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Didier Cordorniou, maire de Gruissan et vice-président de la Région Languedoc-Roussillon annonce qu'il vient de se rapprocher du Parti Radical de Gauche. Costume noir, sobre, Didier
Codorniou, nous reçoit dans la grande salle du conseil municipal de Gruissan, dont il est maire depuis 2001. Après l'installation du nouveau Conseil Régional du Languedoc-Roussillon,
dont il aurait pu prétendre légitimement à la place suprême de président, il a accepté de se prêter au jeu des questions-réponses d'une interview politique. Très à l'aise dans ses
baskets, avec sa barbe de deux jours, il parait à l'aise face aux journalistes de La Dépêche du Midi, venus l'interviewer, le filmer et le photographier. Faut dire que le Petit
prince du rugby français en a vu d'autres… De sa première sélection avec le XV de France le 7 juillet 1979 face aux All Blacks, aux combats politiques menés sur sa ville de Gruissan et
aux régionales de 2010 dont il était tête de liste dans l'Aude, pour son mentor, Georges Frêche, à 56 ans, il a l'habitude de se mettre en danger et de prendre des coups. Certains
font plus mal que d'autres, surtout les plus bas. C'est ce qu'il reproche aujourd'hui au PS audois, ces coups en dessous de la ceinture qu'il encaisse depuis son
exclusion du Parti Socialiste en 2010. Sa demande de réintégration n'ayant pas abouti en début d'année, Didier Cordorniou a décidé de tourner la page socialiste et de se diriger
vers d'autres objectifs. Il reste fidèle à ses valeurs d'homme de gauche et annonce son arrivée au PRG. LORS DE VOTRE CANDIDATURE AUX DERNIÈRES LÉGISLATIVES FACE À MARIE-HÉLÈNE
FABRE, VOUS AVEZ ÉTÉ CONSIDÉRÉ COMME UN DISSIDENT PAR LE PARTI SOCIALISTE. LA LOGIQUE AURAIT VOULU QUE VOUS SOYEZ CANDIDAT CETTE FOIS À LA PRÉSIDENCE DE LA RÉGION SUITE AU DÉCÈS DE CHRISTIAN
BOURQUIN, AU CONTRAIRE VOUS AVEZ SOUTENU LE SOCIALISTE DAMIEN ALARY. QU'EST-CE QUI A DICTÉ VOTRE CHOIX : LA RAISON, L'OBLIGATION, L'AMITIÉ ? Je suis dans une démarche
politique ferme sur des principes, fidèle sur des valeurs, mais jamais prisonniers des dogmes. Ma ligne de conduite est celle de Jaurès : «Vivre pour autrui, vivre avec soi-même. Je
n'ai jamais été dissident, pour l'être il faut avoir rendu sa carte, moi la carte du PS m'a été prise par Paris. Concernant Damien Alary, j'ai attendu avant de le
soutenir car je suis toujours dans le cadre de la légitimité. J'ai toujours pensé que Robert Navarro, qui était le premier vice-président, était légitime de se positionner. Au bout de
quelques jours, je me suis aperçu pour l'avoir aussi partagé avec lui, que son image était très abîmée et que ça allait être très compliqué pour lui et ses soutiens et donc j'ai
naturellement apporté mon soutien à Damien Alary. VOUS AVEZ ÉTÉ EXCLU DU PS DÉBUT 2010 POUR AVOIR FAIT LE CHOIX DE FIGURER SUR LA LISTE DE GEORGES FRÊCHE AUX RÉGIONALES, LUI-MÊME EXCLU DU
PARTI SOCIALISTE EN 2007 (1), AUJOURD'HUI, AVEC LE RECUL ET VOTRE EXPÉRIENCE, SI C'ÉTAIT À REFAIRE VOUS REFERIEZ CE CHOIX-LÀ ? Oui, sans réfléchir une seule seconde, moi je suis
fidèle aux hommes, je ne suis pas un homme d'appareil et je ne le serai jamais et c'est certainement pour cela qu'aujourd'hui l'appareil socialiste audois me
rejette. J'ai été exclu par l'appareil parisien contre la volonté des militants, j'en garde une blessure et un sentiment d'injustice. Et ma demande de réintégration
repoussée aux calendes grecques par le PS audois m'encourage à continuer à parcourir mon chemin au service de l'expérimentation. VOUS DONNEZ L'IMPRESSION D'ATTACHER
BEAUCOUP D'IMPORTANCE À LA FIDÉLITÉ ET À LA MORALE, C'EST COMPATIBLE AVEC UNE CARRIÈRE POLITIQUE ? Je continue à penser que l'étique et la morale en politique c'est ce
qui va faire la différence demain. J'essaie d'être dans une démarche pure et sans tache. Je ne suis pas dans les carrières et ma force réside en ce que je suis profondément un
homme libre et autonome tout en étant fidèle. Pour moi, la notion d'équipe est essentielle et, d'ailleurs, ma vie a été bercée sur cette notion d'équipe, qu'elle soit
politique, sportive ou professionnelle. On ne peut pas avancer tout seul et on ne triche pas avec les règles. C'est ce que je reproche d'ailleurs au PS audois de faire évoluer les
règles en fonction de la tête du client. MALGRÉ TOUT, DANS UN SOUCI D'APAISEMENT, VOUS AVEZ DEMANDÉ VOTRE RÉINTÉGRATION AU PS APRÈS LES MUNICIPALES DE MARS 2014. VOTRE DÉMARCHE N'A
PAS ABOUTI, POURQUOI ? Aucune idée ! L'HOMME DE GAUCHE QUE VOUS ÊTES A-T-IL ÉTÉ ÉBRANLÉ PAR CES ÉPISODES ? Oui, c'est une vraie fracture, une blessure profonde et comme je vous le
disais, un vrai sentiment d'injustice. Homme de gauche, fidèle serviteur, j'ai toujours soutenu une vraie politique de gauche ouverte à la société civile ce qu'avait fait de
manière admirable François Mitterrand. En fait, depuis 1981, j'ai eu un certain nombre de blessures. J'ai été évincé de l'équipe de France de rugby parce que j'étais trop
proche du gouvernement, j'ai été exclu par Solférino (N.D.L.R. : siège du PS à Paris) parce que j'ai soutenu Georges Frêche, maintenant cet épisode avec le PS audois qui n'a
pas souhaité ma réintégration alors que, pour d'autres camarades, les réintégrations se sont faites sans les mêmes règles, c'est deux poids et deux mesures. On est dans une
injustice totale parce que je crois que le camarade Codorniou dérange. Peut-être par rapport à sa liberté de parole et de pensée… Maintenant je suis un homme de paix, de conviction et
d'action, je veux rester dans ce triptyque-là. Ce qui m'intéresse c'est d'agir et de faire et je crois que le PS audois fait fausse route en n'essayant pas de
corriger ses faiblesses. PARTANT DE CE CONSTAT, COMMENT ENVISAGEZ-VOUS VOTRE AVENIR POLITIQUE ? J'ai décidé de rejoindre le Parti radical de gauche qui est prêt à m'accueillir
parce que lorsque vous êtes rejeté par votre famille, vous vous rapprochez du cousin germain et pour moi le PRG est un cousin proche et j'y ai des amis très chers. Le président du PRG
Jean-Michel Baylet est aussi un ami de très longue date que je connais depuis plus de trente ans, quand j'ai joué au Stade Toulousain et quand j'ai travaillé en Midi-Pyrénées.
J'ai toujours eu avec lui des liens de fraternité. J'ai donc souhaité me rapprocher de son mouvement, car pour moi le PRG est plus un mouvement de réflexion qu'un parti. Ce
n'est pas une machine à fabriquer des élus et des carrières. Le PRG doit me permettre d'expérimenter des modèles économiques et une autre forme de politique. Et je suis très
content que Jean-Michel Baylet ait souhaité remettre de l'ordre dans les relations avec le gouvernement pour obtenir une vraie écoute. En fait, je retrouve avec le PRG la politique que
je mène à Gruissan dans le cadre de la démocratie participative. À LA RÉGION, VOUS VENEZ DE PRENDRE LA DÉLÉGATION DU PARLEMENT DE LA MER. VOTRE MISSION EST DE FÉDÉRER, RASSEMBLER ET
REPRÉSENTER LA COMMUNAUTÉ MARITIME DU LANGUEDOC-ROUSSILLON ET DE FAIRE ÉMERGER DES PROJETS AVEC TOUS LES ACTEURS DE LA MER. QUELS SONT VOS ESPOIRS ? Ce projet consiste à fédérer la
communauté maritime et à réfléchir comment de la croissance bleue qui est estimée à 1 500 milliards d'euros, la Méditerranée peut prétendre à prélever quelques pourcentages sur cette
économie maritime. Il existe un cluster maritime mais qui n'est pas identifié au cluster méditerranéen. Donc le premier point c'est de déterminer un cluster maritime méditerranéen
pour établir ce que représente réellement l'économie maritime issue de la Méditerranée. Pour faire court, aujourd'hui 90 % des marchandises transitent par les océans. 450 milliards
d'euros sont produits au niveau de l'Europe. En France, on parle de 300 000 emplois. Et il y a une vraie stratégie à mettre en place pour l'union de la Méditerranée qui est
le berceau de la civilisation. Pour le transport de la Méditerranée aujourd'hui il y a trois ports avec Rotterdam, Marseille et Barcelone. Nous, on a le port de La Nouvelle qui demande
à se développer et à créer un véritable maillage sur notre région. Le parlement de la mer peut insuffler une dynamique sur le port de La Nouvelle et celui de Sète, et là il y a un lien entre
les régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées. À CE PROPOS, LE REDÉCOUPAGE TERRITORIAL IMAGINÉ PAR LE GOUVERNEMENT PRÉVOIT UNE FUSION DE CES DEUX RÉGIONS, VOUS Y ÊTES FAVORABLE ? La
question est trop brutale, elle se pose différemment. Je suis favorable pour que l'ensemble des modèles économiques que nous avons expérimentés en Languedoc-Roussillon, comme la marque
Sud de France, le parlement de mer… ont besoin de continuer leur expérimentation et ce qui me fait peur à travers une grande fusion c'est que tout ce que l'on a lancé s'arrête
pour des audits de fusion et pour en arriver finalement à un ralentissement de la croissance. Notre région est un paradoxe, elle crée le plus d'entreprises, avec 27 500 entreprises
créées, elle est très attractive en termes de démographie avec 30 000 habitants supplémentaires par an et malgré tout on a un des taux de chômage les plus élevés. Notre vraie richesse est le
contournement de la Méditerranée. Donc la fusion ne correspond pas forcément aux attentes de nos populations et on ne peut pas répondre oui ou non. En revanche, je suis très attaché à la
région Midi-Pyrénées, d'ailleurs la clientèle de Gruissan est de Toulouse. L'Assemblée nationale va décider, je pense que la fusion devrait se faire, et je suis pour qu'il y
ait des passerelles entre nos régions, des conventionnements car nous avons les mêmes équilibres, les mêmes enjeux. AU SEIN DU GRAND NARBONNE VOUS ÊTES EN CHARGE DES DOSSIERS ÉCONOMIQUES,
VOUS AVEZ DES PISTES DE DÉVELOPPEMENT ? Nous allons mettre en place un schéma de développement économique qui s'inspire du schéma régional et du schéma départemental, avec trois axes de
travail : le développement économique avec les PME et les PMI, le travail sur le patrimoine avec le secteur du tourisme et travailler sur le secteur de la glisse, avec le vent et le soleil
comme atouts. Ce sera un domaine intéressant dans le cadre d'une pépinière d'entreprises. Cette piste est intéressante car on parle d'emplois non délocalisables. Cette
pépinière pourrait traiter de l'éolien flottant, sur la glisse avec son côté événementiel. Nous devons séduire des fabricants de différents matériaux liés à l'innovation. À
GRUISSAN VOUS ÊTES SYSTÉMATIQUEMENT ÉLU AU PREMIER TOUR AVEC DES SCORES INSOLENTS. ÇA SIGNIFIE QUE VOUS ÊTES UN BON MAIRE OU QU'IL N'Y A PAS DE CONCURRENCE ? Les Gruissanais nous
font confiance parce qu'on est sur la parole donnée. Ce qu'on dit on fait. Il doit y avoir un peu de crédibilité, du sérieux, de la compétence. En termes de capacité
d'autofinancement, on est à 2,5 millions d'euros, donc je pense que le maire et son équipe gèrent bien les affaires de la commune. C'est dur de dire qu'il n'y a rien
en face, je ne peux pas laisser dire ça, mais tout simplement nos scores aux élections témoignent d'un sentiment de satisfaction de la population. Ici, le bien vivre ensemble
n'est pas qu'une signature, ici la population s'exprime librement et elle est entendue avec la démocratie participative. VOUS, LE «PETIT PRINCE» DU RUGBY FRANÇAIS, SI ON VOUS
DONNAIT LE CHOIX ENTRE DEVENIR SÉLECTIONNEUR DU XV DE FRANCE OU PRÉSIDENT DE LA FUTURE GRANDE RÉGION, VOUS HÉSITERIEZ ? (Grand éclat de rire…) Heu… (grand silence), j'ai droit à un
joker… _1 - Georges Frêche a été exclu du PS en 2007 suite en raison de ses propos sur le nombre de joueurs noirs qui composait alors l'équipe de France de football._