée nécessaire pour toute révision constitutionnelle. En réalité, le gouvernement n’avait aucune idée précise sur le contenu exact de la réforme. 2.2 – LE PROJET DE LOI ORGANIQUE Près de deux années se sont écoulées avant que le projet de loi organique sur le Défenseur des droits ne voie enfin le jour. La question du périmètre du Défenseur des droits ne pouvait que poser difficulté face à l’opposition de la plupart des autorités administratives indépendantes. Qui fallait-il intégrer ? Le gouvernement a pris le parti de regrouper le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants et la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS). Cette dernière dérange depuis très longtemps, l’occasion est désormais trop belle. Le Sénat propose cependant à son tour d’y intégrer la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde). Il s’agit, précise P. Gélard, le rapporteur désigné par la Haute Assemblée, « de donner à la lutte contre les discriminations une plus grande visibilité et un retentissement plus important ». En réalité, depuis sa création pourtant imposée par une directive européenne, la Halde dérange elle aussi. Ces intégrations successives ont provoqué de nombreuses réactions, de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (avis du 4 février 2010) à la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI), qui, dans son quatrième rapport publié en juin 2010, souligne que la Halde joue en France un rôle clé et croissant dans la lutte contre le racisme. Aujourd’hui, la commission des Lois de l’Assemblée propose d’intégrer en outre dans le dispositif le Contrôleur général des lieux de privation des libertés, et ce à compter de 2014, date de la fin du mandat de J.M. Delarue. En revanche, la CNIL et la CADA restent écartées en raison de la technicité de leur domaine d’intervention, de même que le CSA. Ce périmètre du défenseur des droits suscite de nombreuses interrogations. Si l’ambition était de créer une réelle institution apparentée à l’Ombudsman scandinave ou au Défenseur du peuple espagnol, pourquoi alors ne pas y intégrer toutes les autorités administratives indépendantes intervenant dans le domaine des droits et libertés ? Ne pourrait-on pas imaginer, à l’instar de certains modèles scandinaves, la création de plusieurs Défenseurs des droits ? Ainsi, ne pourrait-on pas créer un Défenseur des droits regroupant les autorités régulatrices, comme le CSA, l’ARCEP, la CRE, la CADA, la CNIL et un Défenseur des droits compétent en matière de libertés individuelles, et qui comprendrait la CNDS, le Défenseur des enfants, la Halde ? Au-delà de la définition du périmètre de l’institution, se posent d’autres questions tout aussi essentielles. Le glissement opéré par le constituant et le législateur organique, qui se sont très fortement écartés des préconisations du rapport Balladur, fait craindre un recul de l’indépendance de cette institution.  3 – QUELLES EXIGENCES DÉMOCRATIQUES POUR LE DÉFENSEUR DES DROITS ? La fusion-absorption imaginée par le projet de loi organique issu de la première lecture au Sénat fait naître des craintes sur l’indépendance réelle du Défenseur des droits et sur le contenu  démocratique de l’institution. Les attentes des citoyens sont différentes. Comme Pierre Rosanvallon l’a démontré à propos de la « la légitimité démocratique », les figures de la légitimité ont évolué. Au delà de l’élection qui fait du peuple la source du pouvoir, apparaît une nouvelle exigence : celle d’un réel contenu  démocratique des institutions et d’un contrôle. Les autorités administratives indépendantes, qui ont émergé à partir des années 80 dans la plupart des démocraties, traduisent ainsi l’émergence d’une légitimité d’impartialité, nécessaire au contrôle du pouvoir. Le Défenseur des droits sera-t-il une réponse à cette demande sociale d’impartialité ? L’article 2 du projet de loi voté en première lecture par le Sénat dispose que « le Défenseur des droits, autorité indépendante, ne reçoit, dans l’exercice de ses attributions, aucune instruction ». L’affirmation est forte. Mais suffit-il de le dire? Nous le savons bien, les interventions « discrètes » du politique existent. Ces dernières années ont donné de nombreux exemples d’interventions  du pouvoir exécutif  relayées auprès des parquets, sans parler des pressions exercées sur les médias. En réalité, c’est l’organisation de cette institution, mais également ses attributions et ses pouvoirs qui détermineront le niveau de confiance qu’elle inspirera. Le mode de désignation du Défenseur des droits par le pouvoir exécutif est sans nul doute la première faille d’une institution qui se veut celle du contrôle du respect des droits fondamentaux par l’administration, mais aussi par d’autres organismes détenteurs d’autres pouvoirs, comme le pouvoir économique, le pouvoir financier, voire le pouvoir judiciaire. L’élection par le Parlement à une majorité qualifiée aurait permis une réelle légitimité démocratique. 1– AU DELÀ DU PROCESSUS DE NOMINATION, L’ORGANISATION DU DÉFENSEUR DES DROITS  SUSCITE DE NOMBREUSES INTERROGATIONS. L’article 11 A du texte voté par le Sénat en première lecture prévoit dans son alinéa 2 que « sur proposition du Défenseur des droits et après avis de la commission compétente de chaque assemblée, le Premier ministre nomme le Défenseur des enfants et les adjoints du Défenseur des droits, dont: un adjoint, vice-président du collège chargé de la déontologie dans le domaine de la sécurité, un adjoint, vice-président du collège chargé de la lutte contre les discriminations et de la promotion de l’égalité ». L’alinéa 3 précise que « le Défenseur des enfants et les adjoints sont placés auprès du Défenseur des droits et sous son autorité ». Le Défenseur des enfants et les deux adjoints ne sont donc que des subordonnés du Défenseur des droits. Certes, il peut leur déléguer des attributions, comme les pouvoirs d’information, de recommandation, de médiation et de transaction. Mais ne sont pas susceptibles d’être déléguées certaines attributions comme demander au Vice-président du Conseil d’Etat ou au Premier Président de la Cour des Comptes de faire procéder à une étude, ou encore saisir l’autorité investie du pouvoir d’engager des poursuites disciplinaires. Il en est de même de la consultation du Conseil d’Etat, des recommandations de modifications législatives ou réglementaires, du  pouvoir d’injonction, du rapport spécial, et des observations devant les juridictions civiles et administratives. Les contours de la délégation sont donc très restreints. On peut certes comprendre qu’une cohérence de l’institution est nécessaire. Cependant, une telle nécessité ne saurait exclure le principe d’indépendance. Or, le processus de délégation laisse peu d’autonomie à chaque adjoint. En outre, chaque adjoint est révocable par le Défenseur des droits. Si le texte ne le prévoit pas de manière explicite, le rapport du Sénat est clair sur ce point: il ne faut pas que les adjoints deviennent des Défenseurs-adjoints ! Plus grave encore, l’organisation des collèges ne laisse pas davantage de place au pluralisme et à l’indépendance. Ces collèges sont composés de membres désignés principalement par les Présidents des deux Assemblées et les Présidents des trois Hautes Juridictions. Pour le collège de la CNDS, il est certes prévu que les membres ainsi désignés en choisissent cinq autres parmi des personnalités qualifiées. Mais s’agissant du collège de la Halde, deux de ses membres sont nommés par le Premier ministre. Par ailleurs, aux termes de l’article 11 A alinéa 1er du texte adopté par le Sénat, « le Défenseur des droits préside les collèges qui l’assistent pour l’exercice de ses attributions en matière de déontologie dans le domaine de la sécurité ainsi que de lutte contre les discriminations et promotion de l’égalité ». Cette présidence peut certes être déléguée aux adjoints. Enfin, chaque collège, qui comprend des personnalités qualifiées dans chaque domaine, n’a qu’un pouvoir consultatif, ce qui laisse au Défenseur des droits toute latitude. Le texte prévoit même qu’il peut demander une seconde délibération au collège. Pire encore, le Défenseur des droits peut s’écarter des avis émis par le collège après lui en avoir exposé les motifs. Des explications qui ne seront jamais publiques et jamais transmises aux réclamants… Au manque d’indépendance s’ajoute le défaut de transparence. Il est à noter que la commission des Lois de l’Assemblée nationale s’est prononcée en faveur d’une suppression de cette possible seconde délibération. Mais elle préconise, en contrepartie semble-t-il, que la consultation des collèges ne soit que facultative… Pourtant, un Défenseur des droits répondant à des exigences démocratiques est possible. Avant  tout, il faudrait faire des collèges une instance à l’avis conforme. Ensuite, il faudrait créer une dissociation réelle entre les attributions du Défenseur des droits. Que cette institution regroupe certaines autorités administratives indépendantes n’est pas en soi contestable, s’il est possible de distinguer gestion administrative, représentation, d’une part, et élaboration des décisions, d’autre part. Depuis leur création, ces autorités ont développé une véritable « jurisprudence ». Il faudrait, au sein de l’institution elle même, faire une distinction entre chaque structure, comme le Médiateur, le Défenseur des enfants, le Défenseur des droits statuant en matière de déontologie de la sécurité, et le Défenseur des droits statuant en matière de lutte contre les discriminations. Chacune de ces entités – créée à l’image d’une section du CE ou d’une Chambre de la Cour de cassation- serait indépendante dans l’élaboration des délibérations. Elle serait présidée par l’Adjoint Vice-président et comporterait des services spécialisés rattachés au collège et au Vice Président. Elle pourrait ainsi élaborer en toute indépendance sa propre « jurisprudence ». La légitimité d’impartialité en serait renforcée. Lorsqu’une réclamation concernerait deux ou plusieurs formations, il serait possible de les réunir dans une formation mixte ou de créer une formation plénière sous la présidence du Défenseur des droits. La gestion administrative et les fonctions de représentation seraient en revanche hiérarchisées sous l’autorité du Défenseur des droits.          2– LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX POUVOIRS DU DÉFENSEUR DE DROITS POSENT PAR AILLEURS DE RÉELLES DIFFICULTÉS. Ainsi en est-il notamment de l’article 20 du texte voté en première lecture qui dispose que « le Défenseur des droits apprécie souverainement si, eu égard à leur nature ou à leur ancienneté, les faits qui font l’objet d’une réclamation ou qui lui sont signalés méritent une intervention de sa part ». Cette référence au pouvoir souverain ne peut que susciter de l’étonnement. Le pouvoir souverain est celui qui n’est soumis à aucun contrôle. Si aucun recours n’est certes possible contre la décision du Défenseur des droits, on comprend mal cette référence, alors que la sauvegarde d’un droit suppose nécessairement  l’existence d’une norme qu’elle soit constitutionnelle, internationale, législative ou réglementaire. Ce terme « souverainement » doit disparaître de l’article 20, ainsi que la référence à la « nature des faits et à l’ancienneté », ce qui laisse une marge d’arbitraire trop grande au Défenseur des droits. Il pourrait être ainsi envisagé de substituer à cette disposition le texte suivant: « le Défenseur des droits décide si les faits qui font l’objet d’une réclamation ou qui lui ont été signalés donnent lieu à intervention de sa part. Dans les limites de sa compétence, il ne peut refuser d’intervenir lorsqu’il y a violation manifeste d’une liberté individuelle ou d’un droit fondamental ». L’alinéa 2 du texte prévoit qu’il indique les motifs pour lesquels il décide de ne pas donner suite à une saisine. Le Sénat a fait ajouter au projet initial cette précision qui n’est pas des moindres. En effet, comment imaginer que l’institution constitutionnelle chargée du respect des droits n’ait pas à justifier de son refus d’intervention ? Mais la commission des Lois de l’Assemblée nationale propose de supprimer cet amendement sénatorial.               Une autre disposition suscite également des interrogations. L’article 18 II du projet relatif aux pouvoirs de vérification sur place du Défenseur des droits prévoit, dans son paragraphe II, que « les autorités compétentes des personnes publiques mises en cause ne peuvent s’opposer à la vérification sur place dans les locaux administratifs dont elles sont responsables que pour des motifs graves et impérieux liés à la défense nationale ou à la sécurité publique, sous réserve de fournir au Défenseur des droit les justifications de leur opposition ». Dans son avis du 4 février 2010, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme a relevé que « concernant la visite des lieux publics et de locaux professionnels, la CNDS bénéficie d’une liberté totale ». On observera que la commission des Lois a amendé à juste titre ce texte en prévoyant que lorsque le Défenseur des droits intervient en matière de déontologie de la sécurité, il peut faire des vérifications sur place sans possibilité d’opposition. Mais demeurent, pour les autres domaines d’intervention, des possibilités de s’opposer à une telle intervention, et ce dans des termes très larges voire parfois assez flous. 3– ENFIN, L’AMÉNAGEMENT DES DISPOSITIONS TRANSITOIRES SOULÈVE CERTAINES QUESTIONS. Il est prévu dans l’article 33 du projet que la loi organique entrera en vigueur le premier jour du troisième mois suivant sa publication. A compter de ce jour, le Défenseur des droits succèdera au Médiateur de la République. Quant aux autres autorités administratives indépendantes (Défenseur des enfants, CNDS, Halde), elles ne seront intégrées que deux mois après le premier du cinquième mois suivant la publication. Il est pour le moins très étonnant de voir qu’une autorité créée pour un regroupement estimé nécessaire par le législateur organique ne soit pas fusionnée dans son intégralité à la même date. Le contraire n’aurait pas de sens. La cohérence du système impose son regroupement intégral à la même date. Il importe que les services de chaque organisme puissent se positionner dans un ensemble clair et cohérent. De telles dispositions transitoires risquent en effet de créer un déséquilibre entre les différentes institutions intégrées. Il faut que chacune puisse participer à la mise en place de l’institution, sans qu’un avantage puisse être donné à l’une ou à l’autre en termes de mise en œuvre de l’organisation des services. On peut réellement penser que c’est le premier arrivé qui aura la main sur cette organisation. CONCLUSION Le Défenseur des droits, tel qu’il se dessine dans le projet de loi organique adopté le 4 juin dernier par le Sénat, apparaît comme une institution constitutionnelle « en trompe l’œil ». La procédure de désignation qui est prévue le rattache directement au pouvoir exécutif, et laisse ainsi planer de grandes incertitudes sur la réalité de son indépendance. Le périmètre défini par le projet de loi organique ne reflète aucune cohérence, aucune logique de rationalisation. Le dernier état du projet prévoit une fusion-absorption du Médiateur de la République, du Défenseur des enfants, de la CNDS et de la Halde, et du Contrôleur général des lieux de privation des libertés. La plupart de ces autorités administratives indépendantes ont un dénominateur commun: elles ont toutes déplu au Prince… De nouveaux débats s’annoncent au Parlement. Rien n’est encore joué. Des propositions d’amendement peuvent permettre de donner des garanties aux citoyens sur le fonctionnement démocratique de cette institution, notamment en termes d’indépendance. Il existe un réel enjeu pour l’avenir et la défense des citoyens. Un Défenseur des droits indépendant, démocratique et performant est encore possible, et le Parlement peut encore le mettre sur de bons rails.

Plus de deux ans et demi après l’adoption de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui l’a créée, l’institution du Défenseur des droits connaît sa dernière phase législative. Le 11


 janvier prochain, l’Assemblée Nationale examinera le texte voté en première lecture par le Sénat en juin dernier. Préconisée par le comité Balladur, qui avait alors imaginé une institution


à l’image du Defensor del Pueblo espagnol, LA RÉFORME VISE À CONSTITUTIONNALISER UNE FONCTION SPÉCIFIQUE DESTINÉE À VEILLER AU RESPECT DES DROITS ET LIBERTÉS FONDAMENTALES. Si le modèle de


l’Ombudsman fait aujourd’hui consensus – le PS avait déposé en 2007 une proposition de loi en ce sens -, LA RÉFORME PRÉPARÉE PAR LE GOUVERNEMENT, ET AMENDÉE PAR LE SÉNAT, SUSCITE QUANT À


ELLE DE NOMBREUSES PROTESTATIONS. Le gouvernement a pris ses distances avec les préconisations du comité. Surtout, au delà d’une modernisation de la fonction de Médiateur de la République,


qui s’avérait nécessaire, la réforme envisage le regroupement au sein de cette institution d’un grand nombre d’autorités administratives indépendantes, dont la plupart ont pour dénominateur


commun d’avoir déplu au Prince… Certes, le projet du gouvernement s’était contenté de limiter le périmètre du Défenseur des droits au Médiateur de la République, au Défenseur des enfants et


à la Commission nationale de déontologie de la sécurité. Cependant, très vite, de nouvelles intégrations allaient être envisagées, celle de la Halde d’abord par l’Assemblée nationale, puis


celle du Contrôleur des lieux de privation de libertés proposée dernièrement par la commission des Lois de l’Assemblée nationale.  La CNIL, la CADA et le CSA étaient écartées en raison de


leur technicité. ON PEUT DONC AUJOURD’HUI SE DEMANDER QUELLE EST LA COHÉRENCE DE TOUT CE PROJET. Si l’ambition de la réforme était de créer un véritable « ombudsman », pourquoi alors ne pas


y regrouper toutes les autorités administratives indépendantes, chargées de près ou de loin de défendre les libertés ? Mais, au delà de cette fusion-absorption, C’EST L’INDÉPENDANCE


ELLE-MÊME DU DÉFENSEUR DES DROITS QUI FAIT QUESTION.  Certes, le texte adopté par l’Assemblée nationale énonce que le Défenseur des droits, autorité indépendante, « ne reçoit aucune


instruction ». En réalité, le projet gouvernemental n’a pas retenu le modèle espagnol préconisé par le comité constitutionnel dans lequel le Defensor del Pueblo est élu par le Parlement à la


majorité des 3/5e. Le Défenseur des droits devient l’homme du Président, désigné par lui, sous réserve du respect des dispositions de l’article 13 de la Constitution prévoyant un veto par


3/5e des voix au sein de la Commission permanente de chaque Assemblée, ce qui s’assimile à un leurre. POURTANT, UN DÉFENSEUR DES DROITS INDÉPENDANT, DÉMOCRATIQUE ET PERFORMANT RESTE


POSSIBLE. Il suffirait qu’un certain nombre d’exigences d’ordre démocratique soient posées.  Pour cela, il faudrait CRÉER DE VRAIS ADJOINTS AVEC DE VRAIES DÉLÉGATIONS DE COMPÉTENCES,


ORGANISER DES COLLÈGES PLURALISTES ET PROFESSIONNALISÉS, AVEC CONSULTATION  OBLIGATOIRE ET AVIS CONFORME. Il faudrait ainsi envisager ces collèges comme des sections indépendantes dans le


processus d’élaboration des avis, dans un schéma administratif géré par le Défenseur des droits, et avec une formation plénière qui permettrait d’assurer la cohérence des décisions, avec une


organisation qui s’apparenterait à celle du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation. Il faudrait aussi veiller à DONNER AU DÉFENSEUR DES DROITS LES POUVOIRS NÉCESSAIRES POUR ASSURER SA


MISSION, limiter les possibilités d’opposition sur les demandes de communication de pièces et sur les vérifications sur place. Enfin, la cohérence de l’institution suppose nécessairement que


le regroupement de toutes les autorités administratives indépendantes se fasse le même jour. Le respect de telles exigences démocratiques pourrait être le gage d’une réelle garantie de


protection des droits et libertés. Création originale de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, le Défenseur des droits est-il en passe de devenir l’institution la plus contestée


de la Ve République ? C’est en effet dans un climat de fortes tensions politiques que le Sénat a examiné le 2 juin 2010 en première lecture le projet de loi organique définissant les


attributions et les conditions d’intervention du Défenseur des droits. Il s’en est suivi un élargissement du périmètre de l’institution étendu au Défenseur des enfants et à la Halde. Le


projet adopté, à la suite d’une intervention du gouvernement visant à mettre au pas certains sénateurs de la majorité, va être soumis à l’Assemblée nationale le 11 janvier prochain, la


commission des Lois ayant déjà proposé d’aller encore plus loin en intégrant également au dispositif le Contrôleur général des lieux de privation des libertés, jusqu’à présent épargné. 


L’article 71–1 de la Constitution ayant prévu que la définition des attributions et des conditions d’intervention de cette nouvelle institution devait être confiée au législateur organique,


on attendait depuis longtemps ce texte sans lequel la fonction ne pouvait exister. Le gouvernement sur cette question a fait preuve d’une incroyable lenteur, sans précédent dans l’histoire


de la Constitution de la Ve République. Plus de deux années et demi se sont déjà écoulées depuis l’adoption du texte constitutionnel.   Pourtant, l’idée de constitutionnaliser une fonction


spécifique destinée à veiller au respect des droits et libertés fondamentales fait aujourd’hui consensus. Le modèle scandinave de l’Ombudsman s’est universellement développé : il existe


actuellement plus de 120 institutions de ce type dans le monde. Le Médiateur de la République, créé en 1973, est devenu un modèle très éloigné des institutions existantes dans les pays de


l’Union européenne. Prenant en compte ces évolutions, le comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République présidé par


Edouard Balladur a proposé, sur le modèle du Defensor del pueblo espagnol, la création du Défenseur des droits fondamentaux. Conçu comme un réel « human rights ombudsman », l’institution


nouvelle, constitutionnalisée, répondait à deux objectifs : la revalorisation du Médiateur de la République et l’effectivité des droits fondamentaux. Le comité s’est ainsi fondé sur un socle


solidement garant d’une réelle indépendance : la désignation du Défenseur des droits par le Parlement à la majorité des 3/5e (I). L’intention même peu précise a été dénaturée par le projet


du gouvernement. Loin de ressembler à ce modèle issu de l’Espagne après-franquiste, le Défenseur des droits devient un agent de l’exécutif. Or, cette dénaturation ne sera pas sans incidence


pour l’avenir, ce d’autant que le projet vise par ailleurs à regrouper au sein de l’institution un certain nombre d’autorités administratives indépendantes dont les décisions ne sont pas du


goût du Prince… (II) Cette institution constitutionnelle, démocratiquement nécessaire, mais dénaturée dans sa conception, doit être remise sur les bons rails, en deuxième lecture à


l’Assemblée nationale (III).   1 – Le Défenseur des droits : une institution nécessaire dans une démocratie moderne Le défenseur du peuple ou défenseur des droits de l’Homme n’est pas absent


de la tradition politique française. Sous la Révolution française, _Le Tribun du peuple_, journal de Gracchus Babeuf, fait renaître la tradition romaine du tribun de la plèbe: représentant


de la plèbe, le tribun la défend contre les pouvoirs des consuls. La fonction tribunicienne s’inscrit donc dans une tradition de gauche, démocratique et d’opposition . Ce n’est donc sans


doute pas un hasard si, avant le début des travaux du comité Balladur, le 12 juillet 2007, le groupe socialiste avait déposé à l’Assemblée nationale une proposition de révision


constitutionnelle préconisant la création d’un Défenseur du peuple. En réalité, une telle proposition trouvait de nombreuses justifications au delà de la tradition socialiste. Le consensus,


pensait-on, pouvait se faire. En effet, le constat était déjà clair à l’époque : l’institution du Médiateur de la République était considérée comme à bout de souffle. Créée en 1973, elle


apparaissait de plus en plus éloignée de ses voisins européens, bien que déjà rénovée par une loi du 12 avril 2000. Si le bilan de ses années d’existence était présenté comme largement


positif, le Médiateur de la République ne s’en trouvait pas moins sous-doté par rapport aux autorités spécialisées créées au cours des années 2000, et disposant du pouvoir de vérification


sur place. Par ailleurs, le mode de saisine, imposant un filtre parlementaire, se révélait peu pratique et peu adapté aux évolutions actuelles. Il apparaissait donc nécessaire de renforcer


l’autorité et la place de cette institution.  Soucieux de rénover cette institution mais également de répondre à l’objectif de rendre plus effectifs les droits fondamentaux, le comité


Balladur propose une réforme simple et claire: la création par voie constitutionnelle d’un Défenseur des droits fondamentaux à l’image du Défenseur du Peuple espagnol, élu par l’Assemblée


nationale à la majorité des 3/5e. Une telle majorité qualifiée le mettrait ainsi à l’abri des clivages partisans et ferait de lui une autorité fortement indépendante, qui ne devrait sa


désignation à aucune majorité politique, et plus précisément à celle détentrice du pouvoir en place. Fidèle à une transposition claire du modèle du Defensor del pueblo créé en Espagne en


1978, le rapport  prévoit que le Défenseur des droits peut saisir le Conseil constitutionnel de l’inconstitutionnalité d’une loi non promulguée. Il s’agit en effet de remédier à l’absence de


saisine du Conseil  pour certains textes « en raison d’arrangements politiques » .   Cependant, le gouvernement prend très tôt une certaine distance avec les préconisations du comité. La


procédure d’élection par le Parlement n’est pas retenue : c’est le Président de la République qui nommera cette autorité. Autre déception : la possibilité de saisine du Conseil


constitutionnel disparaît. Malgré l’introduction dans notre droit de la question de constitutionnalité, il restait sans doute une place dans le contrôle de constitutionnalité entre la


saisine politique et la saisine juridictionnelle subordonnée à l’existence d’un litige et soumise au filtre du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation. Enfin, la création du Défenseur des


droits devient l’occasion de se débarrasser d’un certain nombre d’autorités administratives indépendantes qui, par leurs décisions, viennent gêner le pouvoir en place. 2 – LE DÉFENSEUR DES


DROITS : HISTOIRE D’UNE DÉNATURATION 2.1 – L’OEUVRE DU CONSTITUANT Le « Défenseur des droits des citoyens » conçu par le projet gouvernemental – la formulation a changé – ne ressemble plus à


l’institution préconisée par le comité Balladur. Il n’est plus doté de la capacité de saisir le Conseil constitutionnel de l’inconstitutionnalité d’une loi. Mais plus grave encore, le


Défenseur des droits des citoyens devient l’homme du Président. De l’élection par l’Assemblée nationale à la majorité qualifiée des 3/5e, qui garantissait compétence et indépendance, le


projet glisse vers la nomination par le Président de la République. Certes, la procédure utilisée sera celle du nouvel article 13 de la Constitution : le Président de la République doit


solliciter l’avis de la commission permanente de chaque Assemblée qui peut opposer son veto à condition que l’avis négatif recueille 3/5edes suffrages exprimés. Mais, pour la quasi-unanimité


de la doctrine, ce veto n’est « qu’une hypothèse d’école ». Enfin, alors que le rapport du comité Balladur avait préconisé que cette constitutionnalisation du Médiateur de la République se


double d’un regroupement des autorités administratives indépendantes veillant aux respects des droits fondamentaux, le gouvernement était attendu sur la question du périmètre de la nouvelle


institution. Et là, face à un étonnement général, voilà qu’un vide constitutionnel apparaît : c’est une « coquille vide » que livre le projet gouvernemental. Les attributions du Défenseur


des droits des citoyens seront définies par la loi organique. Les débats mettent en évidence « le peu de clarté de l’institution » . Le texte adopté par la loi constitutionnelle du 23 


juillet 2008, qui deviendra l’article 71–1 de la Constitution, crée ainsi un « Défenseur des droits » – la dénomination est à nouveau changée -, autorité chargée de veiller au respect des


droits et libertés par les administrations de l’Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d’une mission de service public ou à


l’égard duquel la loi organique attribue des compétences. Nommé par le Président de la République pour un mandat de six ans non renouvelable après application de la procédure de l’article 13


 de la Constitution, le Défenseur des droits peut être saisi par toute personne s’estimant lésée par le fonctionnement d’un service public ou d’un organisme visé par le texte. Il peut


également se saisir d’office. Le texte laisse ensuite au législateur organique le soin, d’une part, de définir les attributions et les  modalités d’intervention du Défenseur des droits,


d’autre part, de déterminer les conditions dans lesquelles il peut être assisté par un collège pour l’exercice de ses attributions. La question de savoir quelles étaient les autorités


administratives indépendantes qui allaient être absorbées est ainsi remise à plus tard, sans doute pour éviter les difficultés liées à la majorité qualifiée nécessaire pour toute révision


constitutionnelle. En réalité, le gouvernement n’avait aucune idée précise sur le contenu exact de la réforme. 2.2 – LE PROJET DE LOI ORGANIQUE Près de deux années se sont écoulées avant que


le projet de loi organique sur le Défenseur des droits ne voie enfin le jour. La question du périmètre du Défenseur des droits ne pouvait que poser difficulté face à l’opposition de la


plupart des autorités administratives indépendantes. Qui fallait-il intégrer ? Le gouvernement a pris le parti de regrouper le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants et la


Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS). Cette dernière dérange depuis très longtemps, l’occasion est désormais trop belle. Le Sénat propose cependant à son tour d’y


intégrer la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde). Il s’agit, précise P. Gélard, le rapporteur désigné par la Haute Assemblée, « de donner à la lutte


contre les discriminations une plus grande visibilité et un retentissement plus important ». En réalité, depuis sa création pourtant imposée par une directive européenne, la Halde dérange


elle aussi. Ces intégrations successives ont provoqué de nombreuses réactions, de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (avis du 4 février 2010) à la Commission


européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI), qui, dans son quatrième rapport publié en juin 2010, souligne que la Halde joue en France un rôle clé et croissant dans la lutte contre


le racisme. Aujourd’hui, la commission des Lois de l’Assemblée propose d’intégrer en outre dans le dispositif le Contrôleur général des lieux de privation des libertés, et ce à compter de


2014, date de la fin du mandat de J.M. Delarue. En revanche, la CNIL et la CADA restent écartées en raison de la technicité de leur domaine d’intervention, de même que le CSA. Ce périmètre


du défenseur des droits suscite de nombreuses interrogations. Si l’ambition était de créer une réelle institution apparentée à l’Ombudsman scandinave ou au Défenseur du peuple espagnol,


pourquoi alors ne pas y intégrer toutes les autorités administratives indépendantes intervenant dans le domaine des droits et libertés ? Ne pourrait-on pas imaginer, à l’instar de certains


modèles scandinaves, la création de plusieurs Défenseurs des droits ? Ainsi, ne pourrait-on pas créer un Défenseur des droits regroupant les autorités régulatrices, comme le CSA, l’ARCEP, la


CRE, la CADA, la CNIL et un Défenseur des droits compétent en matière de libertés individuelles, et qui comprendrait la CNDS, le Défenseur des enfants, la Halde ? Au-delà de la définition


du périmètre de l’institution, se posent d’autres questions tout aussi essentielles. Le glissement opéré par le constituant et le législateur organique, qui se sont très fortement écartés


des préconisations du rapport Balladur, fait craindre un recul de l’indépendance de cette institution.  3 – QUELLES EXIGENCES DÉMOCRATIQUES POUR LE DÉFENSEUR DES DROITS ? La


fusion-absorption imaginée par le projet de loi organique issu de la première lecture au Sénat fait naître des craintes sur l’indépendance réelle du Défenseur des droits et sur le contenu 


démocratique de l’institution. Les attentes des citoyens sont différentes. Comme Pierre Rosanvallon l’a démontré à propos de la « la légitimité démocratique », les figures de la légitimité


ont évolué. Au delà de l’élection qui fait du peuple la source du pouvoir, apparaît une nouvelle exigence : celle d’un réel contenu  démocratique des institutions et d’un contrôle. Les


autorités administratives indépendantes, qui ont émergé à partir des années 80 dans la plupart des démocraties, traduisent ainsi l’émergence d’une légitimité d’impartialité, nécessaire au


contrôle du pouvoir. Le Défenseur des droits sera-t-il une réponse à cette demande sociale d’impartialité ? L’article 2 du projet de loi voté en première lecture par le Sénat dispose que « 


le Défenseur des droits, autorité indépendante, ne reçoit, dans l’exercice de ses attributions, aucune instruction ». L’affirmation est forte. Mais suffit-il de le dire? Nous le savons bien,


les interventions « discrètes » du politique existent. Ces dernières années ont donné de nombreux exemples d’interventions  du pouvoir exécutif  relayées auprès des parquets, sans parler


des pressions exercées sur les médias. En réalité, c’est l’organisation de cette institution, mais également ses attributions et ses pouvoirs qui détermineront le niveau de confiance qu’elle


inspirera. Le mode de désignation du Défenseur des droits par le pouvoir exécutif est sans nul doute la première faille d’une institution qui se veut celle du contrôle du respect des droits


fondamentaux par l’administration, mais aussi par d’autres organismes détenteurs d’autres pouvoirs, comme le pouvoir économique, le pouvoir financier, voire le pouvoir judiciaire.


L’élection par le Parlement à une majorité qualifiée aurait permis une réelle légitimité démocratique. 1– AU DELÀ DU PROCESSUS DE NOMINATION, L’ORGANISATION DU DÉFENSEUR DES DROITS  SUSCITE


DE NOMBREUSES INTERROGATIONS. L’article 11 A du texte voté par le Sénat en première lecture prévoit dans son alinéa 2 que « sur proposition du Défenseur des droits et après avis de la


commission compétente de chaque assemblée, le Premier ministre nomme le Défenseur des enfants et les adjoints du Défenseur des droits, dont: un adjoint, vice-président du collège chargé de


la déontologie dans le domaine de la sécurité, un adjoint, vice-président du collège chargé de la lutte contre les discriminations et de la promotion de l’égalité ». L’alinéa 3 précise que «


 le Défenseur des enfants et les adjoints sont placés auprès du Défenseur des droits et sous son autorité ». Le Défenseur des enfants et les deux adjoints ne sont donc que des subordonnés du


Défenseur des droits. Certes, il peut leur déléguer des attributions, comme les pouvoirs d’information, de recommandation, de médiation et de transaction. Mais ne sont pas susceptibles


d’être déléguées certaines attributions comme demander au Vice-président du Conseil d’Etat ou au Premier Président de la Cour des Comptes de faire procéder à une étude, ou encore saisir


l’autorité investie du pouvoir d’engager des poursuites disciplinaires. Il en est de même de la consultation du Conseil d’Etat, des recommandations de modifications législatives ou


réglementaires, du  pouvoir d’injonction, du rapport spécial, et des observations devant les juridictions civiles et administratives. Les contours de la délégation sont donc très restreints.


On peut certes comprendre qu’une cohérence de l’institution est nécessaire. Cependant, une telle nécessité ne saurait exclure le principe d’indépendance. Or, le processus de délégation


laisse peu d’autonomie à chaque adjoint. En outre, chaque adjoint est révocable par le Défenseur des droits. Si le texte ne le prévoit pas de manière explicite, le rapport du Sénat est clair


sur ce point: il ne faut pas que les adjoints deviennent des Défenseurs-adjoints ! Plus grave encore, l’organisation des collèges ne laisse pas davantage de place au pluralisme et à


l’indépendance. Ces collèges sont composés de membres désignés principalement par les Présidents des deux Assemblées et les Présidents des trois Hautes Juridictions. Pour le collège de la


CNDS, il est certes prévu que les membres ainsi désignés en choisissent cinq autres parmi des personnalités qualifiées. Mais s’agissant du collège de la Halde, deux de ses membres sont


nommés par le Premier ministre. Par ailleurs, aux termes de l’article 11 A alinéa 1er du texte adopté par le Sénat, « le Défenseur des droits préside les collèges qui l’assistent pour


l’exercice de ses attributions en matière de déontologie dans le domaine de la sécurité ainsi que de lutte contre les discriminations et promotion de l’égalité ». Cette présidence peut


certes être déléguée aux adjoints. Enfin, chaque collège, qui comprend des personnalités qualifiées dans chaque domaine, n’a qu’un pouvoir consultatif, ce qui laisse au Défenseur des droits


toute latitude. Le texte prévoit même qu’il peut demander une seconde délibération au collège. Pire encore, le Défenseur des droits peut s’écarter des avis émis par le collège après lui en


avoir exposé les motifs. Des explications qui ne seront jamais publiques et jamais transmises aux réclamants… Au manque d’indépendance s’ajoute le défaut de transparence. Il est à noter que


la commission des Lois de l’Assemblée nationale s’est prononcée en faveur d’une suppression de cette possible seconde délibération. Mais elle préconise, en contrepartie semble-t-il, que la


consultation des collèges ne soit que facultative… Pourtant, un Défenseur des droits répondant à des exigences démocratiques est possible. Avant  tout, il faudrait faire des collèges une


instance à l’avis conforme. Ensuite, il faudrait créer une dissociation réelle entre les attributions du Défenseur des droits. Que cette institution regroupe certaines autorités


administratives indépendantes n’est pas en soi contestable, s’il est possible de distinguer gestion administrative, représentation, d’une part, et élaboration des décisions, d’autre part.


Depuis leur création, ces autorités ont développé une véritable « jurisprudence ». Il faudrait, au sein de l’institution elle même, faire une distinction entre chaque structure, comme le


Médiateur, le Défenseur des enfants, le Défenseur des droits statuant en matière de déontologie de la sécurité, et le Défenseur des droits statuant en matière de lutte contre les


discriminations. Chacune de ces entités – créée à l’image d’une section du CE ou d’une Chambre de la Cour de cassation- serait indépendante dans l’élaboration des délibérations. Elle serait


présidée par l’Adjoint Vice-président et comporterait des services spécialisés rattachés au collège et au Vice Président. Elle pourrait ainsi élaborer en toute indépendance sa propre « 


jurisprudence ». La légitimité d’impartialité en serait renforcée. Lorsqu’une réclamation concernerait deux ou plusieurs formations, il serait possible de les réunir dans une formation mixte


ou de créer une formation plénière sous la présidence du Défenseur des droits. La gestion administrative et les fonctions de représentation seraient en revanche hiérarchisées sous


l’autorité du Défenseur des droits.          2– LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX POUVOIRS DU DÉFENSEUR DE DROITS POSENT PAR AILLEURS DE RÉELLES DIFFICULTÉS. Ainsi en est-il notamment de


l’article 20 du texte voté en première lecture qui dispose que « le Défenseur des droits apprécie souverainement si, eu égard à leur nature ou à leur ancienneté, les faits qui font l’objet


d’une réclamation ou qui lui sont signalés méritent une intervention de sa part ». Cette référence au pouvoir souverain ne peut que susciter de l’étonnement. Le pouvoir souverain est celui


qui n’est soumis à aucun contrôle. Si aucun recours n’est certes possible contre la décision du Défenseur des droits, on comprend mal cette référence, alors que la sauvegarde d’un droit


suppose nécessairement  l’existence d’une norme qu’elle soit constitutionnelle, internationale, législative ou réglementaire. Ce terme « souverainement » doit disparaître de l’article 20,


ainsi que la référence à la « nature des faits et à l’ancienneté », ce qui laisse une marge d’arbitraire trop grande au Défenseur des droits. Il pourrait être ainsi envisagé de substituer à


cette disposition le texte suivant: « le Défenseur des droits décide si les faits qui font l’objet d’une réclamation ou qui lui ont été signalés donnent lieu à intervention de sa part. Dans


les limites de sa compétence, il ne peut refuser d’intervenir lorsqu’il y a violation manifeste d’une liberté individuelle ou d’un droit fondamental ». L’alinéa 2 du texte prévoit qu’il


indique les motifs pour lesquels il décide de ne pas donner suite à une saisine. Le Sénat a fait ajouter au projet initial cette précision qui n’est pas des moindres. En effet, comment


imaginer que l’institution constitutionnelle chargée du respect des droits n’ait pas à justifier de son refus d’intervention ? Mais la commission des Lois de l’Assemblée nationale propose de


supprimer cet amendement sénatorial.               Une autre disposition suscite également des interrogations. L’article 18 II du projet relatif aux pouvoirs de vérification sur place du


Défenseur des droits prévoit, dans son paragraphe II, que « les autorités compétentes des personnes publiques mises en cause ne peuvent s’opposer à la vérification sur place dans les locaux


administratifs dont elles sont responsables que pour des motifs graves et impérieux liés à la défense nationale ou à la sécurité publique, sous réserve de fournir au Défenseur des droit les


justifications de leur opposition ». Dans son avis du 4 février 2010, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme a relevé que « concernant la visite des lieux publics et de


locaux professionnels, la CNDS bénéficie d’une liberté totale ». On observera que la commission des Lois a amendé à juste titre ce texte en prévoyant que lorsque le Défenseur des droits


intervient en matière de déontologie de la sécurité, il peut faire des vérifications sur place sans possibilité d’opposition. Mais demeurent, pour les autres domaines d’intervention, des


possibilités de s’opposer à une telle intervention, et ce dans des termes très larges voire parfois assez flous. 3– ENFIN, L’AMÉNAGEMENT DES DISPOSITIONS TRANSITOIRES SOULÈVE CERTAINES


QUESTIONS. Il est prévu dans l’article 33 du projet que la loi organique entrera en vigueur le premier jour du troisième mois suivant sa publication. A compter de ce jour, le Défenseur des


droits succèdera au Médiateur de la République. Quant aux autres autorités administratives indépendantes (Défenseur des enfants, CNDS, Halde), elles ne seront intégrées que deux mois après


le premier du cinquième mois suivant la publication. Il est pour le moins très étonnant de voir qu’une autorité créée pour un regroupement estimé nécessaire par le législateur organique ne


soit pas fusionnée dans son intégralité à la même date. Le contraire n’aurait pas de sens. La cohérence du système impose son regroupement intégral à la même date. Il importe que les


services de chaque organisme puissent se positionner dans un ensemble clair et cohérent. De telles dispositions transitoires risquent en effet de créer un déséquilibre entre les différentes


institutions intégrées. Il faut que chacune puisse participer à la mise en place de l’institution, sans qu’un avantage puisse être donné à l’une ou à l’autre en termes de mise en œuvre de


l’organisation des services. On peut réellement penser que c’est le premier arrivé qui aura la main sur cette organisation. CONCLUSION Le Défenseur des droits, tel qu’il se dessine dans le


projet de loi organique adopté le 4 juin dernier par le Sénat, apparaît comme une institution constitutionnelle « en trompe l’œil ». La procédure de désignation qui est prévue le rattache


directement au pouvoir exécutif, et laisse ainsi planer de grandes incertitudes sur la réalité de son indépendance. Le périmètre défini par le projet de loi organique ne reflète aucune


cohérence, aucune logique de rationalisation. Le dernier état du projet prévoit une fusion-absorption du Médiateur de la République, du Défenseur des enfants, de la CNDS et de la Halde, et


du Contrôleur général des lieux de privation des libertés. La plupart de ces autorités administratives indépendantes ont un dénominateur commun: elles ont toutes déplu au Prince… De nouveaux


débats s’annoncent au Parlement. Rien n’est encore joué. Des propositions d’amendement peuvent permettre de donner des garanties aux citoyens sur le fonctionnement démocratique de cette


institution, notamment en termes d’indépendance. Il existe un réel enjeu pour l’avenir et la défense des citoyens. Un Défenseur des droits indépendant, démocratique et performant est encore


possible, et le Parlement peut encore le mettre sur de bons rails.