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A Cannes, pendant le festival, on dirait qu’elle est une "sensation". Sur la scène des Victoires ou des Molière, qu’elle est une "révélation". Marine Tondelier ne fait ni
dans le cinéma, ni dans la musique, encore moins dans le théâtre. Mais il faut reconnaître qu’en quelques semaines la jeune femme est passée du discret statut de secrétaire nationale des
Ecologistes à celui de figure de proue du Nouveau Front populaire, dont elle incarne la cohérence. BON NOMBRE DE FRANÇAIS VOUS ONT DÉCOUVERT À L’OCCASION DE CES LÉGISLATIVES. ILS VOIENT LE
RÔLE QUE VOUS JOUEZ AU SEIN DU NOUVEAU FRONT POPULAIRE... Vous savez, en politique, on perd ensemble et on gagne ensemble. Et donc la victoire de dimanche soir, elle est collective. Mais il
est vrai que les écologistes ont pu jouer un rôle de trait d’union pendant toute cette séquence qui, je pense, a été assez fondamentale. OÙ EN SONT LES DISCUSSIONS INTERNES, AU MOMENT OÙ LE
CHEF DE L’ÉTAT VA DEVOIR DÉSIGNER UN PREMIER MINISTRE. VOUS AVEZ UN NOM À LUI PROPOSER? Nous sommes au travail. C’est quand même la première chose qui intéresse vos lecteurs. Il faut aussi
leur dire, et ils s’en doutent, que tout cela n’a rien de confortable, ni de facile, ni d’évident. Et c’est logique puisque l’on est dans une situation institutionnelle inédite: nous avons
gagné, mais n’avons pas de majorité absolue et nous avons gagné dans une circonstance très particulière, celle d’un barrage au Rassemblement national, qui nous oblige. Nous devons faire
preuve de modestie. Le camp présidentiel, qui obtient plus de sièges qu’il ne pouvait l’espérer grâce à ce même front républicain et aux votes des électeurs de gauche, doit de son côté
sortir du déni. C’EST-À-DIRE? Je suis assez surprise de constater une forme de paroxysme du “en même temps”, suite à une décision de dissolution qu’Emmanuel Macron a prise seul, et dont il
porte l’entière responsabilité. Le président dimanche a perdu. Et il nous explique maintenant qu’en même temps, il aurait quand même un peu gagné ? La plaisanterie n’a que trop duré. Je
pense que ce n’est pas bien de faire ça, que la logique institutionnelle dicte à Emmanuel Macron de nous appeler, nous les forces du Nouveau Front populaire, pour nous demander un nom de
Premier ministre. A ce stade, il ne l’a toujours pas fait. Vu le choc des résultats de dimanche soir, vu la particularité de la séquence, on peut entendre qu’il se donne un peu de temps.
Mais l’urgence sociale et environnementale est telle, qu’à un moment, on va devoir quand même se mettre au travail un peu activement et tout le monde va devoir accepter les résultats de
dimanche soir. Celles et ceux qui ont perdu vont devoir accepter la défaite. Et nous, les forces du nouveau Front populaire, allons devoir trouver des solutions. EST-CE QUE VOUS REDOUTEZ QUE
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FASSE LE CHOIX D’UN PREMIER MINISTRE ISSU DE SON CAMP? Ce serait une grave erreur. Il a décidé seul de dissoudre l’Assemblée nationale. Il a plongé le pays
dans quatre semaines très particulières. Il a pris du temps, de l’énergie à tout le monde. On aurait fait tout ça pour ça, pour en revenir à la case départ ? C’est impossible ! Ce serait un
véritable déni de démocratie. 73 % des Français demandent une rupture avec les politiques menées par Emmanuel Macron. Ça comprend nos électeurs, mais aussi des électeurs qui n’ont pas voté
pour nous et aussi beaucoup qui n’ont pas voté du tout. Celles et ceux qui font semblant de ne pas voir cette réalité en face aujourd’hui sont irresponsables et ne font en réalité qu’une
chose : dérouler le tapis rouge au RN pour 2027. QUELLES SONT LES QUALITÉS REQUISES POUR ÊTRE LE PREMIER MINISTRE DANS LA SITUATION ACTUELLE? Premièrement, le ou la Premier ministre doit
être une personne qui, évidemment, se retrouve dans le programme du Nouveau Front populaire pour qu’elle puisse le porter avec sincérité. Deuxièmement, il doit s’agir d’une personne
susceptible d’apaiser le pays, qui en a grand besoin. Troisièmement, une personne qui fasse consensus au sein du Nouveau Front populaire, parce que vous voyez bien qu’il y a besoin de garder
un collectif compact, en confiance. La personnalité rassembleuse de ce Premier ministre ou de cette Première ministre est d’importance. Et quatrièmement, quelqu’un qui a évidemment
l’expérience et les compétences requises pour le job. Quand je regarde notre mouvement, je me rends compte qu’il y a beaucoup de personnes, des hommes, des femmes, des socialistes, des
communistes, des écologistes, des insoumis qui répondent à ces critères. Il n’y a pas de problème, on trouvera la bonne personne. EST-CE QUE CETTE PERSONNE CAPABLE DE PARLER À UN SPECTRE
LARGE D’ÉLECTEURS POURRAIT-ÊTRE VOUS? Ce n’est pas exactement comme ça que se pose la question en réalité. Pour moi, la question du "qui" est secondaire. Les questions qui
m'obsèdent cette semaine, ce sont "pourquoi faire ?" et "comment on va le faire ?". Car l’espoir que nous avons créé avec le Nouveau Front Populaire est immense et
ne peut pas être déçu. Évidemment, il va y avoir des coups de billard à trois bandes ces prochains jours mais les considérations de politique politicienne m’intéressent peu. La raison pour
laquelle on a si peu dormi depuis le 9 juin, à réaliser l’union des gauches que tout le monde pensait impossible, la raison pour laquelle je me suis engagée en politique, c’est changer la
vie des Françaises et des Français. Nous, on veut améliorer leur quotidien et on veut permettre leurs lendemains. C’est pour ça que je lie toujours la justice sociale et la justice
environnementale. On a besoin d’être très concentrés sur ces priorités-là. ON RÉUSSIT À GARDER CET IDÉAL EN TÊTE, À RESTER AU-DESSUS DE CES CONSIDÉRATIONS DE POLITIQUE? Les écologistes
prendront toute leur part pour que le Nouveau Front Populaire soit à la hauteur des enjeux et que nous soyons collectivement responsables. Je trouve dans tout ce dont je vous ai parlé,
l’énergie, la motivation nécessaire pour être très patiente. Quand vous êtes née, avez grandi, que vous habitez et que vous êtes élue dans une ville gérée par le Rassemblement national
depuis maintenant dix ans, ça remet un peu les idées en place et les choses en perspective. Je sais exactement pourquoi je suis là et ce que j’ai à faire. LE NOUVEAU FRONT POPULAIRE DEVRA
AUSSI PARLER À DES ÉLECTEURS QUI ONT VOTÉ POUR LUI NON PAR CONVICTION MAIS POUR FAIRE BARRAGE AU RN... J’ai fait beaucoup de barrages républicains dans ma vie. Mon premier désistement
républicain date de 2009, aux élections municipales partielles, quand l’ancien Maire de ma ville a été emprisonné pour corruption. En tout, j’ai voté trois fois pour Emmanuel Macron et pour
Xavier Bertrand, contre le Rassemblement national. J’ai bien en tête le coût humain et politique que constitue la démarche, pour tous les candidats qui ont eu à se désister, pour tous les
électeurs qui ont accepté de se déplacer, pour faire barrage au Rassemblement national. Ça vaut dans les deux sens : les députés macronistes qui ont été élus, en grande partie par ces
voix-là, ne doivent pas l’oublier non plus. QUELLE SERA LA PLACE DE L’ÉCOLOGIE DANS LA POLITIQUE DU NOUVEAU GOUVERNEMENT? L’écologie a été peu présente dans la campagne. Je le déplore. Et
l’écologie ne peut pas se limiter dans toute cette séquence politique à la couleur de ma veste. Il est essentiel que les sujets que nous portons en tant qu’écologistes soient aussi présents
dans les politiques qui seront menées, c’est déterminant pour l’avenir de nos enfants et de nos petits-enfants. Car l’écologie plus tard, c’est l’écologie trop tard.