Ils ont enquêté au cœur du pic pour "aller au bout de la rumeur"

Ils ont enquêté au cœur du pic pour "aller au bout de la rumeur"

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l'essentiel En 2012, Romain Lescurieux et Antonin Vabre s’étaient rendus à Bugarach pour voir la potentielle fin du monde maya. Dix ans plus tard, les deux journalistes sont retournés


sur place pour explorer davantage ce territoire, aussi bien physiquement en organisant une expédition spéléo au cœur du pic, qu’humainement, en racontant les histoires qui ont bâti la


légende du petit village des Corbières. Leur livre, "La montagne inversée", raconte cette expédition "jusqu’au bout de la rumeur". ROMAIN LESCURIEUX, À L’ORIGINE POURQUOI


VOUS ET ANTONIN VABRE VOUS ÊTES VOUS RENDUS À BUGARACH ? En 2012 nous étions étudiants en école de journalisme. On avait entendu parler de cette histoire comme tout le monde à travers les


chaînes d’infos. On a décidé d’y aller pour voir, pour nous c’était _the place to be_. À 25 ans, on a fait Paris-Carcassonne puis Carcassonne-Bugarach en voiture. On a découvert un endroit


suspendu dans un temps où personne ne savait vraiment pourquoi ils étaient là, pas même les 300 journalistes. Très vite, on s’est dit qu’on devait aller sur la montagne malgré les barrages.


Avec le recul c’est un peu bête, mais on était jeunes. On y a passé la journée, avec l’hélico qui tournait au-dessus de nos têtes. On entendait les voitures, quelques cris mais on ne savait


pas vraiment ce qui se passait dans le village. Ça nous faisait rire de nous dire qu’on allait échapper à la fin du monde. Et puis, dès le lendemain c’est tombé dans l’oubli. ET DIX ANS PLUS


TARD VOUS REVENEZ SUR VOS PAS, AVEC UN OBJECTIF : SUIVRE UNE RUMEUR JUSQU’À SA DÉSINTÉGRATION. Y AVEZ-VOUS VRAIMENT MIS FIN ? À l’époque, on a assisté à un mécanisme d’emballement à la fois


dans les médias et sur les réseaux sociaux. Facebook et Twitter en étaient à leurs débuts, les chaînes d’infos en continu aussi. Plus de 300 journalistes étaient sur le site, alors qu’on


savait qu’il ne se passerait rien. La rumeur s’est désintégrée le jour J finalement. Mais on a voulu aller au-delà de la légende, au-delà de la réputation de "village des fous" qui


colle à la commune depuis 2012. Et on le voit dans le livre : Bugarach est un village comme d’autres avec un petit truc en plus. VOUS AVEZ POURTANT DÉCIDÉ D’ALLER JUSQU’AU BOUT DE LA RUMEUR


SELON LAQUELLE IL Y AURAIT UN VAISSEAU SPATIAL DANS LE PIC EN ORGANISANT UNE EXPLORATION AVEC UN SPÉLÉOLOGUE. On voulait faire un portrait de ce pic dont l’exploration reste inachevée.


Celle-ci a animé les spéléologues pendant des années, avec le rêve de traverser la montagne. Mais pour l’instant ce projet est au point mort. Pour le comprendre, il faut se pencher sur les


analyses économiques et sociologiques de la Haute Vallée : une région touchée par le chômage, la désindustrialisation… les jeunes s’en vont et forcément les générations de spéléologues ne se


renouvellent pas. EN HAUTE VALLÉE, ON L’A VU LORS DE NOTRE DOSSIER SUR LES DÉSERTS MÉDICAUX, LES HABITANTS ONT LE SENTIMENT D’ÊTRE DES OUBLIÉS. FINALEMENT, AU-DELÀ DES MYSTÈRES QUI


ENTOURENT LE PIC, EST-CE QUE VOTRE OUVRAGE NE RACONTE PAS AUSSI "CE MONDE PERDU RETOMBÉ DANS L’OUBLI" COMME VOUS L’ÉCRIVEZ ? Absolument. Ça a été long de gagner la confiance des


habitants : on a fait plusieurs longs allers-retours. On voulait dissocier l’attrait ésotérique de cette montagne qui cumule 10 000 passages par an. Le village nous a fascinés dans les


histoires, les destins de ce qui y vivent. Grâce à l’aide des anciens, on a pu retracer son histoire depuis la Seconde guerre mondiale. On a passé beaucoup de temps avec eux pour ne pas leur


voler leur parole. _Romain Lescurieux et Antonin Vabre, "La montagne Inversée, Une expédition dans les méandres du fantasme", éditions Marchialy, 22 euros._