"le gilet bleu que l’on porte équivaut à une cible": menacés, insultés, les agents de la société qui contrôlent les parcmètres à nice crient leur ras-le-bol

"le gilet bleu que l’on porte équivaut à une cible": menacés, insultés, les agents de la société qui contrôlent les parcmètres à nice crient leur ras-le-bol

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Cela fait plus d’une semaine qu’ils ont troqué leur gilet bleu contre les chasubles rouges de la CGT. Un gilet bleu qui, pour eux,_ "équivaut à une cible"_. Les quatorze salariés


de Moovia dénoncent des conditions de travail difficiles, pour ne pas dire dangereuses, et demandent une revalorisation de leurs salaires en conséquence. Cette filiale du groupe Transdev


s’est vue confier, par la municipalité, la gestion des parcmètres niçois. La ville en compte 11.700. Les 14 agents de Moovia doivent en faire le tour quotidiennement, six jours sur sept. Une


mission quasi-impossible, assurent-ils. Une mission à haut risque, surtout. Le récit de leurs pérégrinations donne des frissons. "LA PROCHAINE FOIS, ON VOUS FLINGUE" _"On


fait entre 11 et 18 kilomètres par jour, en fonction du secteur qui nous est affecté. Une première équipe commence sa tournée à 8h45,_ détaille Julien (1). _Une seconde à 10h30, pour


terminer à 18 heures."_ Même si le stationnement est censé être payant jusqu’à 20 heures._ "On a obtenu de ne pas aller au-delà de 18 heures car, après, le niveau de violence


devenait trop important"_, justifie-t-il. _"Quand les gens rentrent chez eux après une journée de travail, parfois compliquée pour eux aussi, les insultes et les menaces


redoublent"_, poursuit Laurent, un de ses collègues. Cette violence, tous affirment y avoir déjà été confrontés. Chacun y va de sa petite histoire. _"Une fois, sous le pont


Abbé-Grégoire_ [quartier Trachel], _une voiture s’est arrêtée à ma hauteur,_ raconte Alice. _Un gars en est descendu tranquillement. Il s’est approché et m’a demandé s’il pouvait me poser


une question… En fait il n’en avait pas vraiment. Il a sorti un pistolet et m’a dit: la prochaine fois qu’on vous croise on vous flingue."_ Pour Alice, le message ne s’adressait pas


qu’à elle. _"Mais à nous, les gilets bleus."_ "UN ANCIEN CRS N’A PAS TENU PLUS DE 3 JOURS" _"En fait les gens sont persuadés que les amendes qu’ils prennent


finissent dans notre poche"_, souffle Maryse. Comme tous ses collègues, elle est payée à peine plus que le Smic. Et ne touche évidemment aucune commission sur le nombre de PV dressés.


_"Je crois même que ce serait illégal"_, avance un de ses collègues. Du coup, ce salaire de la peur leur paraît bien dérisoire. _"On a même une collègue qui a failli se faire


enlever,_ reprend Julien._ C’était il y a quelques années, boulevard Raimbaldi. En plein centre-ville. Un automobiliste qui sortait d’un bar a ouvert le coffre de sa voiture pour tenter de


la faire monter dedans."_ La jeune femme, âgée d’une vingtaine d’années, a préféré démissionner. Comme beaucoup d’autres. En l’espace de trois ans, pas moins d’une soixantaine de


recrues ont raccroché leur gilet bleu. _"Certains n’ont pas tenu plus d’une demi-journée,_ rapporte Julien. _On a même eu un ancien de la police. Il avait été CRS pendant 22 ans. Il a


capitulé au bout de trois jours."_ Comme les forces de l’ordre, les contrôleurs de Moovia sont régulièrement victimes de fichage. _"Les gens nous prennent en photo ou nous filment.


Ils mettent ça sur les réseaux sociaux ou des sites comme radar.com"_, détaille Laurent. C’est sa fille qui lui a ouvert les yeux sur cette pratique: _"Un soir elle est venue me


voir en me disant: regarde papa, c’est pas un de tes collègues, là, sur TikTok."_ En commentaire, les agents peuvent lire les mêmes insultes qu’ils essuient au quotidien dans la rue._


"C’est sans cesse des intimidations, des menaces… Et ce, quel que soit le niveau social des gens. Une fois, c’est même un avocat qui a mis un coup de poing à un de nos collègues. La


police est arrivée et l’a embarqué. Mais il est ressorti du commissariat avant même que le collègue ait fini de faire sa déposition."_ "28 PLAINTES… CLASSÉES SANS SUITE" En


l’espace de trois ans, 28 plaintes auraient ainsi été déposées par les gilets bleus niçois._ "Toutes ont été classées sans suite_, assurent-ils. _On aimerait bien bénéficier d’une


assistance juridique. On est quand même des agents assermentés."_ Sauf qu’ils n’en ont pas vraiment les attributs avec leur simple chasuble pour uniforme. En cas de pépin, ils disposent


d’un bouton d’alerte relié au centre de supervision urbain. Maigre rempart selon eux. _"Ça va très vite. Les agressions se déroulent en l’espace de quelques secondes. Et lorsqu’un


équipage de police arrive enfin, c’est généralement trop tard."_ À les entendre, ces violences seraient récurrentes: _"Ce n’est pas tous les jours mais ça arrive régulièrement. En


revanche, les insultes c’est quotidien. Quand ce n’est pas des crachats ou je ne sais quoi d’autre… Des œufs, des cailloux, un poivron une fois. Et même de l’huile bouillante jetée depuis un


balcon."_ Heureusement pour Maryse, un camion garé a fait rempart. _"C’est lui qui a pris, sans ça j’étais défigurée. Tout ça pour gagner le Smic"_, souffle-t-elle. Comme ses


collègues elle se dit prête à assumer "les risques du métier" mais pas à n’importe quel prix. Voilà pourquoi les agents de Moovia se sont mis en grève. Pour exprimer leurs


revendications, mais aussi leur ras-le-bol. 1- TOUS LES PRÉNOMS ONT ÉTÉ CHANGÉS POUR GARANTIR L’ANONYMAT DES TÉMOIGNAGES.