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l'essentiel Le club de mangas du lycée ruthénois François d’Estaing est un lieu de réflexion et de débats entre des jeunes gens passionnés de la culture japonaise que les textes des
mangas véhiculent. Un club de mangas ? Pourquoi ? La première idée serait d’évoquer un quelconque club de lecture entre passionnés de bandes dessinées japonaises. Pourtant, au sortir de
cette rencontre avec les lycéens du club de mangas du lycée François d’Estaing, force est de reconnaître que l’heure passée en leur compagnie fut riche et enrichissante. Tout d’abord,
lorsqu’ils s’expriment tous se respectent sans couper la parole de l’autre. Cette écoute est réelle, le débat sincère, argumenté, constructif. > "On vit en chaussettes ou en
claquettes, c’est la lecture de > mangas qui m’a amenée à pousser ma famille à le faire" Un excellent point de départ pour comprendre encore mieux leur passion. Rapidement, l’idée
fausse du club de lecture s’efface pour laisser place à une réflexion sur la vie, la manière dont ces jeunes définissent la leur. Le manga est un outil important dans leur parcours. « Avant,
ma chambre n’était pas rangée. Je laissais tout traîner. Lire des mangas, voir comment la société japonaise est ordonnée m’a conduit à ranger ma chambre où tout maintenant est à sa place»,
reconnaît un élève de terminale. «Chez moi, nous laissons tous nos chaussures à l’entrée de la maison. On vit en chaussettes ou en claquettes, c’est la lecture de mangas qui m’a amenée à
pousser ma famille à le faire», ajoute une autre lycéenne. On parle aussi de sushis, de styles vestimentaires propres à l’univers japonais. La réflexion est définie, précisée par des choix
personnels d’appropriation d’une identité. «C’est parfois difficile à faire admettre aux autres». La réflexion va même encore plus loin. «L’univers des mangas serait encore plus présent dans
notre société si la musique pop japonaise avait su autant pénétrer notre culture que la K-pop a su le faire avec les Coréens du sud. Il n’y a pas de très forte pénétration d’une société
sans l’apport de la puissance de la musique». DÉCOUVERTE DES MANGAS « Enfant, j’ai gagné dans un quine une cassette vidéo d’un manga. Je l’ai regardée des centaines de fois avant de pouvoir
acheter beaucoup plus tard le livre dont cette vidéo était tirée. J’étais fascinée car cet univers était le mien. Ce fut une révélation», raconte Julie Costes, la professeur de français qui
accompagne ce club. « Pour moi, ce fut une amie qui m’a donné un manga à lire, j’ai découvert, apprécié», ajoute une lycéenne. «Chez moi, mes parents lisaient des mangas, ils m’ont donné
leurs livres à lire. Je suis devenue une passionnée». Les révélations se succèdent les unes aux autres. Alors pourquoi cette passion ? « Les dessins, les histoires, la manière
cinématographique de raconter des choses, de bousculer notre imaginaire». > "Le manga est comme les autres arts d’expression un outil de > l’imaginaire" Simpliste le manga ?
«Certainement pas, quand on veut dénigrer cet art on dit que c’est pour les enfants ou que c’est trop violent». Pesé, jugé, condamné... « Ces réponses sont souvent le fait de personnes qui
ne prennent pas le temps de vraiment comprendre. Certes, il existe des mangas pour les enfants mais il y en a beaucoup d’autres pour les adultes. Les mangas sont d’ailleurs classés suivant
l’âge des lecteurs». Néanmoins, il subsiste des réticences fortes. « En cinquième, j’ai voulu présenter comme livre de lecture un manga. La professeur de français m’a rétorqué que ce n’était
pas un livre». Le fameux débat entre ce qui est classique et ce qui ne l’est pas. Pourtant rien ne dit que Baudelaire, vivant en 2023, ne lirait pas des mangas ou que Victor Hugo ne serait
pas abonné à Netflix pour y puiser des idées ? « Le manga est comme les autres arts d’expression un outil de l’imaginaire. Il est simplement fait par des Japonais avec la culture de leur
île. S’intéresser à cet art est s’ouvrir aux autres. Notre club a cet objectif d’autant que parmi nous beaucoup dessinent ou écrivent des histoires». À entendre ces lycéens, on comprend que
cette passion les réunit et qu’ils en sont heureux. TEXTES CLASSIQUES EN MANGAS Les auteurs de mangas développent des thématiques liées à la culture japonaise dont ces bandes dessinées en
sont une illustration. Mais pas que. Ces dessinateurs se nourrissent aussi d’écrivains étrangers comme l’Américain Howard Phillips Lovecraft spécialisé dans le fantastique. On trouve aussi
en mangas de nombreux autres livres classiques comme Jane Eyre, le comte de Monte-Cristo, Raison et sentiments, Othello, Hamlet, Dracula ... « Le mangaka japonais, Ryota Kurumado, a adapté
en manga, La Peste d’Albert Camus», ajoute la professeur de français, Julie Costes. «C’est captivant de voir comment l’imaginaire du dessinateur se confronte aux images que l’on peut avoir
de ce livre».