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Dans un article au sujet des rédactions britannique, Caitlin Johnstone note un changement de ton. _« Les rats commencent peut-être quitter le navire […] Les canailles des médias et de
l’establishment sentent un certain changement dans la direction du vent »_. Les mêmes mots pourraient être écrits en France à propos du _Parisien_, de _Marianne_, de _Libération_ ou encore
du Monde qui dans un éditorial publié ce mercredi résume assez bien la dynamique en cours : _« l’heure de la solidarité sans nuances [avec Israël] est passée »_. Il aura donc fallu plus d’un
an et demi pour en arriver là. Un laps de temps durant lequel les rédactions n’ont pourtant ni manqué de « sources » (le premier génocide filmé en direct) ni même de « sources plus
officielles » (la CPI alerte depuis décembre 2023 au sujet d’un « risque génocidaire »). La coalition de Benjamin Netanyahu n’a pas non plus cherché à avancer masquée, bien au contraire.
Elle a expliqué qu’elle traiterait les Gazaouis comme des « animaux humains », et elle l’a fait. Dans la Bande, mais aussi en Cisjordanie. Les rédactions n’ont pas rompu en réalité avec leur
narratif et leur analyse. _Libération_ en a livré une nouvelle démonstration ce mardi, publiant le jour où l’ONU s’inquiétait de la mort imminente de 14 000 bébés dans la Bande, une défense
de « nous Vivrons », un collectif proche de l’extrême-droite qui, sur fond de dévoiement de la lutte contre l’antisémitisme, s’est fait un adversaire acharné des soutiens de la cause
palestinienne. Mais elles ont senti que le vent tournait. Comme si, alors qu’il est désormais impossible de contester qu’un génocide est en cours à Gaza, une course folle s’était enclenchée
pour éviter d’être parmi les derniers à s’y opposer. Comme s’il fallait chercher à éviter la marque rouge « génocidaire » que l’Histoire appliquera un jour. Les politiques, eux aussi, ont
commencé à courir. Et le spectacle qu’ils offrent est absolument insupportable. Trump, de retour d’une tournée au Moyen-Orient, montrerait des signes d’agacement envers Netanyahu. Mais
pendant qu’il continue d’armer et de financer les crimes de la coalition d’extrême droite qui dirige Israël, ce sont les monarchies de la région qu’il vise. Et la Libye avec qui il négocie
le transfert d’un million de Palestiniens. Macron promet lui désormais de reconnaître l’Etat palestinien. Comme s’il y avait encore quelque chose à reconnaître. L’Union européenne, de son
côté, a décidé ce mardi de réexaminer son accord d’association avec Israël. Mais si les dirigeants européens feignent soudainement de s’inquiéter du sort des Palestiniens et découvrent
qu’ils peuvent « suspendre » des accords commerciaux et même des livraisons de bombes et de munitions, l’arme la plus implacable qu’ils ont à offrir à Israël est toujours là : la répression
du mouvement de solidarité avec la Palestine. Or c’est ce mouvement anticolonial et anti-impérialiste qui constitue l’une des menaces les plus importantes contre le régime d’apartheid
israélien. Et c’est le grand cadeau que les dirigeants européens sont prêts à maintenir et renouveler à l’égard de Netanyahou [1]. Dans cet océan d’hypocrisie, les centaines de milliers de
manifestants au Royaume-Uni et aux Pays-Bas ce week-end ont un peu réchauffé le cœur de ceux qui suivent la situation en Palestine avec un effroi sincère. Et ils sont plus nombreux que les
quelques milliers qui continuent de prendre la rue à Paris. Alors que ces dernières années le mouvement ouvrier a montré qu’il était la principale force capable de faire obstacle aux plans
du gouvernement, il serait temps que ses directions s’essayent enfin à construire une solidarité massive pour mettre fin au génocide et ouvrir la voie à l’autodétermination du peuple
palestinien. Si la lutte contre le militarisme, l’extrême-droite et l’autoritarisme du gouvernement est à l’ordre du jour, ces combats sont indissociables de la solidarité avec la Palestine,
laboratoire de la répression d’État ces derniers mois et de l’accoutumance aux massacres de masse. Le génocide en cours en Palestine continue de politiser de larges franges du monde du
travail et de la jeunesse. Les directions du mouvement ouvrier doivent s’engager sérieusement à leurs côtés, en alliance avec les collectifs propalestiniens, pour construire une solidarité
active avec le peuple Palestinien, grossir les rangs des mobilisations mais surtout utiliser les méthodes de la lutte de classes dans le cadre d’un combat anti-impérialiste. C’est à cette
condition qu’il sera possible de construire un vaste mouvement de soutien au peuple Palestinien en défense de son droit à l’autodétermination, mais aussi de préparer une riposte face aux
nombreuses offensives de Macron, au militarisme et à la répression qui s’abat sur les soutiens de la Palestine. C’est aussi à cette condition enfin que l’heure de l’Histoire viendra pour la
Palestine et le génocide en cours. Et ce jour-là, les retournements de veste tardifs ne feront pas oublier grand-chose.