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Persona, étrangement humain est une exposition présentée au Musée du Quai Branly du 26 janvier au 13 novembre 2016. Le commissaire d’exposition et anthropologue, Emmanuel Grimaud, voulait «
confronter les arts premiers et la robotique » à travers un parcours découpé en quatre parties. «_ Depuis la nuit des temps, des cailloux aux robots humanoïdes, les humains traitent les
objets comme des personnes : 80 % des objets du quotidien peuvent être considérés comme des personnes_ » — c’est ainsi que commencent les explications de l’anthropologue Emmanuel Grimaud à
propos de l’exposition avant de nous inviter à arpenter ses salles. Alors _Persona, étrangement humain_, ça ressemble à quoi ? Bien que l’exposition soit organisée au musée du quai Branly,
Musée des arts primitifs, Persona, étrangement humain surprend le visiteur par l’hétérogénéité des supports : des têtes trophées momifiées péruviennes datant du IVe siècle côtoient ici une
love doll japonaise. Quel est le rapport, allez-vous penser, et vous auriez raison. CAR C’EST LE BUT DE L’EXPOSITION, SUSCITER UN QUESTIONNEMENT CHEZ LE VISITEUR QUI DOIT SE DEMANDER : «
QUEL EST LE LIEN QUI ME LIE À CET OBJET ? » Vue de l’exposition Et il faut reconnaître que l’expérience prend tout son sens après avoir parcouru les deux premiers univers pour arriver à La
Vallée de l’Étrange, troisième partie de l’exposition, qui pose en fait vraiment cette question. Masahiro Mori, roboticien japonais démontre par ses créations le principe bien connu de
_l’uncanny valley_ : plus une créature artificielle prend l’apparence de la forme humaine, plus elle a de chances de créer de l’empathie et de l’attachement tout en courant le risque de
créer le sentiment inverse, voire une vraie répulsion si le degré de réalisme est trop élevé… car infiniment _non humain_. SMARTPHONE IS THE NEW GRIGRI Pendant cette visite d’une heure, un
Emmanuel Grimaud passionné a expliqué chaque œuvre exposée, le cheminement de sa pensée, racontant parfois ses voyages et les expériences qu’il a pu connaître. On s’est laissé porter sans
mal par ce périple aux quatre coins du monde au prisme des objets tous plus insolites les uns ques les autres. Crâne séché Mundurucu 2.0 oblige, la visite de l’exposition était encadrée par
un _community manager_ du musée retweetant et relayant les tweets postés par les visiteurs du groupe avec lequel nous faisions la visite : blogueuses et blogueurs, youtubeurs et autres stars
d’Instagram étaient de la partie. Surmotivés par les potentiels retweets du musée, nos co-visiteurs, vissés à leurs smartphones, _switchaient_ avec succès entre Twitter, Facebook et autre
Snapchat. Un live Periscope, lancé par l’un d’entre eux éprouvant le besoin irrépressible de partager son expérience culturelle est allé jusqu’à interrompre le discours d’Emmanuel Grimaud
commentant une pièce, le visiteur n’hésitant pas à y aller de son « _Bonjour à tous, alors ce soir nous sommes au musée du Quai Branly pour la visite de l’exposition bla bla bla… _»,
absolument pas gêné de parler tout haut en même temps que son hôte. > Ne pouvant empêcher les visiteurs de faire une pause dans leur > rituel twitto-perisco-insta-facebook,
l’exposition a rempli son > objectif S’il aurait été facile de s’emporter contre ce micro-événement, cela a été surtout l’occasion de voir, en filigrane, le dessein malin du commissaire —
et du Quai Branly. CAR CE SOIR, IL Y A EU DEUX EXPOSITIONS EN UNE : L’OFFICIELLE, CELLE ORGANISÉE PAR EMMANUEL GRIMAUD ET ANNE-CHRISTINE TAYLOR-DESCOLA ET L’OFFICIEUSE — OFFERTE PAR LES
VISITEURS ET LEUR RAPPORT PERSONNEL AUX OBJETS TECHNOLOGIQUES. Ne pouvant empêcher les personnes présentes de faire une pause dans leur rituel twitto-perisco-insta-facebook, l’exposition a
rempli son objectif : questionner notre rapport aux objets technologiques et mettre en avant leur côté absolument _étrange_. Les visiteurs de ce groupe hyper connecté auraient pu faire
l’objet d’une œuvre d’art à part entière : on se plaît à imaginer un écran installé à la fin du parcours, qui retransmettrait en direct des images filmées dans les différentes salles qui
composent l’expo. Confrontés à ces images et à leurs rites, les spectateurs se seraient alors interrogés sur l’intensité des liens qu’ils créent et entretiennent entre leurs smartphones et
quelque chose de plus immatériel encore, mais tellement présent tout de même : les réseaux sociaux. Cette conclusion imaginaire, le Quai Branly a préféré la laisser en suspens. Libre à
chacun d’en faire l’expérience. Vue de l’exposition À la fin de sa présentation, EMMANUEL GRIMAUD A POURTANT CONCLU PAR L’INTERROGATIVE : «_ VEUT-ON VIVRE AVEC DES ROBOTS ? SI OUI, À QUOI
VEUT-ON QU’ILS RESSEMBLENT ?_ » En repensant au groupe qui a arpenté ces salles, on se dit que, peut-être, les designers d’Apple, Samsung ou Microsoft ont déjà répondu à cette question : le
robot de demain pourrait avoir la forme, si commune et si inscrite dans les comportements humains, du smartphone d’aujourd’hui. Toute l'actu tech en un clin d'œil Ajoutez Numerama
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